MON LEGIONNAIRE de Rachel Lang : la critique du film

Elle-même Lieutenant réserviste dans l’armée, Rachel Lang aborde un sujet qui lui est très cher avec Mon Légionnaire, son second long-métrage après le magnifique Baden Baden. La réalisatrice plonge son regard de femme dans un milieu très masculin, la nébuleuse Légion Etrangère. Mais au-delà, c’est l’univers de l’armée en général qui intéresse Lang, un monde composé de fractures et de fêlures où l’intime s’entrechoque avec le général et l’extérieur. La principale fracture qui intéresse la metteur en scène, c’est le rapport entre le devoir et la famille, où comment les épouses et les enfants vivent quand les maris et les papas partent en mission. Les absences, les retrouvailles éphémères, le quotidien seul(e), la vie qui suit son cours, l’angoisse de la mauvaise nouvelle, l’exclusion d’un monde recroquevillé sur lui-même. Ces sujets ont récemment été abordés dans le piètre « feel good movie » Singing Club de Peter Cattanao où des épouses de militaires montaient une chorale. Mais Lang n’est pas là pour le spectacle réconfortant ou le divertissement enjoué. Ce qui l’intéresse, c’est de dresser un portrait plus clinique, plus authentique, un vrai regard fort et dépouillé d’artifices sur une réalité.

Cette réalité est très spécifique, et il est difficile d’y trouver une universalité. Le sujet n’est pas sexy, pas porteur ou vendeur, qui cela va intéresser ? La question peut paraître légitime mais la réponse est simple : les amateurs de bons films tout simplement. Car Mon Légionnaire a beau parler d’une thématique qui ne touchera pas forcément très personnellement le spectateur, Rachel Lang parvient à lui faire raconter quelque chose de fort en ouvrant une fenêtre passionnante sur le sujet qu’elle illustre. A travers son film, elle montre comment l’extrême particularité de ce corps de métier éraflent des couples qui doivent conjuguer et lutter pour sauver un semblant de couple, de normalité déformée, de vie. Et l’on s’y retrouverait presque dans ce combat pour sauver l’amour dans un couple malmené, que ce soit pour des raisons militaires ou autres.

Porté par des comédiens exceptionnels, d’un Louis Garrel formidable en gradé à une Camille Cottin subtilement en retrait en passant par la bluffante Ina Marija Bartaité dont la touchante fragilité laisse un parfum de tristesse (la jeune comédienne dont le talent irradie l’écran est décédée au lendemain du tournage d’un accident de voiture à seulement 25 ans), Mon Légionnaire est un coup de cœur. Une œuvre épurée plus proche du regard documentaire que de la fiction artificielle, une œuvre d’une grande justesse et subtilité d’écriture, une œuvre qui n’en fait jamais trop. C’est peut-être sa seule infime limite. A rester si humble et observatrice, elle manque parfois d’un semblant de cinéma avec un grand C. Mais au fond, cette discrétion et distance lui vont bien et lui offrent plus de pertinence sans qu’elle se fasse au détriment d’une émotion remarquablement captée.