Cette semaine, MTV lançait sa série star de l’été, l’adaptation télévisuelle du film culte de Wes Craven Scream, décliné en TV show, selon la mode actuelle aux États-Unis. Si le pilote n’a pas cartonné en audience, malgré un score correct pour la chaîne, on était quand même sacrément curieux de voir le résultat de ce retour de Ghostface sur le petit écran. Que vaut donc Scream, la série ? On était branché sur MTV et on a regardé. Verdict.(Un nouveau Ghostface moins iconique)
Il est toujours difficile de se faire un avis sur la base d’un seul pilote. Et bien généralement, ce sont les suivants qui viennent indiquer une tendance, bonne ou mauvaise. Pour ce lancement, Dimension Television a essayé d’accrocher le spectateur en faisant dans la générosité et la nostalgie de la franchise de Wes Craven. Concrètement, des adolescentes canons, des meurtres, de l’auto-réflexion sur le genre et bien sûr, un tueur masqué, tueur qui arbore un masque plutôt pas mal en soi mais bien différent de celui de la saga ciné, ce qui posera peut-être un petit problème aux irréductibles des films. On n’aurait quand même pas craché sur le fait de retrouver le visage blanc fondu en lieu et place de ce nouveau look modernisé. Bref, le premier avis à chaud serait de se dire que Scream a des arguments pour séduire la nouvelle génération. Cet épisode pilote assure le boulot et se révèle très formaté pour le public adolescent actuel. C’est à la fois une démarche qui se défend et qui se descend. D’un côté, les fans des films éprouveront des douleurs récurrentes devant la régression débilitante de la chose, de l’autre, ceux qui découvriront Scream par le biais de cette série (bonjour le coup de vieux) seront dans un univers qui les mettra à l’aise, utilisant les smartphones, Youtube et tous les codes de la jeunesse actuelle.(Une sacré brochette d’endives à dézinguer)
S’ingéniant à expliquer que le slasher ne peut être adapté en série télé, histoire de faire comme les films de Wes Craven et de proposer une auto-réflexion sur elle-même, la série Scream se tirerait presque une balle dans le pied. Car finalement, les arguments que la série entend ensuite atomiser et désamorcer pour prouver que si, c’est bien possible (et bien sûr que c’est possible, pour preuve Harper Island) se retournent contre elle car… ils s’avèrent vrais. Espérons que la suite du show ne continue pas à lui raison, d’autant que l’on a sincèrement du mal à voir comment tout ça tiendra sur la durée car la structure de départ est déjà poussive à souhait. Heureusement, il n’y aura que 10 épisodes. Exemple, ce pilote, par la voie d’un geek fan de tueurs en série (le pendant de Jamie Kennedy dans les films), explique que pour qu’un film d’horreur fonctionne en version série, le spectateur doit nouer une relation avec les personnages. Il doit compatir avec eux, s’attacher à eux, à leur univers (et le geek de citer l’exemple côté série dramatique, de l’excellente Friday Night Lights). Première balle dans le pied. Car justement, on n’en a rien à cirer des personnages dans Scream, tous plus têtes à claques les uns que les autres, en plus d’être campés par des acteurs au jeu très très approximatif. On est loin de l’empathie que l’on pouvait éprouver pour Sidney Prescott (Neve Campbell) ou Casey Baker (Drew Barrymore) dans Scream premier du nom. Succession de têtes fadasses aux brushing parfaitement exécutés par Jean-Louis David, la jeunesse de la série Scream n’inspire aucune connexion, peut-être auprès des plus jeunes, mais certainement pas auprès des aficionados de la franchise cinéma. En même temps, là où Wes Craven proposait une réflexion souvent pertinente sur le genre, le show télé balance des inepties car, au contraire, quantité de slasher fonctionnent sur le principe inverse, des jeunes pas vraiment empathiques, ce qui rend plus jouissif la tuerie à venir. L’inverse peut-il marcher à la télé ? Pas sûr. En tout cas, ce pilote n’en fait pas la démonstration. (Faites la connaissance de la Jennifer Lawrence de chez Leader Price)
Dans le contenu, la série Scream se devait de s’inscrire dans la lignée spirituelle de son matériau originel tout en faisant « un peu » différent. Sauf que faire différent de l’excellence, mène souvent vers des chemins compliqués. C’est un peu le cas ici. Les clichés dont Craven s’amusait, fatiguent et révulsent car aucun second degré ne vient alimenter l’affaire, et pour le reste, ce pilote se contente de paraphraser Scream 1 avec un petit lot de changements, histoire de préparer sa propre intrigue. En somme, on se retrouve face à une sensation de déjà-vu, un décalque dont on reconnaît vaguement les traits, mais qui paraît plus idiot et sans saveur, en plus d’être tellement aseptisé, alors qu’aucune scène mémorable ne viendra en relever le goût (à l’image de la séquence d’ouverture culte de Scream 1, retravaillée ici en version discount et peu inspirée). Du côté du tueur, la série ne pouvant recycler l’histoire de son modèle pour des raisons évidentes de besoin de surprendre le néo-spectateur, on se retrouve avec une mythologie qui rappelle quantité de slasher de série B eighties maladroitement digérés. Côté suspens cette fois, Scream essaie de multiplier le champ des possibles afin de semer encore plus le doute. C’est réussi mais on éprouve tellement de mal à s’intéresser à l’intrigue que les efforts tombent à l’eau.(Le coup du jacuzzi, un classique du genre. Par pitié, meurs vite, tu joueras mal moins longtemps)
Dans l’absolu divertissant, on attendra de voir si la suite confirme la tendance mal embarquée mais après ce lancement car on reste guère convaincu par cette déclinaison qui piétine un pan de notre adolescence et de notre nostalgie. La série Scream a beau faire des références dans tous les sens (ciné avec Souviens-toi l’été dernier et les films de Craven, ou télé avec tout un tas de séries modernes évoquées diégétiquement), on reste de marbre devant ce resucé à l’intérêt mis en doute. Mais qu’on se le dise, son plus gros problème quand même, reste le formatage à la sauce MTV, avec tout ce qu’il implique de régression crétine et de codes pré-ado insupportables qui trahissent l’intelligence des films de Wes Craven. Il va falloir sérieusement augmenter le niveau qualitatif pour que l’on reste accroché à la chose car pour l’instant, tout est un repoussoir. Un repoussoir qui se regarde, certes, mais avec un sentiment de consternation qui prend le dessus sur la curiosité. Vite, une Dolorean pour retourner en 1996.