A l’occasion de son passage au festival de Deauville, nous avons pu rencontrer la délicieuse comédienne Lorenza Izzo, star de Green Inferno et de Knock Knock, deux films réalisés par son mari à la ville, le cinéaste Eli Roth. Premier entretien, à propos de Knock Knock, qui sort au cinéma le 23 septembre prochain. Notre critique du film.
L’histoire : L’histoire : Un soir d’orage, Evan, un architecte, marié et bon père de famille resté seul pour le weekend, ouvre sa porte à 2 superbes jeunes femmes mal intentionnées…
A propos de Knock Knock, découvrez également notre interview d’Eli Roth ici.
Vous êtes à l’affiche de deux films coup sur coup, réalisé par votre mari Eli Roth. Dans Green Inferno, vous jouez la victime d’une tribu cannibale et dans Knock Knock, vous êtes le bourreau d’un homme. Comment s’est passée la transition d’un rôle à l’autre ?
Lorenza Izzo : Oh, c’était génial. Un coup, je joue la victime, un coup, je suis une tueuse. Enfin, pas vraiment une tueuse, plutôt une perverse manipulatrice qui joue avec cet homme. Pour moi, c’était intéressant d’avoir ces deux films qui sortent quasiment en même temps, avec deux personnages aussi différents. Justine [son personnage dans Green Inferno – ndlr] avait un arc narratif intéressant à jouer car elle commence en étant très naïve, avec des rêves de changer le monde et plein de bonnes intentions, mais clairement, elle ne sait pas dans quoi elle met les pieds. C’est un arc intéressant à regarder aussi, car il représente une évolution avec l’expérience et en même temps, il représente bien la génération d’aujourd’hui, dont je fais partie, addict aux smartphone, aux selfies sur Instagram, aux nouvelles technologies etc… C’est une illustration pertinente de la vie sociale actuelle avec les réseaux sociaux et tout. Et je pense qu’au final, Justine apprend beaucoup et devient une sorte de guerrière, plus qu’une femme. Finalement, au-delà du film gore et fun, c’est un commentaire social intéressant sur notre temps. Et j’aime ce genre de film qui font vrai, tourné réellement dans la jungle et tout. J’ai fait des recherches sur mon personnage, j’avais vécu en Colombie, quand j’étais étudiante et je suis aussi allée dans une Université new-yorkaise. J’y avais vraiment rencontré des gens comme ceux dans le film. Genisis dans Knock Knock, c’est un univers totalement différent. C’est pas facile pour une femme, d’avoir affaire à une histoire comme ça, avec de la brutalité et de la torture. Mais c’était très chouette de jouer une psychopathe manipulatrice, de changer complètement de personnalité en l’espace de quelques secondes, de jouer avec le langage corporel et tout le reste. C’était un vrai challenge. Et c’était une super opportunité de travailler avec le même réalisateur, qui en plus me connaît très bien (Eli Roth est son mari – ndlr] et qui peut me pousser dans mes limites comme personne d’autre.
Dans Knock Knock, Genisis est une femme qui vient séduire un père de famille (Keanu Reeves) avec l’intention de le détruire dans son propre foyer. Qu’est-ce qui était vraiment intéressant dans ce rôle ?
Lorenza Izzo : J’ai approché ce personnage avec beaucoup de respect parce que vous devez essayer de la comprendre. En tant que spectateur, habituellement, quand vous regardez ce genre de personnages, vous avez besoin d’une raison pour expliquer ses actions. Ça ne peut pas être pour rien, elle doit en avoir une. Et c’est pour ça que j’aime ce film. Le film n’excuse pas les personnages, mais il ne vous dit rien de leur passé. Elles sont peut-être folles, elles ont peut-être des troubles mentaux, elles sont peut-être normales et excellentes actrices, vous ne savez rien d’elles, et c’est ça qui est génial dans l’histoire de Knock Knock, et qui fait toute son originalité, selon moi. Les films d’aujourd’hui, surtout les films à gros budget, sont très simplistes. Il y a un personnage, c’est le héros, il sauve le monde. Knock Knock assume le fait d’être fait pour un public moins large. Et pour moi, le challenge avec Genisis, était d’en faire une femme vraie, une vraie post-ado d’une vingtaine d’années, qui peut changer de personnalité constamment, qui va aller chercher ce dont elle a besoin dans cette situation. Et le plus gros challenge, était d’aller lui inventer une histoire. C’est ce qu’on a fait avec ma partenaire, l’actrice cubaine Ana de Armas, avec qui j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler. On s’est rencontrée toutes les deux en amont, pour essayer de déterminer quelles étaient les histoires de nos personnages. Ce n’était pas écrit dans le script. On a décidé, en accord avec Eli Roth bien sûr, de se dire qu’elles étaient deux filles fortement perturbées, qu’elles étaient l’une pour l’autre, leur seule famille, et qu’elles avaient sûrement traversé bien des galères, incluant sans doute de mauvais traitements. Elles ne font pas ça à cet homme juste pour le détruire. Je pense qu’il y a deux choses. D’abord, c’est comme une thérapie pour elles. Certains se réfugient dans la drogue, l’alcool ou autre, pour gérer leurs problèmes. Pour elles, c’est leur moyen. Et ensuite, il y a aussi un côté « croisade féminine ». Elles ont cette illusion de donner une leçon aux hommes. Ils pensent qu’ils ont le contrôle mais en fait, pas du tout. J’adore beaucoup de choses dans ce film. Qui est coupable ? Elles ? Lui ? Sa femme ? C’est formidable à jouer. Et puis bon, c’était très fun de détruire Keanu comme ça !
Finalement, on peut dire qu’Eli Roth aura été une école parfaite pour vous, pour votre progression en tant qu’actrice. Il vous aura fait jouer le Bien, puis le Mal…
Lorenza Izzo : Je lui suis tellement reconnaissante. Je n’en reviens pas de l’opportunité qu’il m’a donné, en si peu de temps, de faire deux films avec des rôles si différents. D’un côté, il y avait Justine dans Green Inferno, qui est une vierge… comme moi… Non, je déconne ! Et après, Genisis, qui est une psychopathe. J’ai des gens qui sont venus me voir en me disant qu’ils avaient peur de moi maintenant, et qu’ils ne m’aimaient pas ! Pourtant, je suis si gentille !! (on confirme à 200% – ndlr) Je suis pas comme ça, regardez Green Inferno ! (rires) Franchement, je me sens tellement chanceuse. Vous savez, je viens du Chili, ma première langue est l’espagnol. Je suis arrivé à Los Angeles avec des rêves énormes et ils sont devenus réalité… Je me pince encore pour réaliser ! J’adore Eli, j’adore bosser avec lui, c’est un maître pour raconter des histoires, il a beaucoup d’humour et une vision comme peu de réalisateurs. En plus, il laisse de la marge pour improviser. C’était génial. Et c’était la même équipe sur Knock Knock, que sur Green Inferno. D’ailleurs, la photo sur Knock Knock est superbe, au passage. C’était beaucoup de chiliens et j’ai bien aimé de bosser avec des gens talentueux venus du Chili. J’avais l’impression de travailler en famille. Ça va me faire bizarre sur mes prochains projets. En tout cas, j’espère que ces deux films vont pouvoir montrer aux gens que je peux être capable de faire plein de choses différentes. C’est tellement facile d’être catégorisée aujourd’hui, en tant que scream queen. J’aime le titre mais de toute manière, je ne pense pas que Knock Knock puisse être catalogué comme un « film d’horreur ».Il y a une scène de sexe à trois, ce qui est assez inhabituel au cinéma.
Lorenza Izzo : Franchement, cette scène n’est pas méga-sexy ? J’étais tellement nerveuse. Mais il y avait des doublures !
Ces séquences n’ont pas été difficiles à tourner ?
