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VAINCRE OU MOURIR de Vincent Mottez et Paul Mignot : la critique du film

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Nom :Vaincre ou Mourir
Père : Vincent Mottez, Paul Mignot
Date de naissance : 2022
Majorité : 25 janvier 2023
Type : sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 1h40/ Poids : NC
Genre : Drame historique

Livret de Famille : Hugo BeckerRod ParadotGilles Cohen, Jean-Hugues Anglade…

Signes particuliers : Juste un simple nanar médiocre ou une production bien plus dangereuse qu’elle n’en a l’air ? 

Synopsis : 1793. Voilà trois ans que Charette, ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré́ chez lui en Vendée. Dans le pays, la colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désœuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entraînant à sa suite paysans, déserteurs, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Le combat pour la liberté ne fait que commencer…

 

VAINCU, NON. MORT DE RIRE, OUI.

NOTRE AVIS SUR VAINCRE OU MOURIR

Les préjugés, c’est pas bien. Mais on ne va pas se mentir, on n’a pas pu s’empêcher d’esquisser un petit sourire à la vue du carton d’introduction de Vaincre ou Mourir. « Puy du Fou Films présente » qu’il disait. Sic. Et depuis quand le fameux parc vendéen à succès se met-il à produire des films de cinéma ?! Bah depuis maintenant à vrai dire, Vaincre ou Mourir étant la première production cinématographique de la filiale fraîchement créée. Mais parce que les préjugés c’est mal, on a envie de laisser une chance à l’affaire tout en ayant dans un coin de la tête, qu’à l’heure où il est de plus en plus difficile de mettre beaucoup d’argent sur la table pour assumer de grosses ambitions cinématographiques (la crise tout ça tout ça), on voyait mal le Puy du Fou disposer d’un très large budget digne d’une superproduction hollywoodienne. Pari gagné. Cinq millions, c’est ce qui a été réuni pour mettre en images l’histoire de Charrette (de son vrai nom François Athanase de La Contrie), leader de l’insurrection anti-républicaine vendéenne au lendemain de la révolution française de 1789. Cinq millions, ce n’est pas rien. Mais ce n’est pas Byzance non plus. Surtout quand on veut réaliser un film à la The Patriot. Bâtir une fresque historique épique, ça coûte cher. Surtout si l’on veut être crédible. Bien plus cher qu’une poignée de millions, que le Puy du Fou a dilapidé dans un semi-nanar qui restera sans doute dans les annales, mais pas forcément pour les bonnes raisons. Car Vaincre ou Mourir est l’histoire d’un malaise à plusieurs étages. Comme une sorte de mille-feuille où l’on remplacerait la crème pâtissière par de la ()confiture de gêne.
Qu’est-ce qui est le pire, le fond ou le forme ? Allez, pile ou face, on commence par le fond. Co-écrit par Nicolas De Villiers, fils de Philippe et actuel patron du Puy du Fou, Vaincre ou Mourir ne cache jamais ses intentions de film assis sur des relents bien royalistes comme il faut. Une idéologie politique même pas déguisée, même pas insinuée, juste affichée avec le naturel d’un nudiste en vacances, et qui vient accompagner de bout en bout l’histoire du Général Charrette, héros de la Vendée et des partisans royalistes en guerre contre la naissance de la République. Le film en fait des tonnes, provoquant une gênance qui supplante tout l’intérêt historique des faits qu’ils racontent. Car en soi, Vaincre ou Mourir aurait pu être une leçon d’histoire pour les méconnaisseurs des subtilités ayant entouré la Révolution française et l’instauration de la République. Tout le monde ne sait pas forcément que sa naissance a provoqué une quasi guerre civile dans certaines régions de France. A ce titre, l’histoire de l’insurrection vendéenne et du massacre opéré dans la région par le régime de la Terreur dans les années 1790, est emblématique de l’instabilité et des troubles qui ont agité le royaume de France post-1789. Mais on n’est pas face à une production sérieuse qui pourrait des cours d’Histoire dans n’importe quel collège laïque. On est face à une production du Puy du Fou. Face à une production pilotée par les royalistes de la famille De Villiers. La présence de StudioCanal dans la boucle du financement ne vient qu’accentuer le malaise, le patron Vincent Bolloré n’ayant jamais caché ses intentions « d’utiliser ses médias pour mener un combat civilisationnel » et idéologique visant à rétablir des valeurs conservatrices et catholiques. Pour couronner le tout, c’est à SAJE (société spécialisée dans les films d’inspiration chrétienne) qu’à été confiée la distribution en salle. Bien qu’il soit supervisé par des Historiens, Vaincre ou Mourir trahit bien vite son potentiel par sa réécriture simpliste et simplifiée de l’histoire, par sa vision binaire et partisane très lourdement assénée, par son manque total d’objectivité et au passage, par quelques inexactitudes historiques ou zones de flous qu’il n’hésite pas récupérer à son avantage, pour mieux supporter son propos aux allures de petit manuel d’histoire catho-intégriste expliquant comment la République a tué la France et ses valeurs. Sic.
Il y a donc le fond, idéologiquement dangereux car ne cherchant même pas à masquer sa sur-complaisance ultra-droitarde bien au contraire, puisqu’il utilise un médium de masse (le cinéma) pour labourer les cerveaux à grands coups d’une vision plus que discutable. Et puis il y a la forme, ridicule pour ne pas dire risible. Du haut de ses cinq petits millions, Vaincre ou Mourir est à mi-chemin entre le téléfilm de luxe, le docu-fiction et le film institutionnel. On y sent des ambitions de fresque épique mais les frémissements sont balayés par la ringardise de la chose alors que la reconstitution fait ironiquement très… « Puy du Fou ». Comprenez par là que tout fait très fake, des décors aux costumes en passant par la scénographie. Logique en même temps puisque le principe de la société de production Puy du Fou Films, est d’exploiter le parc, ses moyens et son matériel pour y tourner des films façon Cinecittà. A ce titre, Vaincre ou Mourir est l’adaptation ciné de l’un des spectacles les plus populaires du parc. Mais l’artificialité de la reconstitution n’est pas seule en cause. Elle n’est que la première brique à céder lors de l’effondrement. Derrière, tout part en couil** avec une formidable grâce dans la nullité. Façon vidéastes sortis des entrailles de l’enfer, Paul Mignot et Vincent Mottez vomissent des images piteusement lustrées sans le moindre sens ni de la mise en scène ni du montage. La narration semble dictée par un scénariste ivre mort au Jack Daniels, le pauvre Hugo Becker surjoue le charisme comme s’il incarnait un Batman du XVIIIème. La musique paraît tout droit sortie d’une banque de musique générique pastichant Hans Zimmer, l’omniprésence d’une voix off narrative n’arrange rien, pas plus que l’empilement d’artifices et éléments générant du ridicule cumulatif. Comme l’entame donnant la parole à des historiens pour donner un semblant de crédibilité au « truc », comme les nombreuses ellipses réductrices structurant et déstructurant à la fois le récit, comme tous ces personnages réduits à des fonctions, comme tous ces figurants que l’on sent maladroitement déguisés en paysans vendéens d’époque, comme ces dialogues expédiés voire improvisés, comme cette hilarante méthodologie de montage pour tenter de faire jaillir de l’épique dans l’évidente mollesse ambiante. Même un clip de Mylène Farmer a plus de cinéma en cinq secondes que cette pseudo fresque lookée comme une bagnole volée.

Même si la finalité l’a placé à terme du mauvais côté de l’Histoire, il n’est en soi pas question de s’insurger contre un projet de film consacré au controversé Général Charrette, symbole d’une résistance catholique et monarchiste contre l’instauration de la République. Ce serait aussi stupide que de s’emporter contre un biopic sur Louis XVI ou tout autre symbole royaliste de la période. Le problème n’est donc pas le sujet mais la manière de l’aborder. Pour faire pertinent et intelligent, l’affaire aurait réclamé esprit et nuance pour mieux faire comprendre la complexe situation de l’époque, pour mieux décrypter les enjeux des deux camps, pour mieux imposer une réelle légitimité historique. Tout ce que n’a pas Vaincre ou Mourir, qui évolue avec la finesse d’une videur de boîte de nuit serbe en brandissant son étendard réactionnaire aux relents monarchiques puants. Face à ce genre de productions, on ne peut que s’interroger sur leur dangerosité. Faut-il accepter que le film soit destiné à un public très spécifique ? L’ennui, c’est que Vaincre ou Mourir n’a pas cette modestie là. On sent clairement (fort heureusement c’est raté) ses ambitions de s’imposer comme un grand divertissement populaire assénant ses idées sous couvert d’un biopic historico-authentique. Ce qu’il n’est pas en réalité tant il pousse au maximum le bouchon du manichéisme pour travestir l’Histoire afin de servir ses propres et sombres desseins de véhicule à propagande ultra-conservatrice. Reste au final un cas de conscience journalistique. Fallait-il en parler massivement car c’est un devoir de mettre en garde le public contre la nocivité de ce genre d’entreprises idéologiquement toxiques… ou fallait-il au contraire le passer sous silence et ne pas en parler pour qu’il sombre de lui-même dans l’anonymat ?

Par Nicolas Rieux

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