Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Another Happy Day
Père : Sam Levinson
Livret de famille : Ellen Barkin (Lynn), Ezra Miller (Elliot), Kate Bosworth (Alice), Demi Moore (Patty), Thomas Haden Church (Paul), George Kennedy (Joe), Ellen Burstyn (Doris), Michael Nardelli (Dylan), Daniel Yelsky (Ben), Jeffrey DeMunn (Lee)…
Date de naissance : 2011
Majorité au : 01 février 2012 (en salles)
Nationalité : USA
Taille : 1h55
Poids : 4 millions $
Signes particuliers (+) : Premier film, premier coup de maître pour le fils de Barry Levinson. Une intelligence comédie dramatique indépendante chargée en émotions, mariant cruauté et humour grinçant avec une finesse d’approche bluffante de son sujet et de ses thématiques traités avec une immense justesse. Les personnages et leurs interactions dans cette cellule familiale névrosée sont dépeints avec une sincérité bouleversante, sans complaisance ni fausseté, le tout étant porté par une distribution étincelante où chacun peut se livrer sans gratuité à un numéro d’acteur impressionnant au service de la richesse subtile du matériau narratif. Brillant.
Signes particuliers (-) : x
NOTRE BELLE FAMILLE
Résumé : Une famille se réunit chez les grands-parents pour y célébrer le mariage de Dylan, fils aîné du couple divorcé Paul et Lynn. Un évènement en apparence joyeux mais qui va ouvrir à la confrontation des traumas et troubles névrotiques personnels de tout un chacun…
Avec un père réalisateur touche-à-tout sans cesse en quête de renouvellement artistique et dont le cinéma passionnant fait partie du haut du panier à l’heure actuelle, Sam Levinson, fils de Barry, pouvait compter sur de bons gènes. Mais comme le talent n’a jamais été réputé comme étant héréditaire, il fallait encore qu’il le démontre par lui-même. C’est désormais chose faite avec Another Happy Day, un premier long-métrage après une brève carrière de comédien qui s’est fait remarqué à Sundance en 2011, y ramenant un prix pour son sublime et intelligent scénario. Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour une première, Levinson fils aura frappé fort en plus d’avoir été servi question distribution avec un casting cinq étoiles pour magnifier sa belle histoire dramatique déviant vers la comédie noire. Jugez un peu : Ellen Barkin, Kate Bosworth, Ellen Burstyn, Thomas Haden Church, le légendaire George Kennedy, la jeune garde brillantissime Ezra Miller, Demi Moore ou encore Jeffrey DeMunn. Du très beau monde alternant stars confirmées, jeunes acteurs talentueux ou comédiens plus discrets mais reconnus pour leurs qualités.
Another Happy Day est une comédie dramatique indépendante lourde en émotion, penchant d’ailleurs plus vers le drame complexe mais que ses envolées humoristiques contrebalancent intelligemment pour en atténuer la charge sombre et la dureté de ton et de l’histoire. Sorti sur une combinaison de salles très limitée aux Etats-Unis, ce premier long-métrage est traversé par un talent d’écriture (Sam Levinson en ayant également signé le scénario) que l’on ne peut nous empêcher de voir dans ce fiston un potentiel petit prodige et l’avenir du cinéma indépendant américain. Sam Levinson apparaît un peu comme le contrepoids d’une Julie Delpy aux Etats-Unis. Another Happy Day nous emmène dans les complexes interactions d’une famille très déséquilibrée et chargée en traumas dont les failles auront nourri les problèmes psychiques de tous ses membres sur plusieurs générations. La légèreté chère à Delpy (qui elle s’applique davantage à pointer du doigt les petits travers attendrissants d’une famille plus équilibrée en puisant dans ses souvenirs nostalgiques pour susciter la drôlerie) se traduit ici sous une forme différente, Levinson allant puiser dans la caractérisation dysfonctionnelle de certains de ses personnages pour soulever quelques notes d’humour mais qui restent néanmoins enlisés dans une base dramatique forte. Si l’on est tenté de sourire à quelques scènes ou situations, l’ensemble se révèle d’une noirceur terrible sans pour autant tomber dans la complaisance pathétique ou dans le cynisme forcé comme certains auteurs sont capables de le faire. L’univers narré ici, est celui d’une grande famille timbrée, une famille gangrénée de l’intérieur par le poids de ses traumatismes qui auront fait des dégâts irréversibles traversant les âges. Une mère (Ellen Burstyn) qui n’aura jamais su faire assez preuve d’amour et de bienveillance, sans cesse en quête de préservation des apparences en pratiquant la politique de l’autruche bien qu’elle cache au plus profond d’elle-même, des peurs qui la hantent. Une fille (Ellen