Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Mea Culpa
Père : Fred Cavayé
Livret de famille : Vincent Lindon (Simon), Gilles Lellouche (Franck), Nadine Labaki (Alice), Max Baissette de Malglaive (Théo), Gilles Cohen (Pastor), Medi Sadoun (Jacquet), Velibor Topic (Milan)…
Date de naissance : 2013
Majorité : 05 février 2014 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h34
Poids : 20 M$
Signes particuliers (+) : Un film d’action hard boiled sec et violent qui redonne foi dans le cinéma d’action à la française. Mea Culpa a peut-être bien des défauts, mais certainement pas celui de la paresse. Fred Cavayé signe un film qui n’a rien à envier à nos voisins américains, spectaculaire, haletant et dynamique, avec cerise sur le gâteau, un duo qui dégage charisme et crédibilité à l’ancienne. Un gros plaisir improbable et nerveux qu’il serait dommage de bouder !
Signes particuliers (-) : Quelques maladresses d’écriture et de construction dans un film façonné aux clichés. Rien d’important en regard de ses intentions.
LES INSPECTEURS LABAVURE
LA CRITIQUE
Résumé : Flics sur Toulon, Simon et Franck fêtent la fin d’une mission. De retour vers chez eux, ils percutent une voiture. Bilan : deux victimes dont un enfant. Franck est indemne. Simon, qui était au volant et alcoolisé, sort grièvement blessé . Il va tout perdre. Sa vie de famille. Son job de flic. Six ans plus tard, divorcé de sa femme Alice, Simon est devenu convoyeur de fonds et peine à tenir son rôle de père auprès de son fils Théo qui a désormais 9 ans. Franck, toujours flic, veille à distance sur lui. Lors d’une corrida, le petit Théo va être malgré lui le témoin d’un règlement de compte mafieux. Très vite, il fera l’objet de menaces. Simon va tout faire pour protéger son fils et retrouver ses poursuivants. Le duo avec Franck va au même moment se recomposer. Mais ce sera aussi pour eux l’occasion de revenir sur les zones d’ombre de leur passé commun…
L’INTRO :
N’en déplaise aux blasés appartenant à une certaine majorité, mais le retour de l’injustement décrié Fred Cavayé est pour nous une petite réjouissance qui égaye ce sale mois de février pluvieux et terne. Pourquoi ? Parce que même s’il essaie d’afficher de la diversité, même si sur le fond il recèle beaucoup de choses intéressantes et même si l’on fait un peu dans la caricature excessive en disant cela, mais voilà, avec un brin de mauvaise foi, on vous avouera qu’on se fait quand même un chouia passablement chier dans notre cinéma franco-français et peu nombreux sont ceux qui essaient de lui secouer le cocotier. Parmi eux, Fred Cavayé, jeune bonhomme de 46 ans (oui le cinéma français, c’est comme à l’Académie Française. A 46 ans, on est un « jeune homme ») qui nous gratifie de son troisième long-métrage, un nouveau polar musclé porté par un duo de stars qu’il a déjà dirigé. D’un côté, l’excellent Vincent Lindon avec il avait tourné Pour Elle. L’acteur nous rappelle de plus en plus une sorte de Liam Neeson français ou comment devenir badass à la cinquantaine. De l’autre, le rugueux Gilles Lellouche avec qu’il a dirigé lui dans A Bout Portant (et un sketch des Infidèles). Deux hommes, deux durs, un flic et un ex-flic dont les vies sont marquées par un drame, face à des criminels sans pitié venus des pays de l’Est. Et une histoire de traque qui transpire la testostérone. Cavayé va envoyer le bois. On jubile.
