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Nom : Don’t Look Up
Mère : Adam McKay
Date de naissance : 2021
Majorité : 24 décembre 2021
Type : disponible sur Netflix
Nationalité : USA
Taille : 2h22 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique
Livret de Famille : Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Jonah Hill, Cate Blanchett, Rob Morgan, Mark Rylance, Ron Pearlman, Timothée Chalamet, Ariana Grande, Michael Chiklis, Tyler Perry…
Signes particuliers : Une satire tellement juste qu’elle en devient plus effrayante que drôle.
ON EST TOUS FOUTUS !
NOTRE AVIS SUR DON’T LOOK UP
Synopsis : Deux piètres astronomes s’embarquent dans une gigantesque tournée médiatique pour prévenir l’humanité qu’une comète se dirige vers la Terre et s’apprête à la détruire.
Après un début de carrière très orienté vers la comédie neuneu avec la complicité de son comparse du Saturday Night Live Will Ferrell (les Anchorman, Frangins Malgré Eux, Very Bad Cops), Adam McKay a fini par embrasser sa réelle vocation, réaliser des satires engagées particulièrement féroces. Premier « coup d’éclat » avec l’indigeste The Big Short puis la réussite, trois ans plus tard, avec l’excellent Vice, où à travers un biopic sur Dick Cheney, McKay se payait, tous crocs sortis, le microcosme politique américain. Trois ans encore plus tard, le cinéaste poursuit dans la satire vitriolée et semble continuer à épaissir l’acidité du nappage de ses films. Car dire que Don’t Look Up est d’une virulence extrême n’est pas un euphémisme tant Adam McKay dézingue à tout va avec une furie caustique presque lunaire. Il devait sortir en salles mais la pandémie a eu raison de sa distribution initiale. Face à l’embouteillage des salles, Don’t Look Up a finalement été racheté par Netflix qui en a fait le cadeau de Noël à ses abonnés. Car oui, on peut parler de cadeau tant Don’t Look Up est un pur bijou emmené par un casting sur-étoilé réunissant derrière un Leonardo DiCaprio très impliqué (au point d’avoir suivi de près les étapes de peaufinage du scénario), rien de moins que Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Jonah Hill, Ron Pearlman, Mark Rylance, Timothée Chalamet… Un empilage de stars qui ne trahit pas un prochain vide, bien au contraire.
Avec Don’t Look Up, probablement son meilleur film à ce jour, Adam McKay fracasse au marteau-pilon les coulisses insensées de la politique américaine truffées d’imbéciles moutonnés qui suivent un troupeau mené par l’argent et le pouvoir. Et dans le viseur, des pseudo-politiciens à la Donald Trump (auquel le cinéaste réserve « l’insulte suprême » en l’imaginant en version femme – rôle brillamment incarné par une Meryl Streep des grands soirs). Il fracasse au marteau-pilon les médias, tous obsédés par leur quête de futilités qui doivent absolument être « audimat-compatibles ». Il fracasse l’économie capitaliste, cristallisée par des surpuissants tels que Jeff Bezos ou Elon Musk dont les fortunes sont si considérables qu’ils ont leur mot à dire sur la marche du monde. Il fracasse aussi tout ceux qui n’écoutent pas les appels de scientifiques respectables et respectés alertant et criant leur détresse devant le fait qu’on est en train de foutre en l’air notre monde sans s’en soucier réellement malgré l’urgence. Il fracasse la mode des réseaux sociaux plus prompts à la vile méchanceté et à la moquerie qu’au sérieux et à l’écoute, plus avides de rigolade débilitante que de connaissances, plus préoccupés par le dernier buzz plaisantant que par l’information importante et vérifiée.
En fait, basiquement et pour résumer, Adam McKay nous montre à quel point notre monde est à la dérive, et pire, à quel point il est parti tellement loin dans sa connerie dégénérative, qu’il est désormais clairement impossible de le rattraper pour le sauver. L’histoire de ces deux scientifiques qui essaient en vain d’alerter leurs dirigeants puis l’opinion publique sur le cataclysme sûr à 100% (une comète qui va détruire la Terre dans six mois) ressemble à une comédie caricaturale mais en sous-texte, on comprend vite qu’il n’y a rien de drôle au fond…
En réalité, Don’t Look Up est une farce tellement noire qu’elle en devient un drame amèrement pessimiste. La farce est forgée dans l’ubuesque abscons qu’engendre la découverte de la fin du monde imminente, entre une Présidente qui prend ça par-dessus la jambe (comme Trump et la pandémie), des médias qui ne trouve pas ça assez « feel good » ou des concitoyens qui préfèrent y voir une hystérie complotiste et la brocardent à grands coups de mèmes ridicules. On devrait rire, on devrait se tordre de rire devant les tribulations et situations totalement incongrues qu’imagine Adam Mckay. Mais curieusement, malgré l’humour ostensiblement décapant, on ne rit pas, ou peu. C’est plus un sentiment de terreur qui prédomine tout au long du film tant on perçoit assez clairement le vrai message à peine déguisé du cinéaste : tout cet « ubuesque » tourné en comédie délirante est trop proche de la réalité pour être vraiment hilarant. Tellement proche que si cela devait arriver, il n’est pas impossible que le déroulé des évènements ressemble davantage à Don’t Look Up qu’à Armageddon. Et le rire jaune de céder très très vite sa place à un sentiment d’angoisse paniquant. Assez fataliste et presque résigné (McKay s’apparenterait-il à certains de ses personnages comme Jennifer Lawrence ?), le film explique bien où l’on en est aujourd’hui. Et c’est flippant de se l’avouer. D’autant que la pertinence du propos est renforcée par le fait que Don’t look up est de très loin le film qui a le mieux cerné et traduit ce qu’il vient de se passer avec le Covid-19 (l’illustration de la gestion je-m’en-foutiste de la pandémie par l’administration Trump est par-fai-te).
Le message devrait être « Just look up » car oui, il suffit d’ouvrir un peu les yeux et de regarder autour de soi pour voir l’évidence. Mais Adam McKay lui préfère « Don’t look up » car en réalité, il est trop tard. Plus la peine de se faire chier à regarder, on est tous condamnés. Don’t look up est finalement la comédie la plus tragique jamais réalisée. Ou, pour le dire autrement, le drame terrifiant le plus comiquement mis en scène. McKay manie l’ironie comme un glaive destructeur qui révèle bien des vérités sous des couches d’absurdité mais l’absurdité fait tellement écho de réalités que l’on vrille très vite de la farce tapageuse à l’illustration anxiogène d’à quel point on est franchement dans la merde. La vivacité de la mise en scène, le génie du détournement ou l’excellence de la distribution pourraient être des points à mettre en valeur mais au fond on en retient qu’une chose essentielle : « on va tous crever alors à quoi bon« .
Par Nicolas Rieux