Lorenza Izzo : Vous voulez dire avec mon petit-ami derrière la caméra ? (rires) Je vais vous raconter un truc. Je n’avais jamais joué de scène sexy au cinéma. Et la première que j’ai eu à faire, c’était mon petit-ami qui la filmait ! La vieille, j’ai paniqué. Je tremblais et tout. Et Keanu Reeves, qui est un grand professionnel, a éclaté de rire. Il ne comprenait pas pourquoi j’étais si nerveuse. Et je lui disais « Mais tu te rends pas compte, c’est mon copain qui réalise bon sang !! Je dois jouer une scène de sexe avec un mec et une femme en même temps et c’est mon mec derrière la caméra ! En quoi cette situation est normale ??! » Eli est arrivé en me disant que c’était mon personnage etc… Je lui ai sorti de pas venir me sortir ce genre de conneries maintenant, que personnage ou pas, à la fin de la journée, c’était toujours moi ! C’était super-bizarre. Keanu Reeves et Ana de Armas étaient de vrais pros, ils avaient déjà fait ça par le passé. Heureusement, Ana m’a mis à l’aise. Hop, elle s’est foutu topless, allez, on s’en fout ! J’étais là « Bon, ok… » Ça m’a libéré tout de suite. Mais c’était quand même bizarre. « Allez, bouge ta tête, plus à droite, remonte, allez… » Et on simulait une bonne grosse partie de jambes en l’air… C’était bizarre mais drôle. Et puis Eli a trouvé des doublures vraiment épatantes. Les trucs vraiment très sexuels, ce n’est pas nous, ce sont des doublures. Le haut, ça allait, le bas, non, faut pas exagérer ! (rires)
Eli Roth est un excellent réalisateur, mais c’est aussi un excellent acteur. Du coup, vous seriez tentée pour inverser, vous réaliseriez un film, et il ferait l’acteur ?
Lorenza Izzo : J’adore cette question ! Avec Eli, on s’est rencontré sur un film qu’il produisait, Aftershock, et il était aussi acteur dedans. Donc techniquement, la première fois qu’on s’est rencontrés, c’était en tant qu’acteurs tous les deux. Ensuite, on a fait un truc pour la télé où je jouais et il réalisait (un épisode de la série Hemlock Grove – ndlr), puis il a fait Green Inferno et Knock Knock. Donc en fait, on a beaucoup travaillé ensemble. C’est un cinéaste brillant. Mais j’avoue, j’aimerai bien le diriger un jour dans un truc que je réaliserais. Bon, j’ai besoin d’apprendre et de m’entraîner pour ça. J’aime bien écrire, je le fais d’ailleurs sur mon temps lire. J’aimerai écrire pour la télé, je suis une fana de télé, HBO, Netflix etc… Mais j’aimerai bien réaliser quelque-chose avec lui en tant qu’acteur, juste pour être son boss une fois ! (rires) Il y a quelque-chose d’amusant dans Knock Knock. Eli Roth est votre mari et le film parle quand même d’un père de famille qui trompe sa femme. Comme si le message final était « Il ne faut pas déconner avec le mariage ! »
Lorenza Izzo : C’est une des choses que j’aime sur ce film. Il y a plusieurs messages dedans, au final. On peut y voir celui-là, on peut aussi y voir l’idée que ces deux jeunes filles n’existent pas, et que toute la destruction de la maison se passe dans la tête du personnage de Keanu, qui est en train de devenir fou car il ne supporte plus sa vie. Il peut y avoir plein d’interprétations au film. Avec Eli, on a une relation géniale car on s’est rencontrés en travaillant. Mais quand on arrive sur un plateau, les choses sont claires, c’est le réalisateur et je suis l’actrice. C’est compliqué de travailler toute la journée avec votre petit-ami, femme ou mari, et on a besoin de cette relation claire. En tout cas, c’est un super metteur en scène, je l’admire beaucoup et j’apprends énormément avec lui. Mais ça se passe bien aussi car le résultat est là. On travaille toute la journée et la seule chose qui compte, c’est le résultat à l’écran, une fois la journée terminée. Pour nous, Knock Knock aura été un projet génial mais là, on va se séparer un peu professionnellement. Il va aller faire Meg, son gros film avec des requins, et je vais aller me tourner plus vers des comédies.
