Mondomètre
Carte d’identité :
Nom : T2 Trainspotting
Père : Danny Boyle
Date de naissance : 2017
Majorité : 1er mars 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : Angleterre
Taille : 1h50 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique
Livret de famille : Ewan McGregor, Jonny Lee Miller, Ewen Bremner, Robert Carlyle, Anjela Nedyalkova, Kelly Macdonald…
Signes particuliers : T2 Trainspotting ressemble à son ancêtre autant qu’il s’en démarque. Étrange mais intelligent.
LOSERS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI
LA CRITIQUE DE T2 TRAINSPOTTING
Résumé : La suite des aventures de Trainspotting, 20 ans après. Les protagonistes ont maintenant 40 ans.20 ans déjà… 20 ans que toute une génération de spectateurs se prenait en pleine figure, la baffe violente assénée par un Danny Boyle au sommet de sa forme. Trainspotting, ou l’un des films les plus marquants jamais fait sur les ravages de la drogue, avec Requiem for a Dream (et L’homme au bras d’or, si l’on remonte plus loin). Ils étaient quatre, Renton, Simon, Spud et Begbie. Ils avaient la vingtaine, et ils étaient des junkies au cerveau détruit par l’héroïne. Les séances de défonce, la folie du sociopathe Begbie, la recherche de fric, les cavales dans les rues d’Edimbourg, la plongée dans les chiottes, la scène du bébé oublié, la musique d’Underworld… Culte. 21 ans plus tard, Danny Boyle et toute la troupe du classique incontournable des années 90 se retrouvent pour une suite que l’on pourrait croire improbable, mais qui trouve sa pleine justification dans une nostalgie embrassée avec pertinence. Le metteur en scène s’est plongé dans le roman Porno d’Irvine Welsh, paru en 2002. L’auteur écossais y narrait la situation des quatre acolytes, dix ans après les faits du premier film. Mais Boyle ne suivra pas à la lettre, le livre vieux de quinze ans déjà. Il y puisera seulement des éléments et certains contours, mais inventera une nouvelle trame, plus en accord avec l’âge actuel de ses protagonistes. Dans le livre, il était question d’une tentative de percée dans l’industrie du porno. Pas dans le film. Erreur ou choix judicieux, chacun aura sa propre opinion sur la question.Aujourd’hui, les gars de Trainspotting ont la quarantaine. Deux décennies ont passées. Ont-ils changé ? Se sont-ils revus ? Se sont-ils rangés ? Ont-ils trouvé le moyen de se créer une vie sur les cendres du chaos de leur jeunesse ? C’est justement tout le propos de T2 Trainspotting, brosser le portrait d’aujourd’hui de ces addicts d’hier, qui n’ont justement plus 20 ans, et qui doivent désormais faire face aux conséquences de leurs aventures passées, en composant avec ce qu’elles ont généré. Avec ce retour tardif, Danny Boyle déploie une nouvelle œuvre écartelée par sa propre nature. T2 n’est pas Trainspotting, comme ses personnages ne sont plus ceux d’il y a vingt ans. T2 essaie de ressembler à Trainspotting mais il n’y parvient pas, car justement ses protagonistes essaient de ressembler à ce qu’ils étaient, mais ils n’y parviennent pas. Terriblement cohérent ! Et le film de se faufiler dans les interstices d’un subtil mélange de nostalgie et d’opposition, pour mieux incarner cette situation actuelle, celle de protagonistes coincés dans un entre-deux, pas encore sortis du passé, pas encore entrés dans leur futur, zonant dans un présent où leur temps s’est arrêté, mais pas celui du monde. Sur la forme comme sur le fond, T2 est ce qu’il devait être, un film qui n’est pas le clone de son aîné, plutôt son reflet de l’autre côté du miroir, le miroir de ces vingt années qui se sont écoulées depuis.Évidemment, on ne retrouve pas la même urgence, la même spontanéité, la même folie furieuse, dans cette suite étrange, ni survitaminée, ni apaisée. Mais était-ce seulement possible ? Ou mieux, est-ce que cela aurait la bonne chose à faire ? S’il avait fait ça, Boyle aurait pris le risque d’oublier que ses personnages ont évolué. En optant pour un angle différent, il décevra peut-être ceux qui attendent un bis repetita du premier, mais il dégage un vrai propos en contrepartie. Une chose est sûre, 20 ans plus tard, Trainspotting est autre chose, et un autre chose très intéressant, même si le choc n’est pas comparable. Le cinéaste prend en tout cas un plaisir évident à retrouver ses protagonistes et ses comédiens, et ces derniers affichent à chaque plan, leur joie de retrouver leur personnage respectif. L’humour noir est toujours là, la folie et le ton délirant sont toujours là, la tendresse du regard porté sur ces losers d’Edimbourg est toujours là. La combinaison de ces éléments retrouvés fait de cette suite, un film globalement réussi. Il aurait sans doute pu l’être davantage et avec plus d’éclat, mais le pari est gagné, avec un panache différent, moins déjanté, plus amer. Balançant entre la comédie et le thriller, T2 Trainspotting penche surtout vers le drame fortement teinté de mélancolie, observant comment un groupe s’engage vers un processus d’acceptation d’une réalité qu’ils ont cherché à occulter : les années ont passé et l’on ne peut plus être à quarante ans, ce que l’on était à vingt.A coup sûr, T2 Trainspotting va diviser. Et ses partisans seront sûrement aussi nombreux que ses détracteurs. Mais le challenge que devait relever Danny Boyle était énorme. Il s’en sort avec les honneurs, insufflant à son film, l’énergie dont il avait besoin. Pas celle que l’on trouvait dans le film de 1996, non. Celle qui anime des anti-héros confronté au désastre de leur vie. Pessimiste, T2 l’est terriblement. Au moins, le peu de lumière qui éclaire cet édifice saura émouvoir. Reste la question de savoir si nouvelle génération va t-elle seulement être intéressée par ce retour d’un fantôme du passé ? La question se pose. Mais pour l’ancienne, celle qui aura vécu le traumatisme cinématographique fracassant de 1996, cette résurgence, quoiqu’un peu longue, vaut le détour car elle ne se contente pas de faire dans la redite en déroulant un canevas balisé par des passages obligés. T2 Trainspotting est autant une suite respectueuse, qu’un nouveau film juste et intelligent, qui a beaucoup de choses à dire. A défaut d’être un régal, c’est au moins un grand plaisir.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux