Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Duke of Burgundy
Père : Peter Strickland
Date de naissance : 2014
Majorité : 17 juin 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : Angleterre
Taille : 1h46 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Sidse Babett Knudsen (Cynthia), Chiara D’Anna (Evelyn), Monica Swinn (Lorna), Eugenia Caruso (Dr. Fraxini), Kata Bartsch (Dr. Lurida), Eszter Tompa (Dr. Viridana)…
Signes particuliers : L’iconoclaste cinéaste britannique Peter Strickland est de retour avec une plongée fascinante dans l’intimité d’un couple de femmes adeptes du fétichisme. Une oeuvre bassement érotique et voyeuriste ? Loin de là…
QUAND LA SEXUALITÉ S’EMMÊLE…
LA CRITIQUE
Résumé : Quelque part, en Europe, il n’y a pas si longtemps… Cynthia et Evelyn s’aiment. Jour après jour, le couple pratique le même rituel qui se termine par la punition d’Evelyn, mais Cynthia souhaiterait une relation plus conventionnelle. L’obsession d’Evelyn se transforme rapidement en une addiction qui mène leur relation à un point de rupture…L’INTRO :
Présenté en compétition officielle au dernier Paris Fantastic Film Festival (après un passage à Toronto et au London Film festival), The Duke of Bergundy est le troisième long-métrage du cinéaste Peter Strickland, derrière le modeste Katalin Varga et surtout Berberian Sound Studio avec Toby Jones. Après l’immersion d’un ingénieur du son dans l’univers du film d’exploitation horrifique italien, le britannique livre une fois de plus un film iconoclaste, sensoriel, d’inspiration seventies, sorte de drame psychologique érotisé tournant autour de la relation sadomasochiste entre un couple de femmes confrontées à leur point de rupture dans leurs petits jeux du quotidien mêlant désir, fantasme et torture émotionnelle.L’AVIS :
The Duke of Burgundy n’est pas un film facile à appréhender, bien au contraire. Plongée envoûtante dans les méandres de l’intimité d’une relation lesbienne fondée sur un rapport de dominant à dominée, le nouveau film de Peter Strickland est une œuvre magnétique, très esthétique, pudiquement sensuelle et baignée dans une atmosphère d’étrangeté macabre permanente qui aura pour effet de rebuter ou de fasciner par sa distance et son hermétisme frontal. Au-delà de sa splendeur formelle enivrante soutenue par la virtuosité d’un exercice de style proche du gothique et parsemé de symbolismes (avec notamment une subtile métaphore autour des insectes dont on n’a pas fini de sonder l’étendue de la toile), c’est surtout par son caractère hautement manipulateur que l’on en vient à être fasciné par cette œuvre jouant avec les positions de ses personnages et leur rôle dans la mécanique inter-rapports du microcosme de leur couple, avec en toile de fond, la question de savoir qui est le dominant et qui est le dominé dans cette singulière relation que l’on contemple à distance dans un étrange mélange de froideur austère et de chaleur érotique. The Duke of Burgundy opère comme un miroir teinté où rien n’est clair, évident ou prédéterminé, où tout peut basculer, à commencer par nos plus profondes convictions, s’appuyant sur une tension sourde pour observer la progression de cet amour où les deux parties aspirent à des envies et des désirs différents condamnant possiblement l’équilibre de leur union.Évoluant sans cesse dans une ambiance fiévreuse, troublante et onirique, le film de Peter Strickland appartient à cette catégorie d’œuvres quasi-expérimentales, soumises à la finesse, au raffinement et à l’élégance de leur abandon au sensitif insaisissable. On sent poindre les influences fortes qui étreignent le cinéaste britannique, de Joseph Losey à Pasolini, des grands drames psychologiques à la The Servant ou L’Obsédé de William Wyler en plus extrême et jusqu’au-boutiste, en passant par le giallo italien des années 70, le cinéma de Jess Franco voire de Fassbinder. Envoûtant, lancinant et surtout confondant, The Duke of Burgundy est une pépite brute et immersive, certes parfois un brin nombriliste, mais d’une application éblouissante, à laquelle on reprochera seulement son absence de visée ultime, le film tournant en définitive un peu à vide au-delà de sa beauté formelle et de la peinture des rituels fétichistes de cette relation en apparence établie mais dont l’équilibre symétrique tend à se renverser lorsque les aspirations personnelles fissurent l’édifice intime. Car en dévoilant peut-être trop vite ses enjeux, ce portrait tour à tour glaçant et charnel se retrouve confronté à son absence d’intrigue forte nous menant ailleurs que vers une destination que l’on a déjà atteinte en cours de route. Comme si l’on était face à une éternelle exposition sans second souffle venant nourrir de façon substantielle l’évolution dramatique en présence. Parfois frustrant sur le fond, reste le saisissement de chaque instant devant la forme qui témoigne de la richesse artistique d’un auteur singulier et hypnotisant.
BANDE-ANNONCE VO :
Par Nicolas Rieux