Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Nightcrawler
Père : Dan Gilroy
Date de naissance : 2014
Majorité : 07 avril 2015
Type : Sortie DVD & Blu-ray
(Éditeur : Orange Studio)
Nationalité : USA
Taille : 1h57 / Poids : 6,5 M$
Genre : Drame, Thriller
Livret de famille : Jake Gyllenhaal (Lou Bloom), Bill Paxton (Joe), Rene Russo (Nina), Riz Ahmed (Rick), Ann Cusack (Linda), Kevin Rahm (Frank)…
Signes particuliers : Un drame terrifiant et hypnotique aux allures de thriller intensément haletant. Night Call est une vision acerbe du monde pourri de la télévision, mais avant tout le portrait fascinant et glaçant d’un homme vrillant vers la folie malsaine, aveuglé par le besoin de réussite sociale…
UNE PLONGÉE TERRIFIANTE DANS LES COULISSES DE LA TÉLÉVISION
LA CRITIQUE
Résumé : Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n’aura aucune limite…L’INTRO :
Sous ses allures de production indépendante un peu luxueuse avec une star à l’affiche (Jake Gyllenhaal) et branchée (par les producteurs de Drive rappelle t-on fièrement, puisque le film se déroule à nouveau essentiellement de nuit), Night Call est en réalité un vrai film familial tourné à l’énergie, à la passion et au courage. Dan Gilroy, son metteur en scène qui tournait là son premier long-métrage après un passé de scénariste (Chasers, Bourne Legacy, Real Steel) a fait appel à ses deux frangins pour l’aider à mener son projet à bien. Tony Gilroy (réalisateur du dernier Jason Bourne) est impliqué dans la production, John Gilroy a supervisé le montage… Et devant la caméra, aux côtés de l’acteur de Enemy ou Prisoners qui apparaît amaigri après une perte sèche de 10 kilos, le cinéaste offre un rôle en or à son épouse à la ville, la revenante Rene Russo qui incarne la rédactrice en chef d’un JT local.L’AVIS :
Night Call nous plonge dans l’envers du décor du monde de la télévision américaine, plus précisément aux côtés de ces vidéastes/paparazzi de l’info traquant non sans cynisme, les scoops à chaud faisant l’actualité des télé locales afin de monnayer à ces networks sans scrupules, les images inédites des drames du quotidien qui passionnent tant le public voyeuriste addict aux faits divers se passant à côté de chez eux. Courses-poursuites sur les autoroutes, incendies, meurtres, accidents, arrestations… Tous les coups sont permis pour être les premiers, les mieux placés, pour capter « les images » exclusives qui feront l’ouverture des JT sensationnalistes. Cynisme, déontologie, méthodes moralement discutables ou condamnables, voyeurisme de l’information, perte de l’éthique et du discernement au nom de la sacro-sainte audience… Night Call se révèle être une critique acerbe et intelligente du monde pourri de la télévision, rappelant dans la dureté de son propos lucide, le Network, Main Basse sur la Ville de Sidney Lumet. Mais le film de Dan Gilroy ne se limite pas à une charge virulente contre le milieu audiovisuel. Elle est même presque la toile de fond d’un long-métrage qui déploie une immense richesse, traversant les genres et le conduisant vers une densité narrative et de fond, absolument extraordinaire et salvatrice, rappelant que le cinéma indépendant américain a encore de beaux jours devant lui.Si l’on pourrait le ranger aisément dans la section « drame » avec le portrait sombre d’un antihéros désespéré, s’engageant sur une voie dangereusement vénéneuse le menant à la lisière d’une folie terrifiante, aveuglé par le rêve américain et le besoin de réussite, le cinéaste parvient à enrober son récit dans les codes du thriller en se révélant maître de la tension dramatique brute et épidermique. D’un bout à l’autre, Night Call est haletant, captivant, stressant et follement original, entretenu par un suspens qui anime et marque de son empreinte cette trajectoire humaine glaçante et furieusement hypnotique, confectionnée dans un mélange d’empathie et de dégoût face à une glissée malsaine, pervers et malade, sur fond d’aveuglement par le « rêve américain » (encore lui). Et au milieu de cette peinture magistrale d’un monde et d’un homme troublant voire psychotique, Jake Gyllenhaal livre (encore) une performance exceptionnelle. Monumental de présence habitée, l’acteur que l’on sait tous prodigieux, prouve qu’il est plus que cela. L’un des meilleurs de sa génération et à n’en point douter, un candidat sérieux aux prochains Oscars, et pas seulement pour sa perte de poids saisissante. Gyllenhaal en est tellement bon, qu’il en éclipserait presque le retour de Rene Russo, pourtant très grande à ses côtés, tout comme l’excellent Riz Ahmed, formidable en victime participante que l’on a envie de plaindre.Intense à tous les niveaux, Night Call est un petit bijou aussi bouleversant qu’il peut se montrer effroyable et diabolique. Critique mordante de l’information-spectacle et de ses dérives, le film de Gilroy force (si peu) le trait dans une intrigue passionnante pleine d’à-propos. Mais l’on en retiendra avant tout un personnage formidable, incarnation hallucinée de ce discours corrosif mais avant tout, du côté le plus sombre des valeurs américaines qui façonnent la société américaine où la réussite sociale est un objectif à atteindre coûte que coûte. Un uppercut à la fois violent et subtil, parfaite conjugaison pour créer un film d’une classe folle se muant un grand moment de cinéma esthétisé, admirablement porté par un montage millimétré et une BO envoutante, forte d’un vrai thème musical marqué, ce qui est devenu bien trop rare au cinéma. Night Call rejoint ce petit cercle fermé des grands films sur le monde des médias audiovisuels, aux côtés des Network, Mad City ou Des Hommes d’Influence. On en ressort le souffle coupé, avec cette impression d’avoir assister à quelque-chose de fort. De très fort.
Sillonnant Los Angeles de nuit, Night Call se devait d’être esthétiquement très travaillé pour rendre une ambiance, une atmosphère. Dan Gilroy le savait, et il l’a fait. Sur grand écran, son film était une splendeur, en plus d’être passionnant et intelligent. La question était de savoir si la galette numérique allait réussir à conserver cette beauté nocturne fascinante. La réponse est oui. Cette édition, parue chez Orange Studio, est techniquement somptueuse, rendant à merveille le piqué, les contrastes et la profondeur de l’image. Ni trop sombre ni trop terne, ni trop lumineuse, elle trouve le ton juste en terme de rendu et d’étalonnage. Magnifique. Côté son, le puissant DTS-HD proposé vient soutenir la richesse formelle de l’oeuvre et témoigne d’un coffre impressionnant. Tout est un régal, et le film garde toute sa force.
Dommage que les bonus n’atteignent pas la même perfection. On est même un peu déçu par le contenu affiché par les suppléments, qui ne rendent pas justice à la valeur du film. Bande-annonce, teaser viral et galerie photos s’ajoutent à une seule et unique petite featurette de 5 minutes où interviennent brièvement Jake Gyllenhaal et le réalisateur Tony Gilroy. Le première évoque succinctement son personnage, le second brosse les (très) grandes lignes de son projet, dont l’une des inspirations premières, est à aller pêcher du côté d’un photographe des années 30 (Weegee), considéré comme le premier chasseur de scoops. Bref, du factuel un peu trop light en substance. Pour vraiment en savoir plus sur le film, heureusement, on pourra se rabattre sur la piste proposant les commentaires audio, pondus en famille par la fratrie Gilroy, le cinéaste Dan, le producteur Tony et le monteur John. Là au moins, tout est décrypté de A à Z, mais force et d’avouer que généralement, seuls les cinéphiles purs et durs aiment à se lancer dans l’entreprise de cet angle de visionnage.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux