Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : My Geisha
Père : Jack Cardiff
Livret de famille : Shirley MacLaine (Lucie Dale / Yoko Mori), Edward G. Robinson (Sam Lewis), Robert Cummings (Bob Moore), Yoko Tani (Kazumi), Yves Montand (Paul Roubaix)…
Date de naissance : 1962
Majorité au : 1er décembre 2006 (en DVD)
Nationalité : USA
Taille : 1h58
Poids : Budget NC
Signes particuliers (+) : Une délicieuse comédie dramatique portée par de magnifiques comédiens, levant un petit voile sur les coulisses du cinéma par une habile mise en abyme en se payant un fin portrait au vitriol du système hollywoodien. Charme, légèreté, humour et romance sont au programme de cette délicate virée exotique au royaume des Geishas dont l’univers est brossé avec un immense respect et réalisme.
Signes particuliers (-) : La fin est incohérente et illogique mais bon…
L’ÂME AU PAYS DE SOLEIL LEVANT
Résumé : Paul Roubaix, un réalisateur français travaillant à Hollywood où il réalise essentiellement les films de sa femme Lucie Dale, une célèbre star comique, rêve d’un projet qui lui serait propre et personnel : une adaptation de Madame Butterfly qu’il tournerait au Japon. Lucie veut en être mais Paul souhaite une actrice typiquement japonaise et ne pense pas Lucie capable de changer de registre. Elle va devoir ruser pour se faire passer pour une geisha sans que Paul ne le découvre pour essayer de le convaincre…
Ma Geisha est une petite sucrerie hollywoodienne injustement mésestimée, comédie dramatique réalisée en 1962 par le tout aussi méconnu Jack Cardiff (Le Dernier Train du Katanga, Les Drakkars) avec pourtant un beau casting dominé par un quatuor prestigieux composé d’Yves Montand, Shirley MacLaine, Edward G. Robinson et Robert Cummings. A l’époque, Montand est au sommet de sa popularité outre-Atlantique. Deux ans auparavant, il vient d’être l’amour de Marilyn Monroe dans Le Milliardaire. Cette fois-ci, on associe au frenchie la pimpante rigolote MacLaine qui deux avant, venait d’éblouir dans La Garçonnière de Billy Wilder. Robinson et Cummings, eux, sont plus âgés et ont des carrières plus établies qui durent depuis bien plus longtemps. Jack Cardiff aux commandes, quant à lui, est un directeur photo à la notoriété énorme, il a travaillé avec les plus illustres, d’Hitchcock à Mankiewicz, de Michael Powell à King Vidor en passant par John Huston et d’autres. Mais en tant que réalisateur, il ne compte que trois films à son actif (sur la petite dizaine qu’il signera), Ma Geisha étant son quatrième. Un film ambitieux qu’il souhaite partiellement tourner au japon et surtout, un film qui, de façon déguisé, parle quelque part de lui, d’Hollywood, du système, de sort de l’artiste soumis aux diktats de l’image, de l’ouvrier effacé au second plan, suspendu aux impératifs financiers… Un petit mot du scénariste de l’affaire qui est Norman Krasna, un auteur essentiellement de petites comédies mais également à l’origine du script du Fury de Fritz Lang et derrière ceux de Indiscret avec Cary Grant ou justement du Milliardaire, avec déjà Montand. Krasna a déjà été nommé quatre fois à l’Oscar pour une victoire avec La Petite Exilée en 1943.
