Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Mia Madre
Père : Nanni Moretti
Date de naissance : 2015
Majorité : 02 décembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : Italie
Taille : 1h47 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Margherita Buy (Margherita), John Turturro (Barry), Giulia Lazzarini (Ada), Nanni Moretti (Giovanni), Beatrice Mancini (Livia)…
Signes particuliers : Fidèle à lui-même, l’italien Nanni Moretti couche à nouveau ses propres angoisses sur pellicule.
NANNI À CANNES
LA CRITIQUE
Résumé : Margherita est une réalisatrice en plein tournage d’un film dont le rôle principal est tenu par un célèbre acteur américain. À ses questionnements d’artiste engagée, se mêlent des angoisses d’ordre privé : sa mère est à l’hôpital, sa fille en pleine crise d’adolescence. Et son frère, quant à lui, se montre comme toujours irréprochable… Margherita parviendra-t-elle à se sentir à la hauteur, dans son travail comme dans sa famille ?L’INTRO :
Chaudement acclamé au dernier festival de Cannes, le nouveau film de l’italien Nanni Moretti n’est sans doute pas passé loin d’une Palme ou d’un prix majeur qui lui a de peu échappé. Quatre ans après son décevant Habemus Papam, que l’on attendait plus corrosif, Mia Madre a beau employer la première personne du singulier, il n’en est pas pour autant un récit autobiographique. Du moins, au sens strict du terme. Car, une fois n’est pas coutume, le cinéaste transalpin injecte beaucoup de choses personnelles dans son dernier effort, énième projection à l’écran de ses angoisses et tourments personnels.L’AVIS :
Avec Mia Madre, Nanni Moretti suit dans une double narration parallèle jouant avec les temporalités, le passé et le présent, le parcours d’une réalisatrice s’efforçant d’accoucher dans la douleur, de son nouveau long-métrage à portée sociale, alors qu’elle assiste sur un plan plus intime, au déclin de sa mère malade, proche de la fin d’une vie belle et bien remplie. D’un côté, une difficile naissance artistique, de l’autre, une imminente extinction à feux doux. S’il aimait traditionnellement se donner le premier rôle dans ses films, Moretti passe la main pour Mia Madre. Lassé de cumuler les fonctions, il laisse cette fois la tête d’affiche à la comédienne Margherita Buy. Le réalisateur se contente d’un second rôle, dans ce drame résonnant d’avec sa vie, lui qui a perdu sa « Madre » en 2010, alors qu’il préparait la production de son Habemus Papam.De son propre aveu, certaines séquences de Mia Madre résonne étrangement chez le cinéaste, comme « s’il se parlait à lui-même« , confesse t-il. Et on pourra difficilement le contredire, tant ce nouvel opus passionné, prend vite des allures d’exorcisation un brin nombriliste émanant d’un auteur couchant ses propres angoisses psychologiques à l’écran dans une sorte de thérapie cinématographique qu’il partage avec le spectateur. Un point qui fait à la fois la force et la faiblesse de Mia Madre. Sa force, car indéniablement, on s’émerveillera de la justesse permanente qui enveloppe ce drame touchant de tendresse et de pudeur. C’est la deuxième fois que Moretti aborde la thématique du deuil, quelques années après son bouleversant La Chambre du Fils. Et parce qu’il a toujours aimé parler de ce qu’il connaît, de ce qui le touche au plus profond de sa personne, Nanni Moretti fait une nouvelle fois preuve d’une grande sensibilité, couplée à une puissante authenticité des situations et des émotions qui traversent son long-métrage. Légèrement appliqué en fond, son style tragi-comique d’antan un brin fané aujourd’hui, produit encore quelques étincelles en mêlant tristesse et drôlerie. La tristesse de cet accompagnement filial vers la mort, la drôlerie de cet acteur américain à la fois vivant, loufoque et amusement agaçant. Cet acteur, c’est John Turturro, qui livre un irrésistible numéro à la lisière du cabotinage volontaire, pour conférer toute sa particularité à son personnage d’acteur pas mégalo mais presque, pas incompétent mais presque, pas détaché mais presque, pas méchant mais… énervant, ou touchant, c’est selon.Intelligemment construit dans sa façon de mêler le présent et les souvenirs qui rejaillissent, dans sa façon de mêler le drame et l’humour et surtout de mêler les confrontations professionnelles et personnelles auxquelles doit faire face son personnage de réalisatrice dépassée par sa vie et les doutes qui la rongent, Mia Madre passe pas loin de l’exploit. Mais comme une comète fantastique qui éviterait la terre de quelques millions de kilomètres, Mia Madre évite le chemin du chef-d’œuvre. Car malgré quelques fulgurances, ce dernier Nanni Moretti reste assez convenu, comme si le cinéaste avait gagné en maturité, ce qu’il a perdu en férocité. Et c’est là que l’on se souvient, nostalgique, du temps des Sogni d’Oro, Palombella Rossa, Journal Intime ou Aprile. Cette époque où cet alter-ego italien de Woody Allen régalait par son cinéma satirique mêlant néoréalisme social et tradition de la comédie à l’italienne d’avant. De ce fabuleux metteur en scène des années 80 et 90 à l’acidité jouissive, il ne reste plus que cet artiste qui continue de coucher ses angoisses sur pellicule en essayant de jongler entre cruauté et légèreté. Mais Moretti s’est assagi, est devenu plus sérieux, plus professoral. Sa chère mélancolie poétique provoque toujours de belles choses et Mia Madre séduit malgré ses longueurs, mais on se souvient quand même d’avant…
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux