Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Haemoo
Parents : Shim Sung-Bo
Date de naissance : 2014
Majorité : 1er avril 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : Corée du Sud
Taille : 1h45 / Poids : 10 M$
Genre : Drame
Livret de famille : Kim Yoon-Seok (capitaine Kang), Han Ye-Ri (Hong-mae), Seong-kun Mun (Wan-ho), Sang-ho Kim (Ho-young), Hee-jun Lee (Chan-wook), Seung-mok Yoo (Kyung-koo)…
Signes particuliers : Le coscénariste de Memories of Murder signe son premier long-métrage en tant que réalisateur, produit par son vieil ami Bong Joon-ho. Un drame maritime fascinant et envoûtant.
LES FANTÔMES DE LA MER
LA CRITIQUE
Résumé : Capitaine d’un bateau de pêche menacé d’être vendu par son propriétaire, Kang décide de racheter lui-même le navire pour sauvegarder son poste et son équipage. Mais la pêche est insuffisante, et l’argent vient à manquer. En désespoir de cause, il accepte de transporter des migrants clandestins venus de Chine. Lors d’une nuit de tempête, tout va basculer et la traversée va se transformer en cauchemar…
On a coutume de le dire et de le redire et on n’a sans doute pas fini de l’asséner encore et encore, mais depuis le début des années 2000, le cinéma coréen s’est imposé comme l’une des cinématographies les plus exaltantes de la planète. Quel que soit le registre, quel que soit le genre, du petit film d’auteur au gros film d’action rivalisant avec le tout-puissant Hollywood, la Corée du Sud n’a de cesse de produire des pépites qui ont tout pour satisfaire les amateurs de cinéma de tout bord. En 2003, le scénariste Shim Sung-Bo participait à l’éclosion du cinéaste Bong Joon-Ho (Le Transperceneige) en coécrivant avec lui le script de ce qui se sera son premier gros succès et un film fondateur du néo-policier à la coréenne. Le saisissant Memories of Murder propulsera sérieusement la carrière de ce dernier et imposera son nom, aussi bien en Corée où le film connaîtra un succès retentissant, qu’en dehors de ses frontières. Douze ans plus tard, Bong Joon-Ho est devenu une star mondialement respectée voire adulée. A l’inverse, Shim Sung-Ho a curieusement disparu des écrans radar. C’est dans ce contexte étrange que le réalisateur rend la pareille à son ami en produisant aujourd’hui son premier long-métrage en tant que metteur en scène. Sea Fog est un drame marin emmené par le charismatique Kim Yoon-Seok (The Chaser, The Murderer) et adapté d’une célèbre pièce de théâtre montée par le même collectif qui avait créé Memories of Murder sur les planches. Cette réunion de talents en présence ne pouvait qu’attirer l’attention sur ce film inspiré de faits réels, et rebaptisé Sea Fog – Les Clandestins en France.L’AVIS :
Si l’on sent immédiatement les fondations théâtrales qui soutiennent cette sorte de huis-clos à ciel ouvert sur un vieux chalutier aux allures de fantôme de ferraille errant dans les eaux troubles de l’immensité de l’océan indien, pour sa première derrière la caméra, Shim Sung-Ho se révèle comme un véritable maestro de la mise en scène. A croire que le néophyte a fait ça toute sa vie et vient d’atteindre l’apogée de la maîtrise de son art. Pourtant, il n’en est rien. Sea Fog est bel et bien son premier film. Et quel premier film ! Une œuvre de funambule évoluant avec grâce entre le film d’auteur et le cinéma populaire, capable de changer de rythme et de ton en un clin d’œil sans jamais faire de vague, sans jamais produire le moindre accroc qui viendrait perturber la fluidité de sa narration magistrale.Il y a tout dans Sea Fog. Intensité, émotion, drame humain, humour, romance, splendeur, fascination, horreur viscérale. Shim Sung-Ho transcende à chaque minute son récit en le nourrissant de thématiques incarnées avec puissance dans un coup de maître étourdissant qui ne laissera pas insensible face à la tragédie contée. Sea Fog – Les Clandestins est une œuvre habitée, de ces films qui imposent une dynamique particulière servant le déploiement d’une atmosphère lourde, qui ne cesse de se charger en particules électriques avant le court-circuit qui fera disjoncter un scénario élaboré avec minutie, et non sans génie.A la fois portrait social questionnant une nouvelle Corée du Sud à deux vitesses, piégeant une génération écartelée entre les traditions à l’ancienne et la modernité d’une société en pleine mutation, et sombre peinture étudiant la nature humaine quand elle est confrontée à elle-même dans des circonstances particulières et extrêmes, Sea Fog bouleverse, tétanise, horrifie et se mue en brûlot dévastateur emportant le spectateur dans une lame de fond dont il ne peut s’extraire, pris dans les mailles du filet d’un drame inéluctable et redouté, invitant l’enfer sur terre. Ou plutôt sur mer. La thématique principale au centre du film de Shim Sung-Ho est d’illustrer les dérives des hommes lorsqu’ils sont dos au mur, quand les circonstances les amènent à révéler leur véritable nature enfouie, avec une explosivité à la mesure de ce qui était contenu. Sea Fog jongle avec habileté avec les réactions de son public, traversant les genres pour mieux nous coincer. La comédie dramatique sociale sert de point d’ancrage à l’attachement empathique, la romance vient se superposer pour cristalliser les enjeux, avant que la tragédie ne vienne bouleverser la donne et affirmer le propos en faisant basculer le film du côté d’une horreur à la lisière du cinéma de genre. Poignant, inspiré, figuratif et quelque part existentialiste, Sea Fog est une sorte de miracle cinématographique improbable. Un film d’une densité folle, seulement contrariée quelques longueurs qui pourront faire décrocher les moins réceptifs à un cinéma qui tente l’alliage de l’exigence et du populaire.
EXTRAIT :
Par Nicolas Rieux