[Note des spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : Suspiria
Père : Luca Guadagnino
Date de naissance : 2018
Majorité : 14 novembre 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h32 / Poids : NC
Genre : Horreur
Livret de famille : Dakota Johnson, Tilda Swinton, Mia Goth, Chloe Grace Moretz…
Signes particuliers : Une relecture très différente de l’original… très pompeuse aussi.
UN « REMAKE » AUX ANTIPODES DE L’ORIGINAL
LA CRITIQUE DE SUSPIRIA
Synopsis : Susie Bannion, jeune danseuse américaine, débarque à Berlin dans l’espoir d’intégrer la célèbre compagnie de danse Helena Markos. Madame Blanc, sa chorégraphe, impressionnée par son talent, promeut Susie danseuse étoile. Tandis que les répétitions du ballet final s’intensifient, les deux femmes deviennent de plus en plus proches. C’est alors que Susie commence à faire de terrifiantes découvertes sur la compagnie et celles qui la dirigent… À l’annonce de l’improbable projet d’un remake de Suspiria, fans de genre et cinéphiles en général se sont dressés vent debout contre une idée sacrément incongrue. Comment concevoir un remake d’un film aussi unique, particulier et marqué par son époque que le chef-d’œuvre de Dario Argento ? Heureusement, confié aux bons soins du talentueux Luca Gudagnino (Call me By your Name), cette revisite de Suspiria n’a rien à voir avec un quelconque remake, chose qui rassurera probablement pas mal d’amoureux de cinéma. D’autant plus que lors de son passage au festival de Venise, le film a su faire parler de lui, avec quelques critiques élogieuses. Pour faire simple, ce serait même une faute professionnelle que de parler de « remake » tant Luca Guadagnino propose vraiment autre chose, une nouvelle œuvre totalement détachée du film d’Argento. Il l’avait déjà fait avec sa version du classique La Piscine mais cette fois-ci, le metteur transalpin va encore plus loin. Clairement, le Suspiria d’Argento et celui-ci ont autant de rapport entre eux que n’en ont les Scarface de Hawks et de Palma. Reste que si Luca Guadagnino a fait le bon choix d’oublier le film culte du maître Argento et de n’en garder que l’univers de fond, cela ne veut pas dire qu’isolément, son Suspiria est un bon film.Indéfinissable, c’est sans doute le mot qui collera le mieux à ce Suspiria 2018, avec également les termes déroutant et hallucinatoire. Plus qu’un film classique au déroulé bienveillant et narratif, Luca Guadagnino signe une sorte de cathédrale cinématographique dans laquelle on se perd pendant plus de 2h30, entre fascination, étonnement… et ennui malheureusement. C’est tout le problème de ce nouveau Suspiria, œuvre si ambitieuse et si singulière que l’on peine à saisir exactement ce qu’elle cherche à orchestrer. Mille feuilles qui à sa propre cohérence interne, cachée derrière une œuvre très intellectualisée, dénuée de plaisir horrifique et plus proche du film d’auteur cérébral et pointu destiné à un public assez averti. Et de fait, beaucoup resteront sur le carreau, à commencer par les fans de l’original qui espéraient en retrouver au moins quelque chose à défaut d’un copier-coller débilitant.Dans le détail, Suspiria est une œuvre mal-aimable dans l’aspect et malaisante dans l’esprit, qui convoque énormément de choses dans son sous-texte au point que ses multiples visages peinent à lui en donner un auquel s’accrocher. Comment définir le film au fond ? On ne sait jamais trop. Il y est bien question d’école de danse régie par des sorcières, mais aussi d’art sacrificiel, du contexte politico-social de l’Allemagne déchirée des années 70, des rescapés de l’Holocauste, de deuil, d’enfance traumatisée… Et Suspiria d’être un film d’épouvante, une plongée psychologique gore, une œuvre expérimentale déstabilisante, un objet arty-chic, un film historique… Mais surtout, Suspiria est une entreprise clivante, un film difficilement abordable, certainement pas fun ni terrifiant pour qui cherchait cela, plus proche de l’expérience cérébrale solennelle et viscérale, proposée par un cinéaste qui se rêve en nouveau Stanley Kubrick (on pense parfois à la densité de son incontournable Shining).Et autant le film est un OFNI surprenant et inattendu, autant dire si l’on a aimé ou pas relève du compliqué tant des sentiments très divers se mélangent dans un effort à la bizarrerie aussi fabuleuse qu’exténuante et hermétique. Suspiria est fascinant car excessivement beau, complexe et vertigineux, en plus d’être porté par de formidables comédiens dont une Dakota Johnson qui se donne corps et âme au projet. Mais il est aussi rebutant car insaisissable, abscons, énigmatique, presque indigeste d’intelligence dans sa proposition artistique. On en viendrait presque à repenser au Mother d’Aronofsky pour ce visage radical à rebrousse-poil de tout esprit grand public. Clairement, on ne voulait pas d’un simple remake de Suspiria, pas plus qu’une revisite modernisée selon les codes faciles de l’horreur moderne. Guadagnino ne fait ni l’un ni l’autre. C’est bien mais voulait-on cela dit d’un tel édifice conceptuel et jusqu’au-boutiste, proche de l’esprit des programmes nocturnes d’Arte ? Pas sûr non plus.
BANDE-ANNONCE :
Par David Huxley