Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Jeune & Jolie
Père : François Ozon
Livret de famille : Marine Vacth (Isabelle), Géraldine Pailhas (Sylvie), Frédéric Pierrot (Patrick), Fantin Ravat (Victor), Johan Leysen (Georges), Charlotte Rampling (Alice), Nathalie Richard (Véronique), Djédjé Apali (Peter), Carole Frank (la policière)…
Date de naissance : 2013
Majorité au : 21 août 2013 (en salles)
Nationalité : France
Taille : 1h34
Poids : Budget NC
Signes particuliers (+) : Un beau regard cruel et poétique porté sur l’adolescence inconsciente à la dérive, drame multipliant les paradoxes narratifs et formels alors que la nouvelle étoile montante du cinéma français Marine Vacth illumine l’écran de sa beauté candide et terrifiante. Ozon caresse son sujet sans jugement porté, dans un mélange de fascination troublante et de magnificence délicate.
Signes particuliers (-) : La thématique forte se suffisant presque à elle-même pour élever le film, Ozon la transcende t-elle réellement avec audace ?
L’ÉVEIL DE L’ADOLESCENCE
Résumé : En vacances à la mer avec ses parents, Isabelle découvre la sexualité. De retour à Paris, elle se laisse haper au jeu de la prostitution volontaire…
Récent compétiteur dans la dernière sélection cannoise du festival azuréen où il a d’ailleurs fait grand bruit, Jeune & Jolie est le dernier film du productif François Ozon, qui ne s’arrête plus de tourner puisque sa libre adaptation fantastique de Juan Mayorga Dans la Maison avec Fabrice Luchini, est sortie il y a à peine une dizaine de mois. Un projet sensible abordant un sujet délicat avec la prostitution adolescente chez les jeunes filles de famille bourgeoise, triste phénomène en pleine expansion motivé par le mélange entre l’appât de l’argent facile, le goût excitant du risque et l’attirance pour une sexualité débridée explorant les limites de l’expérimentation. Mais Jeune & Jolie n’aura pas seulement fait parler de lui pour son sujet attirant, il aura surtout propulsé sur le devant de la scène une jeune comédienne talentueuse de seulement 22 ans aperçue du côté de chez Klapisch (dans Ma Part du Gâteau), la belle et bluffante étoile Marine Vacth qui a un radieux je-ne-sais-quoi dans le regard qui nous rappelle une certaine Laetitia Casta au même âge.
Après plusieurs films sur la question, François Ozon a eu une subite envie de revenir à la thématique de l’adolescence d’aujourd’hui et c’est ce désir conjugué à la volonté de raconter une histoire féminine qui a motivé l’écriture de Jeune & Jolie, drame sensible étalé sur les quatre saisons d’une année, chacune étant illustrée par une chanson de Françoise Hardy, interprète que vénère le cinéaste. Ozon brosse le portrait de la douce Isabelle, adolescente instantanément attachante qui découvre la sexualité par un chaud été à la mer avant de se plonger dans une spirale passionnelle pour la prostitution volontaire rapportant gros. L’ampleur du défi du metteur en scène quant à la façon de traiter son histoire était proportionnel aux risques encourus avec un drame dressé sur un fragile équilibre qui pouvait vite basculer dans l’œuvre gênante et voyeuriste. Mais Ozon a jusqu’ici toujours su trouver le bon ton par des œuvres poétiques et délicates magnifiées par la maturité de son cinéma.
Une fois n’est pas coutume, François Ozon a su s’en tirer avec un film à fleur de peau qui convoque l’essentiel des qualités qui forgent son cinéma. Sa mise en scène tendre et délicate effleure avec une forme de grâce artistique son personnage qu’il filme avec un amour débordant et pudique qui transpire à l’écran, bien aidé dans sa tâche il faut l’avouer, par le talent de l’envoûtante Marine Vacth qui illumine les recoins de chaque cadrage par sa beauté fragile, simple et naturelle. Sur le fond, Jeune & Jolie est une belle histoire lumineuse, pourtant d’apparence cruelle et mélancolique, nourrie aux désillusions d’une l’adolescence perdue et aux repères perturbés par la société moderne. Il aurait été si facile de tomber dans le piège de la perversité, du pathologiquement glauque et obscène ou du vulgairement complaisant et ostentatoire, mais Ozon est de ces quelques auteurs à qui l’on peut reprocher certaines choses mais pas celles là. Avec distance chaste et proximité érotisante à la fois, avec poésie langoureuse et charmeuse et troublante attirance fascinée, il joue avec nos sens, plaçant le spectateur autant dans une position dérangeante et terrifiée que sensuelle et hypnotique. Jeune & Jolie devient alors un film de tous les paradoxes, proche de la mise en abîme d’un poème de Rimbaud à l’image de celui récité par quelques lycéens en milieu du film.
La maîtrise évidente dont il fait preuve dans son découpage minutieux et l’utilisation virtuose de sa caméra qui filme avec beaucoup de finesse et de discrétion, ne sera de nature qu’à souligner l’intelligence d’un scénario qui s’offusque de tout jugement, qui se refuse aux bas clichés usités et aux raccourcis faciles, privilégiant un incessant mélange des parfums entre la dureté et la douceur, la critique sociale et le regard compréhensif. Sans esprit de provocation minable ou de culture du mauvais goût, Ozon caresse le portrait d’une banale adolescente qui s’aventure dans un chemin singulier avec une forme de mystère planant quant aux réelles motivations du personnage, faisant écho au fait qu’elle même ne s’explique pas forcément cette dérive qui n’en est pas une. Mais c’est peut-être là son tour de force comme ses limites. Exercice beau mais vain, profond sans l’être ? On reste sur un sentiment d’inachevé, d’incomplétude frustrante qui a n’en pas douter, aura de quoi alimenter les plus passionnelles discussions cinéphiliques. Finalement, Jeune & Jolie a un petit quelque-chose de consensuel dans le fait d’être armé d’un sujet si fort et monopolisateur, qu’il prend le pas sur l’œuvre toute entière, se suffisamment presque à lui-même pour la hisser aux sommets sans requérir plus que nécessaire, ni audace ni génie, et encore moins sublimation. Et Ozon de se laisser parfois aller à se reposer sur cette facilité symptomatique des films aux thématiques si fortes qu’elles n’exigent finalement pas grand-chose pour de toute façon frapper leur cible en plein cœur. Certains appelleront ça du grand art épuré, d’autres de la facilité mal placée où la thématique empruntée fait tout le travail en dépit de ce qui l’entoure. Jeune & Jolie entretient ce doute longtemps après la séance, alors que le manque d’émotion de son récit est difficilement démêlable de la fascination qu’il laisse derrière lui et que le lointain souvenir de quelques scènes étranges sonnant un peu fausses est associé à l’impact d’une oeuvre de toute manière déroutante.
Bande-annonce :