Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Zulu
Père : Jérôme Salle
Livret de famille : Orlando Bloom (Brian), Forest Whitaker (Ali), Conrad Kemp (Dan), Inge Beckmann (Ruby), Tinarie Van Wyk-Loots (Claire), Reghart Van Den Bergh (DeBee), Randal Majiet (Cat), Patrick Lyster (Opperman)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 04 décembre 2013 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h50
Poids : 16 millions $
Signes particuliers (+) : Un policier sec comme un bon vieux whisky, porté par deux comédiens en état de grâce. Zulu s’immerge dans l’ambiance de l’Afrique du Sud, ses traumas, son présent, ses cicatrices, et entremêle enquête dédaleuse et violence brutale et sans concession au détour de quelques fulgurances épiques mémorables. Solide et peut-être le meilleur film de Jérôme salle à ce jour.
Signes particuliers (-) : Une baisse de régime à mi-parcours accouplée à quelques longueurs lorsque le film déploie son complot tortueux et quelques maladresses quand Salle se laisse aller à se regarder filmer, amènent Zulu à rentrer dans le rang des bonnes péloches costaudes mais marqué par un génie trop intermittent.
DANS L’AFRIQUE DU SUD ÉLECTRIQUE…
Résumé : Dans une Afrique du Sud encore hantée par l’apartheid, deux policiers, un noir, un blanc, pourchassent le meurtrier sauvage d’une jeune adolescente. Des Townships de Capetown aux luxueuses villas du bord de mer, cette enquête va bouleverser la vie des deux hommes et les contraindre à affronter leurs démons intérieurs.
Après un policier français intéressant mais un peu trop surcoté (Anthony Zimmer) puis deux adaptations au cinéma de la BD Largo Winch qui, sans être vraiment bonnes, témoignaient au moins d’un effort du cinéma français d’aller boxer dans la catégorie poids lourd du gros actionner spectaculaire, Jérôme Salle poursuit son bonhomme de chemin toujours avec un cinéma ambitieux et enchaîne avec une quatrième réalisation qui s’exporte à l’étranger, direction l’Afrique du Sud post-Apartheid. On a bien compris que Salle aimait voyager et il en a une fois de plus l’occasion avec un nouveau film policier qui se paye une distribution internationale avec l’excellent Forest Whitaker dans un rôle de sage inspecteur au passé que l’on comprend douloureux et Orlando Bloom qui s’investit ici dans un rôle plus ou moins à contre-emploi, incarnant un flic alcoolo pas loin de l’épave humaine irrécupérable. Un meurtre sordide et le début d’une investigation seront les points de départ d’une intrigue qui va mener ces deux coéquipiers dans une toile aux ramifications terrifiantes telle une pelote de laine lentement déroulée, le tout sur fond de reconstruction d’une Afrique du Sud en plein processus de pardon. Zulu est l’adaptation, au demeurant plutôt fidèle dans l’esprit, d’un célèbre roman éponyme de Caryl Ferey, écrivain français spécialisé dans les récits policiers.
Il y a visiblement du mieux dans la carrière de Jérôme Salle et il ne serait pas scandaleux de taxer Zulu de meilleur effort à ce jour du cinéaste français. Policier efficace et bien rodé, porté par deux comédiens investis (avec un travail sur le changement d’accent au passage) et un scénario bien ficelé, nourri à la thématique de la vengeance qu’il essaie de conceptualiser dans toute sa vacuité, Zulu n’invente ni ne réinvente rien mais il est suffisamment solide sur ses jambes pour captiver avec son intrigue carrée et bien troussée sur les bords, capable de changements de rythme qu’illustrent parfaitement une mise en scène nerveuse, dynamique et foutrement énergique. Le résultat est haletant, s’immergeant dans une enquête complexe que ponctuent des soubresauts brutaux au détour de séquences sombres et sauvagement violentes, lorgnant souvent du côté du polar nihiliste, même si le film ne s’y inscrit jamais, tout au contraire. Sec comme un whisky pur malt avalé d’une traite, Zulu essaie de faire coexister l’ambiance d’un pays avec la violence brute qui anime son présent encore scarifié par les traumas du passé, et le pur policier tortueux et nébuleux, le tout aimanté par ses deux beaux personnages troubles qui, même s’ils ont une légère tendance à la caricature, forment un tandem attirant, pas loin du buddy movie très dramatique entre le flic calme et réfléchi (un Whitaker comme à son habitude tout en subtilité) et l’épave alcoolique à la vie en vrac (un excellent Orlando Bloom dans l’un de ses meilleurs rôles).
Même s’il ne transpire pas le génie et s’il est par moments affaibli par du déchet dans son script tirant vers le poussif plus il approche de son dénouement et souffrant de quelques ralentissements de rythme, mais aussi par quelques facilités et effets démonstratifs, notamment quand Salle se laisse aller à se regarde filmer (un de ses défauts récurrents), l’ensemble adhère quand même bien à la route rugueuse qu’il s’est tracé avec à la clé quelques fulgurances au détour de scènes particulièrement somptueuses (le scène de la plage, la grosse fusillade centrale, le final dans le désert). Du cinéma costaud et pas trop bête même s’il enfonce essentiellement des portes semi-ouvertes sans trop pousser ses intentions par manque de temps et de brio, et une ambiance lourde et glauque cultivée par un scénario résolument très noir. Au passage, il est rare de le noter, mais on soulignera un montage-son particulièrement soigné et qui apporte beaucoup au film, tout particulièrement dans ses scènes « d’action » soutenue par l’élégante musique d’Alexandre Desplat.
Zulu n’est pas un grand film, pas un mauvais non plus. De même qu’il alterne le meilleur et le moins bon. En tout cas, un exercice honnête à défaut de savoir judicieusement transcender son histoire et qui mélange coutures cousues au fil blanc et personnalité fiévreuse dans un film aléatoirement intense mais qui a le mérite de ne jamais ménager ses efforts pour s’offrir des moments d’une grande densité. Zulu ne restera probablement pas dans les mémoires, mais sa force et ses velléités de cinéma viscéral font le job et par à-coups plutôt bien.
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux