Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Fase 7
Père : Nicolas Goldbart
Livret de famille : Daniel Hendler (Coco), Jazmín Stuart (Pipi), Yayo Guridi (Horacio), Federico Luppi (Zanutto), Carlos Bermejo (Guglierini), Gonzalo Urtizberéa (Lange)…
Date de naissance : 2010
Nationalité : Argentine
Taille/Poids : 1h36 – Env. 2 millions $
Signes particuliers (+) : Un traitement original sur un sujet archi-rebattu avec une vraie singularité et un ton qui lui est propre. Et c’est plutôt bien fichu.
Signes particuliers (-) : Le mélange des genres a du mal à prendre car certaines tonalités prennent le pas sur les autres. Ainsi, le ton décalé étouffe toute tension et suspens. Le rythme est un peu trop mou.
PHASE 7 / LA VIOLENCE
Résumé : L’Argentine étant frappée par mystérieux virus proche de la grippe, l’ONU déclare le pays en Phase 7, le plus haut niveau alors que tout le monde craint une pandémie mondiale. Les habitants d’un immeuble placé en quarantaine attendent des instructions…
Phase 7 est un film surprenant dans tous les sens du terme. Surprenant en bien mais aussi surprenant en mal. Petite péloche venue d’Amérique du Sud, d’Argentine plus précisément, Phase 7 est une sorte de thriller presque horrifique dans l’idée mais pas vraiment dans les faits. Son auteur, Nicolas Goldbart a déjà une solide expérience comme monteur mais se lance un nouveau défi : réaliser son premier film. Après avoir travaillé longtemps sur ceux des autres (il bosse depuis 1999), Goldbart passe un cap en 2010 en réalisant Fase 7 en VO dans le texte. Le cinéaste s’inspire des nombreuses théories qui traînent sur le net, des nombreuses idées obscures et rocambolesques qui circulent, qui s’alimentent et que certains font de leur démonstration tout un combat. Conspirationnisme, Nouvel Ordre Mondial, Eradication d’une grosse partie de la population… Goldbart reprend ces sombres thèses que l’on trouve ça et là notamment sur la toile ou dans des articles spécialisés (souvent associées aux monde des Illuminati et à leurs desseins occultes) et va voir ensuite du côté de l’espagnol Rec auquel il emprunte le concept de quelques voisins enfermés dans une immeuble placé en quarantaine pour cause de pandémie étrange et obscure. Un virus semblable à la grippe dit-on mais sans plus alors que l’échange d’information semble bien compliqué. Comme les protagonistes, le spectateur ne sait pas vraiment de quoi il en retourne d’autant que la caméra de Goldbart ne quittera jamais l’immeuble et plus précisément Coco, un jeune habitant du quatrième, vivant avec sa femme enceinte (femme qui s’appelle « Pipi »… On dit ça, on dit rien mais bon, c’est un peu gênant à la longue).
Avec peu de moyens et misant surtout sur l’ingéniosité, Nicolas Goldbart essaie de refaire le coup de Rec mais en évacuant la composante zombiesque. Phase 7 n’est pas et ne sera d’ailleurs pas un film de morts-vivants, pas plus qu’il n’est vraiment un film d’horreur au passage. Le néo-cinéaste prend davantage la direction du thriller en huis-clos montrant comment l’attente, les jours passant, le stress, le confinement, le manque d’informations, la paranoïa, va finir par faire exploser les relations habituellement très cordiales de ce groupe de voisins. L’idée était plutôt intéressante, il faut bien l’avouer. Et Phase 7 aurait pu être un film très malin et redoutable. Avec une bonne maîtrise de la tension, Goldbart aurait pu frapper un grand coup mais malheureusement, il n’y parvient pas et c’est d’autant plus dommage que l’on s’en rend compte un tout petit peu trop tard, après qu’il ait eu le temps d’attiser notre curiosité par une longue présentation du contexte assez intrigante. En fait, le premier tiers de Phase 7 est même plutôt bon. Goldbart pose ses bases, pose le couple Coco/Pipi (oui, on sait, c’est dur mais pour eux en Argentine, c’est normal) et réussit à nous prendre au jeu de cette attente troublante avec peu d’informations qui filtrent. Surtout, il réussit à donner un maximum de crédibilité à son univers à mi-chemin entre la comédie et le film « catastrophe ». Et là de se dire que finalement, Phase 7 pourrait bien être la petite surprise du weekend. Sauf que la déception sera presque à la mesure de l’intéressement du début. Alors que l’on commence à se laisser happer par cette petite production argentine sympathique et curieuse, loin du nanar auquel on aurait pu croire à la découverte de l’affiche, on finit par se rendre compte que l’introduction plutôt captivante dure, dure, dure… Et le film de peiner à vraiment décoller. Phase 7 rate partiellement le virage qui était censé le faire sortir de son premier tiers pour embrayer sur la suite du métrage. Rapidement, il devient semi-ennuyeux, un peu redondant, pas toujours très inspiré et quand Goldbart se décide enfin à faire quelque chose, à faire en sorte à ce qu’il se passe quelque chose, il se manque par trop de brutalité narrative. Un comble d’ironie. Sa principale erreur est de ne pas avoir su maîtriser correctement l’évolution de la situation qu’il dépeint. Tant qu’il était tranquillement installé dans sa première partie, Goldbart s’en sortait bien mais dès lors qu’il faut bouger et prendre des risques pour avancer, c’est là que le néo-réalisateur ne transforme pas l’essai. En voulant faire avancer son intrigue avant que le spectateur ne décroche et n’aille voir si l’herbe ne serait pas plus verte ailleurs, Goldbart se montre maladroit et Phase 7 évolue trop brutalement pour créer de la tension et s’en nourrir, au point que les évènements passeraient presque pour la plupart comme improbables. L’univers est crédible mais les réactions des personnages sont mal amenées et laissent pointer un sentiment à mi-chemin entre le grotesque et l’étonnement.
Pourtant et curieusement, le film passe plutôt bien ou du moins pas trop mal. Peut-être parce que cette impression d’improbabilité peut trouver une explication intéressante dans les choix narratifs pour lesquels Goldbart a opté. En s’attachant à un seul personnage, Coco, et en ne le quittant jamais, forcément, on se retrouve dans la position contraire d’un spectateur omniscient. Coco n’assiste pas à tout ce qu’il se passe dans son immeuble et prend les situations en cours de route, comme nous, sans toujours comprendre ce qu’il se trame exactement ou ce qu’il s’est tramé avant son arrivée dans la scène, comme nous. Si c’était là le parti pris choisi par Goldbart, autant dire que malheureusement, tout aussi malin qu’il soit, voire intelligent, il ne fonctionne qu’à moitié. Primé dans plusieurs festivals notamment au réputé Sitges, Phase 7 attise la curiosité par sa façon de s’éloigner du film d’épidémie classique, un sous-genre horrifique ultra-balisé ces dernières années. Avec ses pointes d’humour qui lui donne un ton atypique, son univers confiné et ses personnages décalés, Phase 7 est plaisant. Dommage dès lors qu’il manque un peu de rebondissements ou plutôt que ces derniers ne soient pas plus accrocheurs dynamiques, là où ils paraissent un peu trop mous pour convaincre. En fait, le film souffre d’un déséquilibre dans son tempo et son ton, penchant légèrement de trop vers le décalé au lieu de se montrer un peu plus rageur et viscéral dans les affrontements et les explosions de violence. La tension palpable en est du coup fortement amoindrie voire évacuée et Phase 7 déroule trop tranquillement un film qui vire presque plus au drame qu’au thriller accrocheur. En fait, on penserait presque au The Crazies de Romero mais avec moins d’action et en huis clos.
Phase 7 n’est pas indigne, loin de là. Le film de l’argentin Nicolas Goldbart n’a pas à rougir de ce qu’il propose même s’il ne le fait pas toujours au mieux ou adroitement. On aurait aimé que le suspens soit plus prenant, que le film soit plus baigné par une tension inextricable avant que la violence n’explose, qu’il soit plus intense au lieu d’abattre autant la carte du décalé en mélangeant des genres qui se marrie mal dans le travail de Goldbart. Car ce dernier n’arrive pas à exploiter le meilleur dans ses idées, n’arrive pas à exploiter ses situations et oublie en route trop de personnages (comme la conjointe Pipi… On s’en lasse pas). Dommage, Phase 7 aurait pu être une excellente surprise inattendue. Il est au final juste un film sympathique quoiqu’un peu trop mou, manquant un peu d’action et de rebondissements et partant dans une direction qui n’était forcément la plus judicieuse. Et tout cela, en supposant du choix narratif de son auteur qui expliquerait l’aspect si décousu du script. Sympathique sans être transcendant.
Bande-annonce :