Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Gone Girl
Père : David Fincher
Date de naissance : 2014
Majorité : 11 février 2015
Type : Sortie DVD & Blu-ray
Nationalité : USA
Taille : 2h29 / Poids : 50 M$
Genre : Drame, Thriller
Livret de famille : Ben Affleck (Nick Dunne), Rosamund Pike (Amy Dunne), Neil Patrick Harris (Desi Collings), Tyler Perry (Tanner Bolt), Carrie Coon (Margo), Kim Dickens (Boney), Patrick Fugit (Gilpin), Emily Ratajkowski (Andie)…
Signes particuliers : Quand le génie de David Fincher s’exprime dans l’adaptation d’un roman fabuleux, on ne pouvait qu’hériter d’un pur chef d’oeuvre aussi intense que vertigineux. Gone Girl est un très grand film.
FINCHER : LA LEÇON DU MAÎTRE
LA CRITIQUE
Résumé : A l’occasion de son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne signale la disparition de sa femme, Amy. Sous la pression de la police et l’affolement des médias, l’image du couple modèle commence à s’effriter. Très vite, les mensonges de Nick et son étrange comportement amènent tout le monde à se poser la même question : a-t-il tué sa femme ? L’INTRO :
Il est fréquent de lire qu’un cinéaste songeait déjà à tel ou tel comédien ou comédienne dès l’écriture de son scénario, voire qu’il a écrit un rôle pour un acteur ou une actrice précis. En revanche, il n’est pas banal de lire qu’une romancière pensait déjà au réalisateur qui pourrait signer l’adaptation au cinéma de son œuvre alors qu’elle commençait à peine à l’écrire ! C’est en tout l’étonnante confidence faite par Gillian Flynn, auteure du best-seller de l’année 2012, Les Apparences, bijou littéraire que le maestro David Fincher vient de porter à l’écran avec dans les rôles titres Ben Affleck et Rosamund Pike, duo de stars étincelants qui a failli ne pas être réuni. Le premier, fan de la première heure du roman, a dû faire reculer le tournage de son prochain film pour pouvoir prendre part à l’aventure et avoir la chance de tourner avec Fincher. La seconde, elle, a raflé le premier rôle au nez et à la barbe de Reese Witherspoon… pourtant en position de force puisqu’elle n’est autre que la productrice du film via sa société Pacific Standard ! A noter que le scénario de Gone Girl a été écrit par Gillian Flynn, qui s’est chargée elle-même de la transposition de son oeuvre au cinéma.L’AVIS :
Chaque nouveau long-métrage de David Fincher est un événement qui agite le petit monde du cinéma, les cercles cinéphiles, la presse, le public, les festivals… En un sens, même Steven Spielberg, sans doute le réalisateur le plus populaire au monde, n’a pas droit à ce genre d’accueil voire d’attente. Pourquoi ? Probablement parce que David Fincher est de ces génies lesquels on pressent le chef d’œuvre à chaque fois qu’il accouche d’un nouveau long-métrage. Le père de Se7en ou de Fight Club a ce petit quelque-chose de « kubrickien » en lui. Pour la minutie de tous ces choix, pour sa précision formelle ou pour la virtuosité de son travail certes, mais surtout parce que, comme Stanley Kubrick, la carrière de Fincher brille par son absence de faux pas, ou quasi. On pourra toujours trouver certains de ses films moins bons que d’autres (comme chez Kubrick), on pourra toujours être hermétique à un film ou deux (comme chez Kubrick) mais reste qu’on attend toujours un réel raté incontestable qui ne vient pas. La perfection de l’œuvre fincherienne continue, même ses œuvres les plus mineures se soulèvent au-dessus de la moyenne, et ce n’est certainement pas Gone Girl qui viendra faire bousculer la donne.
Une fois n’est pas coutume, David Fincher s’enfonce et s’abandonne au registre dans lequel il est indéniablement le meilleur, le thriller psychologique. Le cinéaste plonge dans les abysses sombres de la psyché humaine, là où elle vient se frotter aux frontières de la troublante folie. En chef d’orchestre prodigieux, le metteur en scène gère de main de maître une œuvre absolument démente qui s’impose d’emblée comme l’un des plus grands films de l’année. Gone Girl est un thriller manipulateur, retors, fascinant, intense, fou, haletant, glaçant… Une œuvre monstrueuse et tentaculaire semblable à un diamant, joyau que l’on pourrait appréhender par ses milles facettes scintillantes et pour les mille raisons qui nous conduiraient à le taxer de chef d’œuvre en son genre. Gone Girl est un film immense. Un film audacieux, à l’image même de l’artiste qu’est Fincher.
Car il est devenu au fil des réussites un tel maestro du cinéma, qu’il peut aujourd’hui tout oser. Et il ose. Il ose la noirceur extrême et le cynisme inconfortable, mais les utilisent à bon escient et avec une redoutable intelligence, alors que son film pourrait se percevoir comme une terrible métaphore grinçante des difficultés qui entravent le chemin de la vie conjugale, à vous en dégoûter du mariage ! Il ose aussi conserver voire même appuyer l’humour noir qui accompagne par la main son oppressant récit, histoire qui sur le papier, ne se prêtait pourtant pas le moins du monde au décalage drolatique vu la lourdeur thématique de son sujet, mais qui trouve en lui des respirations inspirées. Enfin, il ose surtout l’audace narrative avec une construction ironiquement articulée sur ses propres cassures. Du scénario à sa mise en images, Gone Girl est une œuvre phénoménalement courageuse, originale et téméraire, construite comme un semi-puzzle machiavélique sans cesse surprenant.
To read or not to read ? L’un des rares handicaps (ou pas) de Gone Girl est d’être justement l’adaptation d’un roman. Le film ayant une mécanique drapée dans le suspens naviguant entre deux eaux et l’art de la surprise retorse, la lecture du matériau originel pourra être une source de frustration pour les « malheureux » passés par cette étape préalable, et qui de fait, ne pourront apprécier au mieux de ses possibilités narratives diaboliques, cette fascinante histoire perverse érigée en petit monument de septième art par Fincher. D’autant plus dommage que l’auteure aura su éviter un écueil classique dès lors qu’un romancier transpose lui-même son propre travail à l’écran, celui d’avoir du mal avec la problématique déchirante des choix et des concessions alors qu’un travail d’adaptation implique parfois la nécessité de devoir prendre du recul et trahir le matériau source, certains changements étant fréquemment impératifs pour qu’une histoire littéraire fonctionne au cinéma. Le scénario de Gone Girl est tout simplement brillant et imprévisible pour le spectateur vierge, autant qu’il ne surprendra pas l’aficionado du roman.
Une fois n’est pas coutume, Gone Girl est une nouvelle claque assénée par un Fincher perfectionniste, portant à l’écran une histoire accrocheuse qu’il parvient, avec sa virtuosité habituelle, à rendre addictive, à la force d’un génie traversant l’image à chaque seconde. Et au milieu de cette nouvelle pièce-maîtresse saisissante aux allures de dédale infernal et de thriller prodigieux mené de main de maître, deux prestations oscarisables qui éblouissent et irradient l’écran. Une Rosamund Pike, que l’on savait déjà excellente comédienne, mais qui livre LA prestation de sa carrière, toute en nuances face à un Ben Affleck tout en contraste, continuant de gagner en maturité de jeu et trouvant le ton juste et parfait pour s’acoquiner le spectateur troublé.
Œuvre vénéneuse, vertigineuse et totalement enivrante, Gone Girl est un exercice de très haute-voltige dirigé par un Fincher qui continue de film en film, d’emmagasiner tous les adjectifs pouvant renforcer encore davantage son élévation au statut de « maître incontesté du septième art ». Formulé dans la manipulation et l’art du faux-semblant, Gone Girl est la quintessence du mariage habile entre le drame puissant et le thriller psychologique diabolique. Un film exceptionnel à propos duquel on sera (vous l’aurez peut-être remarqué) resté très évasif. Normal, il est des films dont il vaut mieux ne rien dire plutôt que trop en dire… Allez vous rendre compte par vous-même de la splendeur de ce bijou.
LE TEST BLU-RAY & LES BONUS
Côté image et son, c’est splendide. Il n’y a pas d’autres mots. L’édition Blu-ray proposée par la Fox respecte à merveille toute la minutie perfectionniste du travail de mise en scène de Fincher, de la réalisation à la photo aux tons bleutés impeccablement rendus. On ne peut que se pâmer d’admiration devant une telle qualité d’image qui conforte à chaque instant dans l’idée que le Blu-ray est probablement l’une des plus belles évolutions techniques pour le cinéphile. Question « son », la piste en anglais offre un puissant DTS-HD 7.1, à la finesse tout aussi parfaite. Ceux qui privilégieront la piste française devront se contenter d’un DTS en 5.1, néanmoins dès plus agréable.
Tant de beauté cachait forcément un hic. Et le hic, il viendra des suppléments proposés. Cruelle déception, l’édition Blu-ray, comme sa cousine DVD, témoigne d’une absence totale de bonus en dehors des commentaires de David Fincher sur le film. Pas de jaloux, la version américaine n’offrait guère mieux. Les courageux, les passionnés et les addict à ce nouveau bijou de Fincher, pourront toutefois se régaler à écouter parler le maître sur toute la durée du long-métrage. Un petit bonheur qui masque la désillusion de l’absence de scènes coupées, de making of, ou d’interview des acteurs ou de l’auteur du roman. Avec précision, Fincher explique ses choix de réalisation, ses thématiques, sa façon de tourner, son travail d’adaptation. Passionnant, cette alternative nous permet d’en savoir beaucoup sur le film, des lieux de tournages à la construction des personnages en passant par les choix de casting ou l’analyse des scènes et du scénario. On saura s’en contenter même si l’on aurait souhaité davantage.
Bande-annonce :