Ma Geisha ne fut pas un grand succès en son temps et d’ailleurs, le film n’a pas laissé un impérissable souvenir dans l’histoire du cinéma. Et c’est bien dommage car voilà une comédie dramatico-romantique qu’il est agréable de redécouvrir aujourd’hui, d’autant qu’elle propose une mise en abîme du milieu hollywoodien à la fois délicieuse et grinçante, révélant d’une certaine façon, le cynisme de ce monde régit par des financiers plus que par des partisans intègres de l’art pur, même si, comme le film le souligne, il en existe et heureusement car ce sont eux qui permettent au système de survivre et de, de temps à autre, proposer des chefs d’œuvre mythiques et courageux en maniant l’art de la politique et de la persuasion rusée. Ma Geisha, comme on s’en doute au titre, nous conduit au pays du soleil levant. Paul Roubaix est un réalisateur français qui ne rêve que d’une chose, tourner une adaptation de Madame Butterfly au Japon. Désireux de faire un grand film mémorable et audacieux, il ne veut pas d’un studio préfabriqué où tout serait reconstitué. Il veut du vrai, de l’authentique, du sincère et de l’atmosphère. Il veut retrouver et renouer avec les vraies valeurs et le charme du pays, il veut une véritable japonaise et non une star hollywoodienne japonisée. Après une bataille pour convaincre son producteur, il parvient à s’envoler à l’autre bout du monde avec son comédien fétiche et… sa femme sans le savoir ! Car le petit grain de sable de l’histoire, c’est que sa femme n’est autre que Lucie Dale, célèbre star comique américaine qui rêverait de jouer dans ce nouveau projet. Mais Paul ne veut pas, pas cette fois. Lucie n’aura d’autre choix que de se faire passer pour une authentique geisha pour le convaincre…
Sur la base de postulat comique, Jack Cardiff développe une jolie comédie attendrissante, offrant un véritable numéro d’actrice à Shirley MacLaine littéralement époustouflante en Geiko de maison de thé. Déjà, par sa transformation physique sidérante à s’y méprendre mais aussi, par son talent multi-facette, elle que l’on a toujours vue comme la rigolote de service et qui prouve qu’elle pouvait être douée également dans les rôles poignants. A cet égard, Ma Geisha trouve tout son intérêt. Dans cette façon habile qu’il a de mettre en abîme le milieu artistique hollywoodien et certaines vérités. Comme son personnage de Lucie Dale, MacLaine est une comédienne essentiellement perçue comme drôle, elle qui ne demandait qu’à prouver l’étendu de son talent et qui l’avait d’ailleurs brillamment démontré un an plus tôt avec le fabuleux et très courageux La Rumeur de William Wyler. De même, comme son personnage, Jack Cardiff est un réalisateur qui avait la volonté de faire un film vrai, authentique. Il n’a pas lésiné sur les moyens. Paul Roubaix (Montand) pouvant être perçu comme son alter ego. Comme lui, Cardiff voulait tourner au Japon, voulait tourner dans de vrais décors, voulait que l’on sente l’âme du Japon traditionnel. Ce qu’il a d’ailleurs su faire par un film qui est plutôt fidèle à l’univers délicat des geishas, que le monde hollywoodien a toujours regardé de loin avec une pointe d’ironie exotique à la limite de l’insulte culturelle, les présentant comme des domestiques voire des prostituées (Le Barbare et la Geisha avec John Wayne ou Opération Geisha de George Marshall). A l’inverse, Cardiff n’hésite pas à s’attarder sur la beauté de cet univers mystérieux, sur ses principes, son exigence, son aura, et ce avec un respect et une pudeur qui frise le soulagement de voir enfin un metteur un scène ne pas le trahir bassement. Enfin, Ma geisha se paye une jolie critique du milieu hollywoodien, un milieu d’argent et de rentabilité avant d’être la patrie du « septième art ». Il met finement et avec beaucoup d’humour en exergue la primauté de la finance sur l’art lui m-même en taillant une belle veste aux patrons de studios. L’attachant producteur exécutif qu’est Edward G. Robinson est à un poste le cul assis entre deux chaises, à la fois proche de son réalisateur qu’il veut aider et tenu par ses supérieurs ne parlant que de rentabilité et de commerce. Il est présenté comme un renard obligé d’être roublard, de truquer, de mentir sans le faire, d’user de tact et de pédagogie astucieuse pour répondre à ses patrons ne parlant que le langage du marketing et de l’argent.
Ma Geisha est donc une jolie pique envers le système, une maligne incursion documentée dans les arcanes d’une production de cinéma comme si l’on suivait un film par un film sur son tournage. Après, Jack Cardiff n’en oublie pas de conjuguer ses ambitions avec le pur divertissement. Ma Geisha est avant tout une comédie, doublé d’une romance avec une pointe de drame amer. Un bien beau film auquel on pourra seulement reprocher sa fin spectacle, incohérente et illogique. Mais on ne pouvait pas non plus trop en demander d’un film produit par un studio (la Paramount). Le duo MacLaine-Montand fonctionne bien, c’est plein de charme et de beauté, vivant, léger, exotique, touchant, amusant et ludique à la fois et enfin agréable. On aimait ce cinéma-là.
Extrait :
Bonjour,
L’analyse de l’auteur de cet article me convient tout à fait, sauf la fin où il écrit : « Un bien beau film auquel on pourra seulement reprocher sa fin spectacle, incohérente et illogique. ».
Au contraire, je trouve que la fin est très subtile. Le spectateur se demande comment Shirley MacLaine va se tirer de ce pas (pas du tout mauvais !) où elle s’est engagée. En fait, la geisha qui a été le mentor de Shirley tout au long de son séjour au Japon, interprétée par l’actrice japonaise Yoko Tani, magnifique, est la pièce maîtresse du dénouement. Elle va personnifier toute la subtilité japonaise. Je ne vois pas où se situent l’incohérence et l’illogisme d’un telle fin…
Cordialement,
Eléonore
serait mieux en francais