Barkin) du coup déstabilisée dans sa construction personnelle, pressée de toutes parts par un ensemble qu’elle ne parvient plus à gérer. Une petite-fille (Kate Bosworth) perturbée et automutilatrice marquée par l’absence d’un père, un petit-fils difficile (Ezra Miller), adolescent alcoolique et drogué en plus d’être atteint du syndrome Gilles de la Tourette, un autre (le jeune Daniel Yelsky) mal dans sa peau car frappé d’Asperger. Et la liste est longue dans cette sorte de film choral animé par une pléiade de personnages. Un duo de sœurs mégères et médisantes, un ex-mari en quête de rédemption qui battait sa femme (T. Haden Church), désormais acoquinée à une bimbo en apparence superficielle et insupportable (Demi Moore), un grand-père défaillant du cœur qui n’en peux plus d’être traité comme un animal, des beaux-frères stupides de cruauté non-intentionnelle… La galerie de personnages proposée par Sam Levinson à tout de l’apparente exagération rebutante, comme si le cinéaste forçait le trait du drama dans des proportions impossibles. Et pourtant, la finesse d’écriture d’Another Happy Day va réussir à faire de cet ensemble disparate et faussement excessif, un tout d’une cohérence étourdissante grâce à une subtilité permanente dans la caractérisation des affects de chacun ou finalement, rien n’apparaît comme gratuit ou faux, tout prenant un sens logique dans la globalité des liens, des causes et conséquences du mal-être de chacun. Chaque personnage est abordé avec une intelligence impressionnante, avec une délicatesse défiant les lois des clichés ou de l’amoncellement poussif, tous devenant aussi touchant les uns que les autres, au-delà de leurs défauts, au-delà de leur caractérisation, Levinson écartant le potentiel manichéisme d’un intelligent revers de la main. La mère en apparence insensible finit par révéler ses troubles personnels, la bimbo caractérielle trouve le moyen de nous bouleverser lorsque ses failles éclatent au grand jour et ainsi de suite dans un drame à fleur de peau, terriblement renversant et poignant, accolé à un humour noir jamais bien loin teintant le film pour l’amener vers un équilibre littéralement prodigieux.
Sam Levinson offre à l’ensemble de ses personnages, un pur numéro d’acteur brillant. A tour de rôle, tous auront l’occasion d’illuminer l’écran au moins une fois, sans pour autant que l’œuvre dans sa globalité ne se résume qu’à cela et ne ressemble à un éventail factice et désordonné. Crise de l’adolescence, mal-être, cruauté de la vie, problèmes de construction personnelle, amour maternel, absence du père, travers et maladresses inhérent au rôle de parent, besoin de rédemption, délicatesse du rôle de beaux-parents à la recherche d’une place dans une famille recomposée, complexité des liens familiaux, surprotectionnisme maternel, besoin d’acceptation et de reconnaissance… Levinson aborde un grand nombre de thématiques en deux heures de film avec une grâce et une poésie tour à tour sombre, poignante, lourde, lumineuse, drôle, sincère, épidermique… L’exercice casse-gueule dans lequel il s’était lancé se révèle vite payant. Another Happy Day est un délice doux-amer d’une finesse magistrale, une comédie dramatique où tout se joue sur l’équilibre d’écriture d’une étude exceptionnelle d’une famille ravagée par ses défauts intérieurs, par ses non-dits, ses faiblesses ou sa stupidité. Avec ses personnages extrêmement approfondis et étudiés, aucun n’étant laissé au hasard, cette féroce peinture des fêlures d’une cellule névrosée réunie sur une poignée de jours est une illumination, concourant autant dans la catégorie du rire jaune à la force de nombre d’éléments humoristiques fins, pointus ou référentiels, que dans celle du drame minutieux et émouvant s’extirpant sans cesse de la facilité et de la simplicité médiocre. La distribution magnifique couronne le tout, à commencer par un Ezra Miller (We Need to Talk about Kevin, La Vue selon Charlie) une fois de plus impressionnant mais est-ce la peine de la préciser ?
Another Happy Day se joue sur le fil du rasoir, avec une cruauté sans concession qui rivalise de brio avec la façon dont il parvient à nous soutirer quelques sourires desserrant la sensation d’oppression de notre gorge nouée. Hurler à la maladresse sur-agençant les étages de drames empilés avec exagération, revient à bien mal connaître ce genre d’environnement où le mal-être et les névroses sont contagieuses par effet de cause à conséquence dévastateur et néfaste. L’épaisseur de l’œuvre tend au génie et déchirement et acidité provoquent des étincelles qui embrase littéralement la pellicule.
Bande-annonce :