Les deux filles du film, notamment votre personnage Genisis, utilisent beaucoup les réseaux sociaux pour « torturer » le personnage de Keanu Reeves. Pensez-vous que les réseaux sociaux comme Twitter, Instagram ou Facebook, ont un tel pouvoir de destruction ?
Lorenza Izzo : Oh oui ! Vous vous rappelez de cette histoire récente, avec les photos de ces actrices qui ont fuité sur internet ? La société… Merde, j’ai oublié ce que j’allais dire. Bref, honnêtement, je ne pensais pas que Jennifer Lawrence arriverait à retrouver du travail après ça. Aujourd’hui, avec internet, il y a tellement de ragots, tellement d’intrusion dans la vie privée… C’est devenu le terrain d’un grand déballage. Des réputations peuvent être détruire. Mais dans le même temps, les gens oublient tout au bout d’une semaine. Mais dans le cas de Evan (Keanu Reeves), sa mise à mort sociale est différente. C’est une sorte de viol. Le message est là aussi, d’une certaine manière. Aujourd’hui, avec tout ce qu’il se passe, il faut des limites. C’est un commentaire social intéressant. Les réseaux sociaux ont besoin de limites et ils n’en ont pas. C’est terrifiant de se dire ça. Où sont les limites, où est la vraie vie, dans les réseaux sociaux ou en dehors… Finalement, Genisis et Bel viennent aussi détruire Evan dans leur monde à elles. C’est un conflit de générations.
Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ?
Lorenza Izzo : Je veux faire plein de choses et j’ai plein de rêves ! C’est pour ça que j’espère que les gens pourront voir mon travail, maintenant. Ce qui est bien avec le cinéma indépendant, c’est que vous pouvez caster n’importe qui. Ana et moi, on a eu la chance de travailler avec Keanu Reeves sur Knock Knock et ça va donner de la notoriété au film et permettre que les gens me découvrent un peu. Pour la suite, j’ose pas trop en parler car je suis très superstitieuse. Tant que c’est pas signé, ça n’existe pas… Là, j’ai une comédie romantique pour Netflix qui arrive. Ça s’appelle Sex Ed. J’adore les comédies. C’est un genre pas facile mais je m’y amuse beaucoup. J’aimerai sortir un peu de l’horreur. J’aime aussi les thrillers et les films d’action. J’adorerai être James Bond. Mais je ne veux pas être une James Bond girl, je veux être James Bond ! (rires) Je veux botter des culs et tout. Mais ça va être compliqué. L’industrie du cinéma est devenue difficile, de nos jours. Les gens sont flippés car ils ne savent pas comment les choses vont tourner et ils n’osent plus. Alors ils font ces énormes films de super-héros. Vous qui êtes journalistes, vous devez sûrement voir les mêmes histoires encore et encore. C’est une période charnière et en même temps, assez intéressante. Parce qu’on voit quand même des choses nouvelles qui arrivent, surtout via la télévision.
Pour finir, vous avez dit que vous aimiez les comédies, mais aimez-vous les films d’horreur ? Parce qu’après Aftershock, Green Inferno, The Stranger, Knock Knock…
Lorenza Izzo : Je n’aime pas ça du tout ! Je ne peux pas regarder de films d’horreur. J’ai peur de tout. Vous ne pouvez pas me laisser seule dans le noir, je hurle. Je hurle même devant une araignée ! Et le pire, ce sont les films d’horreur « religieux » avec des prêtres, des croix, des démons et des possessions. Green Inferno, ça va, car c’est assez fun. En tout cas, non, je déteste les films d’horreur ! Mais Knock Knock est plus un thriller psychologique, lui.
Merci à Lorenza Izzo, à Bossa Nova et Michel Burstein, à Okarina et Claire Chevalier, à l’organisation du festival de Deauville, et aux autres intervenants de cette table ronde.