Nom : Love
Père : Gaspar Noé
Date de naissance : 2015
Majorité : 15 juillet 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h14 / Poids : NC
Genre : Drame pornographique
Livret de famille : Karl Glusman (Murphy), Aomi Muyock (Electra), Klara Kristin (Omi), Juan Saavedra (Julio), Jean Couteau (Noé), Vincent Maraval (lieutenant Castel)…
Signes particuliers : La nouvelle expérience frondeuse et libérée de Gaspar Noé, qui nous avait déjà soufflé sur place en 2002 avec Irréversible, est un hommage à la vie et au cinéma.
« OH NON, DÉJÀ QU’À DEUX C’EST DÉGUEULASSE… »
LA CRITIQUE
Résumé : Un 1er janvier au matin, le téléphone sonne. Murphy, 25 ans, se réveille entouré de sa jeune femme et de son enfant de deux ans. Il écoute son répondeur. Sur le message, la mère d’Electra lui demande, très inquiète, s’il n’a pas eu de nouvelle de sa fille disparue depuis longtemps. Elle craint qu’il lui soit arrivé un accident grave. Au cours d’une longue journée pluvieuse, Murphy va se retrouver seul dans son appartement à se remémorer sa plus grande histoire d’amour, deux ans avec Electra. Une passion contenant toutes sortes de promesses, de jeux, d’excès et d’erreurs…L’INTRO :
Le sexe dans toute sa trivialité. Cet ennemi abject et dégueulasse condamné par la morale bien-pensante qui, tel un chevalier sur SON grand cheval blanc, en combat les fulgurances à l’écran avec force et conviction rétrograde. Cette même morale qui ironiquement, est responsable de ce qu’elle combat. Car finalement, quand un cinéaste provocateur comme Gaspar Noé se lance dans un projet de « film pornographique en 3D », le but n’est ni plus ni moins que d’inviter à l’écran ce qui d’ordinaire en est banni. Et pourquoi en est-il banni ? CQFD. Love est donc le nouveau Baise-moi, le nouveau La Vie d’Adèle, le nouveau L’Inconnu du Lac et tant d’autres. Menacé d’une interdiction aux moins de 18 ans, le dernier effort de l’iconoclaste Gaspar Noé est une charge contre la censure morale imposée par les pseudo-gardiens de notre société. L’œuvre d’un cinéaste qui « emmerde » ces pseudo-codes de ce que l’on a droit de montrer ou pas. Le sexe, c’est la vie. Et quand le cinéma dit représenter la vie, il ment. S’il représentait vraiment la vie, alors Love ne serait pas un problème. De là à dire que le film de Gaspar Noé se limite seulement à cette position idéologique radicale, il est un pas que nous ne franchirons certainement pas. Car non, Love n’est pas juste un porno qui enfonce le clou dans sa provoc en s’affichant en relief pour mieux souligner ses fulgurances sexuelles. Love est avant tout une histoire d’amour intense, un drame bouleversant, et une chronique narrant la vie d’un jeune couple, avec ses bonheurs et ses erreurs, ses moments sublimes et ses affres difficiles. Présenté en sélection officielle à Cannes, Love n’a pas remporté l’adhésion générale. Depuis, c’est la question de son interdiction qui trouble le débat (le film a finalement écopé d’un -16 ans). Nous, on a cœur de le défendre bec et ongles.L’AVIS :
L’ambition de Gaspar Noé était de coucher à l’écran ce qui fait la matière de la vie et l’essence même du cinéma : le sperme, le sang et les larmes. Une démarche qu’il se sent presque obligé de mentionner dans le film, peut-être pour en désamorcer la charge. Toujours est-il que ce résumé lapidaire est on ne peut plus vrai. Toutes les histoires, de cinéma mais pas seulement, se réclament de ses trois fondements. En s’abandonnant totalement dans un film libre, sans barrières, reflet de la vie réelle portée à un haut degré d’authenticité sans tabou, rejetant les valeurs étriquées poussant le cinéma à pervertir ses histoires et sa démarche démonstrative pour se conformer aux morales… Noé choquera peut-être. Mais il signe sans aucun doute, l’un des films les plus authentiques qui soit, un vrai long-métrage de cinéma où la véracité balaie tout esprit truqueur.
Film noble, tristement perçu comme jusqu’au-boutiste là où il ne fait en réalité, que montrer des « choses de la vie », Love est-il un chef d’œuvre foudroyant ? Pas totalement. Car Gaspar Noé ne va pas toujours au bout de sa démarche, enfonçant avec panache à grands coups d’épaules certaines portes fermées à double-tour, mais reculant devant certaines, comme s’il n’osait pas revendiquer à 100% sa cause, recourant sans cesse au contrepoids de la musique classique pour rendre artistiques ses scènes les plus crues, entre autres artifices et motifs. Quitte à se plonger radicalement dans une telle pureté, n’eut-il pas été mieux d’y aller totalement ? La question perdure, mais force est d’avouer dans le même temps, que le résultat est superbe, ce qui atténue l’impact de ces réserves.
Love, un film comparable à La Vie d’Adèle ou à Nymphomaniac ? Pas du tout. Love ne développe pas les mêmes thématiques et ne se réclame pas de la même philosophie. Noé ne cherche pas à faire un pensum existentiel comme Lars von Trier, pas plus qu’il ne cherche à faire un drame « classique » arborant juste une scène crue, comme l’a fait Abdellatif Kechiche. La vie et ce qui la compose est au centre même des intentions, coucher sur pellicule les composantes fondamentales du cinéma et de la vie. Car au fond, si l’on prend en considération l’ensemble des œuvres cinématographiques produites, l’amour, le crime et le drame sont comme les trois couleurs primaires de tout scénario. Love est ni plus ni moins que la mise en valeur des racines de tout récit de cinéma, de tout récit tout court. Un retour aux sources valeureux, qui choque car on n’en a perdu l’habitude. Et peut-être aussi un film qui permettra, avec d’autres, d’ouvrir un peu le champ des possibles, le champ de la monstration, en brisant certains tabous encore fortement enracinés.
Par un scénario d’une folle maîtrise et une mise en scène magistrale, riche, pleine d’idées et de fulgurances, parfois un peu trop quand Gaspar Noé tombe dans le nombrilisme (un travers qui se retrouve aussi par petites touches dans un script affichant quelques pointes d’égocentrisme amusement mégalo comme quand le cinéaste s’auto-évoque), Love est une œuvre grandiose, poignante, puissante, une œuvre qui emporte tout sur son passage par son intensité. Les scènes purement sexuelles n’y sont jamais vulgaires, seulement crues et vraies, alors que Noé les filme comme des peintures de Caravage. On regrette parfois le statisme du travail du cinéaste mais plus le film progresse, et plus il gagne en virtuosité, faisant quasiment oublier certaines de ses maladresses, ainsi qu’un jeu d’acteurs pas toujours au diapason de la beauté de l’entreprise (la plupart des comédiens sont des débutants).
Film frondeur, film libérateur, film physique et film profondément aimanté par l’appel de la peinture de la vie, Love est en un sens une œuvre importante. Il pourra par moments paraître un peu pompeux ou prétentieux mais il s’efforce juste à remettre le cinéma avec un grand C (comme cinéphilie) au centre des choses, sans verser dans la provocation gratuite malgré ses scènes de sexe non simulées, mais nouant au contraire son cœur, autour d’un triangle amoureux porteur et authentique.
LA BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux
merci de m’offrire la possibilité de partiper