Mondociné

BLUE COLLAR de Paul Schrader
Critique – Ressortie Ciné

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blue collarMondo-mètre
note 9.5 -10
Carte d’identité :
Nom : Blue Collar
Père : Paul Schrader
Date de naissance : 1978
Majorité : 08 octobre 2014
Type : Ressortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 1h55 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de famille : Richard Pryor (Zeke), Harvey Keitel (Jerry), Yaphet Kotto (Smokey), Ed Begley Jr. (Bobby Joe), Harry Bellaver (Eddie), George Memmoli (Jenkins), Lucy Saroyan (Arlene)…

Signes particuliers : Quitte à passer pour un vieux réac, mais Blue Collar appartient à cette race de film comme on en fait plus aujourd’hui. Un chef d’oeuvre complet, à la fois film de société pertinent, drame touchant de véracité et d’humanité, thriller palpitant et comédie foncièrement drolatique. Et quel casting…

LE MEILLEUR DU CINÉMA AMÉRICAIN DES 70’S

LA CRITIQUE

Résumé : Trois ouvriers des usines automobiles Checker à Detroit tentent de s’opposer à l’immobilisme et à la corruption du syndicat.480738.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx L’INTRO :

1978. Paul Schrader est un jeune scénariste de 32 ans qui vient d’enchaîner les scripts de plusieurs futurs classiques du cinéma. Yakuza de Sydney Pollack, Taxi Driver de Martin Scorsese, Obsession de Brian De Palma, Rolling Thunder de John Flynn et même s’il n’est pas crédité, il vient de collaborer à l’écriture de Rencontres du Troisième Type de Spielberg. C’est à ce moment là qu’il décide de tenter l’expérience du passage de l’autre côté de la caméra, pour diriger son premier long-métrage en tant que metteur en scène. Sur la base d’un scénario rédigé avec son frère Leonard Schrader et Sydney Glass, Schrader signe Blue Collar, une chronique sociale à la fois drôle et grinçante, prenant place dans le milieu de l’industrie automobile, et portée par un fabuleux trio d’acteurs composé d’Harvey Keitel, Yaphet Kotto et Richard Pryor.464222.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

L’AVIS :

Bonheur cinéphilique pétri dans la perfection incarnée, Blue Collar est un chef d’œuvre méconnu, pas très grand par la notoriété mais immense par l’âme. C’était l’époque d’un Paul Schrader alors au sommet de son art de l’écriture et tout néophyte qu’il était en mise en scène, déjà les prémisses d’un géant qui signera par la suite une vingtaine de longs-métrages dont quelques bijoux tels que La Féline, Mishima, American Gigolo ou Affliction. Inscrit dans la pure veine des chroniques sociales douces-amères des années 70, Blue Collar impressionne pas la lucidité désarmante de son propos sur le monde des travailleurs, écrasés entre les mains de l’oncle Sam qui les presse au point de ne plus leur laisser de choix, eux les acculés laissés-pour-compte, écartelés entre les créances, la dureté désespérante du quotidien, le système capitaliste, la société consumériste, la gangrène de la corruption des syndicats censés les protéger mais en réalité de mèche avec le patronat… Ce sont ces hommes qui font marcher les bases de la société et du modèle sociétal américain. Et ce sont ces mêmes hommes qui dans le même temps, en sont les premières victimes, méprisés et broyés par la propre bouche qu’ils nourrissent.467494.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx Fataliste et inquiet, Blue Collar impose une vision terriblement virulente et subversive du modèle économique américain de son temps, avec ces pauvres héros du quotidien désenchantés, petites gens on ne peut plus banals seulement désireux de croquer eux-aussi dans leur part de « l’american way of life ». Mais le système est le système et qui pourra blâmer Paul Schrader pour son absence d’optimisme, l’avenir lui ayant donné raison puisque plus de 35 ans après, rien n’a fondamentalement changé, bien au contraire… Sans aucune naïveté ni aveuglement, le cinéaste parvient à dresser un constat sans appel, à la fois intelligent et intelligible, brossant un portrait au propos passionnant et formidable de résonance avec ce brûlot férocement d’actualité, alors que son œuvre humble mais pertinente égratigne avec habileté le système pernicieux, son art de diviser au sein des classes pour mieux régner, d’étouffer la contestation sociale avec des moyens retors et vicieux, sa triste course déshumanisée au rendement (ces plans lourds de sens sur le panneau de l’entreprise affichant fièrement le nombre de voitures produites annuellement au mépris de ce qui s’agite en coulisses), son exploitation des classes défavorisées, son consumérisme galopant et tristement incontournable…476958.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Mais Blue Collar ne se résume pas qu’à sa seule charge contre un modèle sans issue. Si son questionnement de fond reste bien évidement sa raison d’être, son autre force est de ne jamais s’enfermer dans sa seule facture énonciatrice et dénonciatrice d’un constat social étalé par un style pompeux et lourd. Aussi ludique et divertissant, le film de Paul Schrader a recourt à un survol habile et gracieux traversant les genres, de la comédie, voire par moments du burlesque, au film de hold-up, en passant par le thriller politique, le drame, la chronique… Dans un mélange d’empathie et de drôlerie, l’histoire de cette brochette de pieds nickelés lancée dans une ambitieuse croisade perdue d’avance contre le système, est narrée avec un humanisme social cruel de réalisme mais juste d’à-propos, devient une belle réflexion sociétale doublée d’une odyssée humaine sympathique et pleine de bonhomie, magnifiée par un trio de comédiens exceptionnels de conviction, Richard Pryor en tête, ancien comique de cabaret, qui bouffe littéralement l’écran en joyeux cabotin grande gueule aussi hilarant qu’attachant, bien encadré par les formidables Yaphet Kotto et Harvey Keitel.484411.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx

Tout aussi marqué seventies qu’il soit, Blue Collar est une redécouverte extraordinaire de force, de talent et de modernité. Du cinéma comme on en fait plus (et c’est bien dommage), qui sait à la fois divertir en laissant filtrer beaucoup de choses et d’idées. Amer, fort et bouleversant, Blue Collar vole magistralement avec les ailes de la révolte et marque au rythme de la merveilleuse partition funk de Jack Nitzsche et de Hard Workin’ Man par Captain Beefheart & The Magic Band. « Le rêve américain, si vous êtes riche, vous pouvez l’acheter. Si vous n’avez rien, vous devrez vous battre pour l’avoir. » Tout est dit.

Bande-annonce :

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