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Le documentaire Nuit et Brouillard d’Alain Resnais est probablement l’une des œuvres de cinéma les plus importantes et marquantes consacrées aux camps d’extermination nazis, au point d’être souvent incluse au programme scolaire des élèves de troisième dans le cadre du chapitre sur la Seconde Guerre Mondiale. Compte tenu de l’immense respect voué au film aujourd’hui, il est difficile d’imaginer qu’il ait pu être victime de censure à l’époque de sa sortie. Et pourtant…
Réalisé en 1955 pour le 10eme anniversaire de la libération des camps de concentration, Nuit et Brouillard était une commande à la base, initiée par le Comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, un organisme d’Etat fondé quelques années après la Guerre et dont le but était de mener des recherches historiques sur les temps sombres de l’occupation. Originellement, le jeune cinéaste qu’était Resnais avait refusé la proposition, ne se sentant pas légitime pour la diriger. Il reviendra sur sa décision quand l’écrivain Jean Cayrol, résistant français déporté à Mauthausen, acceptera d’écrire le texte du film.
Globalement, le travail d’Alain Resnais fut salué, pour sa sobriété comme pour la beauté de ses images tranchant avec l’horreur de ce qui y est raconté. Un plan, un simple plan allait en revanche poser souci. Précisément, il s’agissait d’une photographie montrant un gendarme surveillant le camp d’internement de Beaune-la-Rolande dans le Loiret. Montrer ce cliché revenait à évoquer la participation française et dans un documentaire financé par l’Etat, l’idée passait moyennement. Le Gouvernement français n’était pas encore prêt à souligner officiellement ses erreurs. Le Bureau de Censure exigea son retrait. Producteurs et Alain Resnais refusèrent mais ils seront malheureusement contraints de plier. L’image sera recadrée et une fausse poutre sera dessinée de sorte à masquer le képi français du gendarme. Jean Cayrol s’en plaindra ouvertement dans un entretien accordé au Monde en 1956.
Le film connut également quelques problèmes au festival de Cannes en 1957. L’Allemagne accusa le réalisateur de « perturber la réconciliation franco-allemande » et la pression mise sur les organisateurs fît que Nuit et Brouillard quitta la Compétition Officielle où il avait été sélectionné pour glisser « Hors Compétition ». Ce n’est qu’en 1997 que la photo originelle fut remise et que Nuit et Brouillard retrouva enfin toute son intégrité.