Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Timbuktu
Père : Abderrahmane Sissako
Date de naissance : 2015
Majorité : 21 avril 2015
Type : Sortie DVD/Blu-ray
Nationalité : France, Mauritanie
Taille : 1h54 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Ibrahim Ahmed dit Pino (Kidane), Toulou Kiki (Satina), Abel Jafri (Abdelkrim), Fatoumata Diawar (la chanteuse), Hichem Yacoub (le djihadiste)…
Signes particuliers : Acclamé à Cannes, consacré aux César, Timbuktu nous semble être le film le plus surcoté de l’année. On vous explique pourquoi.
UNE CONSÉCRATION MÉRITÉE ?
LA CRITIQUE
Résumé : Non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya et de Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il doit alors faire face aux nouvelles lois de ces occupants venus d’ailleurs…L’INTRO :
Adoubé par la presse, succès public, récompensé à Cannes, couvert de prix aux César, en lice aux Oscars et présenté dans de nombreux festivals, on peut dire que le Timbuktu d’Abderrahmane Sissako aura été l’un des grands temps forts de la saison ciné 2014/2015. Mais après les louanges et la sympathie, place aux critiques. Le film aura multiplié les polémiques à son encontre et quelques voix dissonantes ont commencé à se manifester une fois l’euphorie retombée. Sorties acides de jaloux médiocres ou attaques tardives justifiées ? Découvrir le film (qui illustre le quotidien d’un village contrôlé par des djihadistes imposant des lois aussi extrêmes que stupides) à retardement est finalement une bonne chose et permet de se reposer sur l’héritage de toute l’encre coulée pour faire la part des choses. Timbuktu est-il le chef d’œuvre que l’on nous a vendu ? Pas si sûr.L’AVIS :
Timbuktu apparaît à fortiori comme emblématique de cette mascarade qui veut que le milieu du cinéma aime à se donner bonne conscience en portant aux nues des œuvres engagées mettant en exergue des sujets d’actualité brûlants et difficiles, dans des contextes de production pas évidents. Au risque de porter en triomphe des films qualitativement inférieurs uniquement sur la base de l’idéologie et du message général qu’ils transmettent, qu’ils le fassent bien ou mal. Timbuktu semble être de ceux-là. Certes, Sissako a voulu faire un pamphlet humaniste contre l’obscurantisme religieux et l’inhumanité, certes sa démarche ne manquait pas d’intérêt, certes il parvient parfois à croquer avec pertinence certaines inepties du djihadisme et enfin, certes, son film s’appuie sur quelques constatations pleine d’à-propos. Mais voilà, Timbuktu a beau avoir des intentions nobles, il n’en demeure pas moins pour autant une fausse-réussite lardée de défauts qui lui font perdre toute sa superbe une fois l’admiration diffuse dans un recul lucide.D’abord, parce que le tableau peint par le cinéaste manque autant de sérieux que d’application. Sissako signe un film terriblement ennuyeux, narrativement confus, mélangeant autant de sous-intrigues qui se court-circuitent les unes les autres dans un capharnaüm proche de l’agencement de micro-saynètes jamais liées par une homogénéité d’écriture qui donnerait une unité à l’édifice cinématographique. Individuellement, chacune des histoires de Timbuktu aurait pu mener à quelque-chose de fondamentalement intéressant. Mais pour cela, encore eut-il fallu les intégrer dans un long-métrage qui se donne les moyens de ses ambitions en terme de densité. Et ce n’est pas le cas. Timbuktu ne sonne pas creux dans le fond, il sonne creux dans la forme, manquant de consistance pour épauler son message, faisant l’effet d’une bonne recette sans plat pour la contenir. Le cinéaste se révèle incapable de maintenir une quelconque tension dans ce huis clos à ciel ouvert et l’on a la fâcheuse impression de voir des comédiens sur une scène de théâtre, jouer chacun leur partition sans jamais se raccrocher à celles des autres. C’est bel et bien le liant qui fait défaut à Timbuktu. Le liant et surtout une réelle emprise dominante sur ce qu’il raconte, l’œuvre de Sissako affichant des carences cruelles en terme d’ampleur, de maîtrise, de dimension bouleversante et pire, d’acuité face à la complexité de son sujet.Car finalement, en dépit de tout ce qui a pu être dit, Timbuktu n’est certainement pas le reflet affuté, contestataire et puissant d’une réalité saisie avec justesse. C’est bien connu, il ne suffit pas d’avoir quelques idées adossées à un esprit de paraphrase, pour parvenir un grand film. Et là encore, Timbuktu déçoit. Une superficialité permanente, une sagesse poétique qui cache les trop nombreux manquements à la profondeur du discours, un manque de courage formel et narratif, un regard aseptisé à l’épaisseur très (trop) relative, loin de la barbarie réelle vécue par ces peuples sous le joug des bandes djihadistes, et de surcroît lardé de clichés en tout genre démontés en deux trois coups de cuillère à pot par n’importe quel spécialiste de la question africaine. Ce qui transpire en définitive de l’emballement médiatique autour du film, c’est que la méconnaissance générale d’un sujet amène les masses pensantes à prendre pour pur, fort et authentique ce que raconte la première œuvre venue faisant preuve d’un semblant d’intelligence factice. Un peu de recherche, un peu d’intérêt dépassant le simple voile qui dépasse, et Timbuktu s’effondre, pris au piège de ses carences en tout genre, discursives en particulier. La poésie intermittente, la belle photographie et certains brefs moments touchant du bout du doigt une certaine justesse résumée, ne suffisent pas. Un bon film ne peut se réduire à des intentions. Et Timbuktu en est l’illustration, d’autant qu’elles ne sont jamais développées, jamais soutenues, jamais prises à bras le corps. On n’entrera même pas dans la polémique extra-cinématographique d’un réalisateur se livrant à un portrait critique et moralisateur de ce qui se passe dans un pays voisin (tout aussi pertinent soit-il) au lieu d’avoir le courage de s’attaquer au sien, les arguments minant le terrain de marche de Timbuktu se suffisent déjà à eux-mêmes. Mais rappelons tout de même, que la Mauritanie est un régime en proie à la corruption, que l’esclavage y est encore présent, que Sissako est conseiller culturel du Président en place, et que sa démarche avec Timbuktu a soulevé certaines critiques politiques ou géopolitiques, qui ne méritent pas d’être occultées (voir l’article de Nicolas Beau sur le site mondafrique.fr).
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux