Mondociné

UNE RENCONTRE de Lisa Azuelos
Critique – en salles (romance)

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Spectateurs

048773.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxMondo-mètre
note 6
Carte d’identité :
Nom : Une Rencontre
Père : Lisa Azuelos
Livret de famille : Sophie Marceau (Elsa), François Cluzet (Pierre), Lisa Azuelos (Anne), Alexandre Astier (Eric), Arthur Benzaquen (Julien), Jonathan Cohen (Marc), Niels Schneider (Hugo), Tatiana Khayat (Lola)…
Date de naissance : 2014
Majorité : 23 avril 2014 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h21
Poids : Budget N.C.

 

Signes particuliers (+) : Une jolie « romance » hors du temps et mélancolique au tracé original, alternative mature s’éloignant un peu des traditionnelles histoires d’amour proposées au cinéma. Porté par deux comédiens superbes, une Sophie Marceau rayonnante en tête, Une Rencontre séduit alors que Lisa Azuelos accouche d’un élégant travail très esthétisé, en adéquation avec ce qu’elle s’efforce de raconter. Une romance sans l’être, un feel good movie sans l’être.

Signes particuliers (-) : Les bonnes intentions du film tournent parfois à l’excès. Excès d’effets de style, excès de jeu avec sa mécanique, excès de plaquage de sa playlist musicale calculée…

 

LES LOIS DE L’ATTRACTION

LA CRITIQUE

Résumé : Elsa écrivain, et Pierre, avocat, se croisent lors de la soirée de clôture d’un salon du livre : un regard, un briquet qui change de mains, des rires un peu trop nerveux, le frémissement d’une histoire possible… Une rencontre ? Sauf que la vie de Pierre, c’est d’abord sa famille : ses enfants et Anne, sa femme depuis quinze ans, celle qui l’aimera toujours, et qu’il aimera toujours, en dépit de la routine et du temps qui passe, il le sait. Elsa, de son côté, se reconstruit peu à peu suite à un divorce compliqué, se partageant entre l’écriture, ses ados qui grandissent trop vite, ses amies et une histoire légère comme l’air avec Hugo, son jeune amant. Pour elle, l’homme marié est un tabou et même pire : une erreur. Pourtant… Dès le premier regard, la rencontre de Pierre et Elsa s’inscrit dans une temporalité différente, comme si présent et futur possible se dédoublaient, s’entrechoquaient… jusqu’à créer une réalité où tout serait possible.une rencontreL’INTRO :

Quel est le point commun entre Eric Rohmer et Liza Azuelos ? A priori aucun. En creusant bien, il doit sûrement y en avoir, mais force est d’admettre qu’il ne saute pas aux yeux. La réponse est à chercher loin. En 1972. C’est L’Amour l’après-midi, romance adultérine avec Bernard Verley et Zouzou. Combiné à sa propre expérience de femme divorcée, la réalisatrice de LOL et Comme T’y es Belle a imaginé Une Rencontre, l’histoire d’une passion refrénée dévorante entre un mari père de famille modèle (François Cluzet dans son premier rôle de « charme ») et une belle quadra divorcée, écrivain de métier (Sophie Marceau). Il suffira d’une « rencontre », une simple rencontre anodine…517728.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxL’AVIS :