Les mêmes qui n’ont eu de cesse de descendre A Bout Portant, risquent de se faire plaisir à lyncher ce Mea Culpa qui pourtant semble encore un cran meilleur que son prédécesseur. Oui, ce nouvel effort de Fred Cavayé est un polar d’action sec et viril qui déménage avec brutalité et âpreté. Amis de la subtilité, il faudra repasser. Mea Culpa fait dans le basique et l’efficace avec un script écrit dans ses grosses lignes, pas forcément finement travaillé dans ses détails et sa manière d’exposer ses ressorts et ses enjeux, mais dont le contenu remplit la panse avec la sensation d’avoir bien mangé. Un peu comme un bon plat de brasserie moins fin mais qui colle au moins au bide à l’inverse de son équivalent version resto 4 étoiles. Le seul vrai écueil sur lequel va butter ce spectacle rageur sera celui de ses improbabilités façon cinoche populaire hollywoodien où tout est un peu gros mais on s’en fout parce qu’on s’éclate. Si ces exagérations seront pardonnables au cinéma américain en ce qu’il prend place dans un univers qui nous est lointain où « tout nous semble possible », la réalité d’un cadre à la française et que l’on appréhende au quotidien a tendance à sur-emplifier ces mêmes exagérations en les rendant tout de suite hautement « condamnables » et « stupides ». Et c’est bien dommage car en toute honnêteté, le film n’y est pour rien, pas plus que son auteur. En passant au-dessus de ça, Mea Culpa est un plaisir sans mal qui a les pieds solidement ancré dans une tradition populaire qu’il essaie cependant de réveiller un peu en lui accolant un ton encore plus rude et calleux qu’a l’accoutumée.
Fred Cavayé signe un polar à la limite du hard-boiled façon cinéma hongkongais des années 80. Intrigue simple, claire, concise et resserrée, mise en scène costaude et efficace, solidité communiquant un sentiment d’impact rêche et énervé, violence percutante affichée sans concession, photographie jouant énormément des tons obscurs, de la nuit, du bitume éclairé au néon, fusillades dantesques et bastons sans ménagement… Le résultat est certes parfois prévisible, parfois un peu simpliste, pas toujours très adroit aussi dans sa construction aux flashbacks faciles, mais cette absence de maniérisme, cette volonté de mettre en boîte du divertissement agité pur et dur, bien calibré, bien branlé sur ses jambes et délesté de toute cette prétention qui généralement veut absolument se greffer au cinéma de genre à la française, est salvatrice et nous propose une heure et demi compacte et musclée déroulant fièrement le tapis rouge au spectacle d’action de bonne facture. Mea Culpa n’atteint peut-être pas le niveau d’un Pour Elle, mais Cavayé arrive à donner de la crédibilité à son affaire pourtant parfois improbable. Une crédibilité sans aucun doute nourrie par un excellent tandem Lindon-Lellouche fonctionnant à merveille et avec complémentarité, dans un esprit qui aurait pu relever du buddy movie fermement masculin si l’humour indispensable au genre n’était pas ici remplacé par un ton sombre et dramatique dans une intrigue convoquant une mécanique basée sur une tragédie rédemptrice et moraliste.
Si Mea Culpa se ballade avec une cible toute désignée dans le dos, bien en vue et idéalement dégagée pour mieux qu’on lui tire dessus à boulets rouges, il n’empêche que rien ne nous y oblige. Au lieu de se focaliser sur ses défauts, sa psychologie facile ou ses clichés évidents dont au final on se contrefout, il serait peut-être temps d’envisager un abandon à un cinéma qui ne demande rien d’autre que d’être foutrement décomplexé en se permettant les mêmes choses que son voisin US. S’il est sporadiquement maîtrisé, capable du meilleur avec une foultitude de scènes sacrément intenses alignées aux côtés de maladresses dommageables, reste un produit bien exécuté, généreux en adrénaline sans tomber dans l’excès d’une action non-stop usante, et qui se permet même quelques micros-notes d’humour bien senties. Aussi râpeux que la barbe de trois jours ses deux comédiens, Mea Culpa est ce que l’on pourrait appeler un kiff.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux