Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Red Lights
Père : Rodrigo Cortès
Livret de famille : Sigourney Weaver (Dr Matheson), Cillian Murphy (Tom Buckley), Robert De Niro (Simon Silver), Elizabeth Olsen (Sally), Joely Richardson (Handsen), Toby Jones (Shackleton)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : Etats-Unis, Espagne
Taille/Poids : 1h53 – 14 millions $
Signes particuliers (+) : Des idées mêlant les genres et un pitch intéressant, mis en oeuvre par un réal qui a du talent et un beau casting.
Signes particuliers (-) : Confus, maladroit et mal ficelé, cet ambitieux Red Lights ne trouve jamais le bon ton ni le bon rythme.
SEMBLANTS ET FAUX-SEMBLANTS
Résumé : Le Dr Margaret Matheson et son assistant Tom Buckley sont deux psychologues spécialisés dans l’étude des phénomènes paranormaux. Ensemble, ils oeuvrent depuis des années à révéler la véritable nature d’escroc des médiums imaginaires profitant de la crédulité des foules. Lorsque le légendaire médium Simon Silver refait surface après 30 ans d’absence, Margaret refuse de se confronter à lui malgré les demandes de Tom. Contre sa volonté, ce dernier s’approche quand même de cet homme énigmatique. De trop près peut-être…
Nous avions quitté l’ibérique Rodrigo Cortès il y a un peu plus de deux ans après la claque d’un petit long-métrage alliant l’intelligence d’une série B de très grande qualité et l’expérience cinématographique viscérale et originale. C’était Buried en 2010 avec un pauvre Ryan Reynolds enterré vivant quelque part dans le désert irakien par des insurgés en représailles à l’invasion du pays par l’armée américaine. Une boule de nerf de 95 minutes maligne et diaboliquement efficace qui se permettait quelques envolées ouvrant à une réflexion certes facile mais intéressante et qui marquait l’influence du maître Hitchcock dans le cinéma de l’espagnol. Deux ans plus tard après avoir acquis une renommée internationale grâce au film, Rodrigo Cortès fait son grand retour avec un thriller psychologico-fantastique présenté au festival de Sundance 2012. Cette nouvelle coproduction américano-espagnole marque aussi le cap franchi par le cinéaste. Le film est plus classieux, moins estampillé série B et emmené par un casting quatre étoiles dominé par Sigourney Weaver, Cillian Murphy et Robert De Niro entourés dans de seconds rôles, par la jeune et talentueuse Elizabeth Olsen ou encore Joely Richardson ou Toby Jones.
Le pitch du film n’est pas inintéressant et essaie de naviguer habilement entre les eaux troubles du thriller et du film fantastique sans jamais vraiment s’abandonner totalement ni à l’un ni à l’autre mais plutôt en se préservant de toute classification dogmatique pour rester dans l’énigmatique, le doute, l’étrange, sur un fil en équilibre précaire entre le film de genre et le drame psychologique. Un pari audacieux que tente de relever ce metteur en scène pétri de talent dont on attendait beaucoup après la claque Buried qui démontrait ses aptitudes à voir grand avec pas grand-chose. D’autant que Cortès voit ses moyens multipliés par plus de trois puisqu’il passe d’un budget ridicule de 3 millions (Buried) à 14 millions de dollars pour ce film-ci. Plus confortable sans être tranquille car finalement, on reste dans le budget très limité surtout compte tenu de son prestigieux casting.
Red Lights, de son nom, aura reçu un accueil plus qu’enthousiaste lors de sa présentation à Sundance mais aura eu en revanche plus de mal avec la critique à sa sortie, globalement négatives. Et il faut bien avouer qu’il y a de quoi. Plus ambitieux dans son sujet et son traitement, Rodrigo Cortès ne réussit pas éblouir comme il l’a fait précédemment avec Buried. En premier lieu par la construction du film justement, qui essaie thématiquement d’entremêler les genres pour se teinter d’une parure du doute permanent et narrativement, qui fonctionne sur une structure à deux temps avec une rupture à milieu de récit proposant un virage inattendu changeant au passage les enjeux et le ton du film qui passe du thriller pur au thriller psychologique mâtiné de fantastique voire même de science fiction. L’entreprise aurait pu fonctionner à condition de faire preuve d’une extrême rigueur et exigence, ce qui n’est finalement pas le cas de Cortès (qui a écrit le scénario). Red Lights manque de cohérence thématique, stylistique et narrative et se perd dans un script qui essaye de s’inspirer des folles intentions ambitieuses du cinéma d’un Christopher Nolan par exemple, comme si Cortès avait voulu signer une œuvre troublante quelque part entre Le Prestige, un épisode d’X-Files ou le Scanners de Cronenberg.
On s’ennuie au final pas mal dans un film où le temps semble long alors qu’il multiplie les redondances et les séquences mal amenées, mal emboitées voire les passages nébuleux limite incompréhensibles. Les personnages, sur lesquels Cortès appuie beaucoup dans son travail, auraient pu alors devenir les sauveurs menant le film vers le bout du tunnel mais malheureusement, là où le cinéaste avait réussi à presque transcender un Ryan Reynolds au charisme d’une huitre crevée, il lâche cette fois sa direction d’acteurs, comme impressionné par ses comédiens. Sigourney Weaver en roues libres, de même qu’un De Niro dont le personnage censé être un monstre de charisme, manque de consistance et d’envergure, des seconds rôles sans intérêt (Olsen, Richardson)… Non, Red Lights n’y arrive vraiment pas et pédale dans la semoule, s’enfonçant comme empêtré dans les sables mouvants d’un marécage sinistre. Cortès a eu les yeux plus gros que le ventre et a voulu se lancer le défi d’un film thématiquement ambitieux et ingénieux articulé à une mécanique complexe abordant des questions comme l’obscurantisme public et la crédulité des gens devant des orateurs truqueurs et doués dans la malice retorse. La quête de vérité de ces deux combattants/détracteurs luttant contre les arnaqueurs charlatans, trouvant intelligemment sa source dans un drame de vie concernant le Dr Matheson (Weaver), est finalement vaine (en plus d’être tirée par les cheveux) tant le film piétine dans son déroulement maladroit, régulièrement ponctué de séquences reprises du cinéma horrifique à la mode qui handicapent un film qui ne sait pas comment se positionner et handicapé par ses changements de ton peu homogènes. Un film qui semble ne pas trop savoir où il va avant d’essayer de nous surprendre par un twist final que l’on se gardera de déflorer mais qui sent le réchauffé.
Red Lights avait tout du cinéma très ambitieux mais dans ce film cosmopolite tirant dans tous les sens avec une rigueur narrative proche de l’amateurisme, rien ne fonctionne. Cortès n’a pas su clairement choisir son angle d’approche et veut faire trop de choses hétéroclites pour surprendre le spectateur dans une sorte d’œuvre essayant de tisser sa toile mystérieuse autour du spectateur sans jamais y parvenir. Globalement mou au point que les sursauts de dynamisme apparaissent comme des piques confuses, Red Lights est un étrange capharnaüm qui ne manque pas de singularité et d’idées mais qui se rate dans la mise en œuvre, comme un bon plat servi dans une vieille écuelle sale.
Bande-annonce :