Une étonnante étude américaine vient d’être portée à notre attention par l’un de nos aimables lecteurs (nous remercions le britannique Filip Firlej au passage). La société de communication américaine Gannett en partenariat avec le journal USA Today, a mis au jour un constat aussi alarmant que terrifiant concernant la production cinématographique yankee, et plus particulièrement, ce qu’elle sert à manger à ses spectateurs lors des redoutées périodes estivales. Le but de l’analyse était de mettre en lumière l’incroyable manque d’originalité des « produits » calibrés pour le marché de ces quelques mois de l’année où la « baisse » de fréquentation fait peur, un fait qui tend à participer à la mauvaise opinion généralisée des professionnels de la critique, des cinéphiles voire d’une partie du grand public, vis à vis du cinéma hollywoodien et de ses blockbusters. Pire, un système de fonctionnement qui commence à sérieusement se retourner contre ses créateurs. En effet, la gronde monte de plus en plus auprès du public, qui exprime crescendo son ras le bol devant des grosses machines dénuées de toute originalité. Les spectateurs réclament de plus en plus de la « fraîcheur ». Sont-ils entendus ? La réponse est non.
L’étude, qui porte sur les 20 dernières années, se concentre donc uniquement sur la période estivale et fait suite à la sortie prochaine du Elysium de Neill Blomkamp. Un film ambitieux basé sur une histoire originale, doté d’un budget confortable mais pas extravagant (100 millions) compte tenu de ce qu’il propose (de la SF apocalyptique). L’analyse dévoile une série de constats surprenants qui, par extension au-delà des limites de l’été, montrent une évolution du cinéma plutôt affligeante. Jamais Hollywood n’a été si peu original et créatif pour le marché de l’été. Extraits :
– Entre 1993 et 2003, 65% des recettes générées par les tops du box office estival, provenait de films dits « originaux ». Traduction, pas des remakes, séquelles ou spin off. Une moyenne « positive » qui va alors retomber à seulement 39% pour la période suivante, de 2003 à 2013 ! Comprenez par là que sur cette dernière décennie (2003-2013), 61% des recettes du box office était à mettre à l’actif de remakes, suites ou films dérivés d’une oeuvre déjà existante (genre The Avengers).
– De même, entre 1993 et 2003, les tops estivaux basés sur des histoires originales représentaient 70% de la production. Sur la dernière décennie (2003 à 2013), la moyenne est tombée à 47% !
– Pire encore, cet été, où les films originaux ne représentent seulement que 30% des tickets vendus sur le sol américain !
– Si le système fonctionnait, tout irait bien de leur point de vue. Sauf… Sauf que cette année aura marqué un tournant question rentabilité. L’animé Turbo a coûté 135 millions de dollars et n’en a rapporté que 70. Le « disneyien » Lone Ranger a coûté lui 215 millions pour un résultat aux USA de 87 millions ! Pacific Rim également, a couté 190 millions et en a rapporté que 95. Et ainsi de suite, de Wolverine (coût 120 millions, recettes, 106 millions soit pas un triomphe mais seulement une semi-réussite) à Red 2 (coût 84 millions, gain : 47 millions). Les films coûtent de plus en plus chers et rapportent de moins en moins sur le sol américain. Tous ceux précités ne sont pourtant pas forcément des séquelles certes, mais c’est surtout leur manque d’originalité et de caractère, leur aspect « produits sur-calibrés » comme pondus en série à partir des mêmes codes et conventions qui semble déranger un public lassé de cette fadeur généralisée.
(Pacific Rim)
L’explosion du système annoncée par Lucas et Spielberg serait-elle proche ? On se souvient encore de l’échec retentissant d’un John Carter, autre blockbuster ultra-onéreux à s’être royalement planté. La répétition de ces bons coups manqués se multiplie. Un signe du ras le monde du public enfin exprimé ? On verra ce que nous dira l’avenir mais Hollywood aurait vraiment tendance à vite se réveiller pour essayer de proposer des divertissements un peu plus frais avant de s’annihiler l’essentiel de son audience. Et ce n’est pas la vague des nombreux remakes encore annoncés ou les modes que l’on suce jusqu’à la moelle (3D, films de superhéros…) qui encourage à l’optimisme de voir le système en panne d’inspiration sortir de l’impasse ans laquelle il semble coincé. Car à l’opposé, des films comme Insaisissables de Louis Leterrier ou American Nightmare (ni des remakes, ni des séquelles) cartonnent et surprennent. CQFD. Mais pour le moment, l’heure est l’attentisme. Comme le célèbre slogan de La Haine : « jusqu’ici, tout va bien ». Car ironiquement, l’été 2013, malgré ses flops, est en passe d’être l’un des plus rentables depuis très longtemps, fort de mois de juin et juillet ultra-rentables grâce à des triomphes comme Man of Steel, Monstres Academy, Moi Moche et Méchant 2, World War Z etc… Le changement ne sera donc probablement pas pour maintenant. Malheureusement.