Expédions-le d’emblée, mais les premières minutes d’Une Rencontre sont catastrophiques et laissent présager le pire voire davantage. Puis la lumière s’éclaire. On saisit la mécanique, on perçoit les nobles intentions, les excès et le style se justifient, le charme opère, et bien que sans cesse tiraillé entre ses défauts et ses qualités, cette curiosité originale séduit avec sa délicieuse Rencontre sublimée par une cinéaste qui n’a pas son pareil pour enjoliver les formes sans dénaturer les fonds ou plutôt, pour donner le change d’un monde bobo en apparence idéalisé mais pointant en réalité du doigt, des petites choses universelles qui transpire l’authentique.526166.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxA l’heure où le cinéma nous abreuve de romances toutes plus similaires les unes que les autres, histoire de brosser dans le sens du poil un public qui a besoin de « rêver », de fantasmer par écran interposé, Liza Azuelos, elle, n’a pas et n’a jamais eu la langue (et la caméra) dans sa poche. Les mièvreries gluantes, trop peu pour elle, ou dans une moindre mesure, car elles ne sont pas la vie et c’est d’elle dont se nourrit la réalisatrice depuis toujours. Azuelos prend le contrepied des « romcom » classiques avec un film structurellement antagoniste. Une Rencontre est bâti sur une opposition de style, autant anti-romance qu’il n’est pure romance, doublée d’une seconde de ton, à le voir ainsi errer entre la luminosité et la mélancolie, la comédie et quelque part le drame. La cinéaste prend la tangente du conte amoureux archétypal et même si formellement Une Rencontre brille, éblouit, fait des reflets, filme de grands sourires, de jolis plans cartes-postales, s’enveloppe dans une esthétique bling bling en étalant une succession de clichés de mise en scène alignés de long en large et en travers, c’est pour mieux les désamorcer dans la foulée lorsque l’apparent saut en apesanteur hors du temps cesse, que la gravité de la vie reprend ses droits, et que les pieds retombent lourdement sur le sol. Tout le sujet du film. Deux personnages foudroyés par une attirance « attractionnelle » irrépressible et un amour imprévisible, qui se retrouvent dans une autre réalité, celle de leurs rêves, celle de leurs fantasmes. Mais la réalité est là, elle les rattrape toujours dans leurs échappées, elle les agrippe et les ramène constamment à l’impossibilité de leur liaison condamnée.  529916.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxComme ses personnages désarçonnés et perturbés par cette romance soudaine, dévorante et irrésistible, Liza Azuelos essaie de reporter cet état de confusion sur ses spectateurs par un récit volontairement éclaté entre plusieurs temporalités : réalité et fantasme. Peut-être un peu trop d’ailleurs car au final, à multiplier les allers et retours dans son dédale romantique, la cinéaste finit par perdre un peu ceux qu’elle avait conquis, à la fois par excès de complexité inutile de son jeu narratif et par manque d’assurance l’obligeant à sur-expliquer ce qui était déjà parfaitement entendable. Dommage que la qualité du film ne suive pas toujours l’intelligence de sa démarche.247749.jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxxTous les pièges qui pouvaient se présenter sur le chemin de cette Rencontre, Liza Azuelos trébuche dessus. Fort heureusement, sans jamais vraiment tomber. Le montage, souvent maladroit, peine à matérialiser avec souplesse la dynamique de ce que la réalisatrice tente avec ambition. Les musiques cools, tombent à chaque fois « à-propos » comme une playlist prédéfinie « à placer absolument », sans accord particulier avec le film. Les dialogues aussi, parfois cruches à souhait, dont l’idiotie volatile détonne avec l’intelligence de l’œuvre elle-même. La mise en scène, tapissée double-couche d’artifices visuels bling bling très criards même si pourtant, dans le lot, reste de brillantes idées notamment quand le stylisé entre en adéquation avec les thématiques défendues (les jeu de miroir vs la physique quantique). Et puis il y a certains pans de films. Une introduction à côté de la plaque, une toute fin peu inutile, si ce n’est de permettre au film d’étirer un peu sa trop courte durée pour atteindre un timide 1h21, mais gâchant le plaisir d’en rester sur une partie « britannique » magnifique de justesse.lisa-azuelos-une-rencontreUne Rencontre est de ces films « 50/50 » où le brillant côtoie le moins bon, à l’image de son casting, parfait exemple de cette instabilité. Une alchimie palpable, deux grands comédiens qui se régalent, une Sophie Marceau plus rayonnante que jamais, imprégnant le film de son charisme magnétique au point, ironie du sort, d’étouffer son partenaire Cluzet qui fait le job avec talent et aisance à défaut de s’imposer en véritable rival. Pas toujours bien conduit narrativement, parfois approximatif ou artificiel, mais avec du chien, une forme de prestance et de charme et surtout une véritable intelligence d’approche de son sujet laissant résonner des vérités subtilement touchées du doigt, Une Rencontre est une œuvre que l’on pourrait qualifier « d’intelligemment manquée » ou de brillamment bâclée. Magnifique, douce, attachante, singulière mais aussi parsemée de petits défauts lézardant, souvent issus de ses qualités dans un effet de rétro-excès de bonne volonté. Une Rencontre est plutôt bon, agréable, original, même s’il aurait pu être mieux.

Bande-annonce :

Par Nicolas Rieux

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