Nom : Le Grand Tout
Père : Nicolas Bazz
Date de naissance : 2014
Majorité : 16 septembre 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h10 / Poids : NC
Genre : SF
Livret de famille : Jauris Casanova (Niels), Hélène Seuzaret (Ariane), Benjamin Boyer (Sam), Laure Gouget (Lucie), Pierre-Alain de Garrigues (Harry).
Signes particuliers : Dans un premier temps en exclusivité au Saint-André des Arts à Paris, avant (on le lui souhaite) une meilleure exposition.
L’UNIVERS ET NOUS
LA CRITIQUE
Résumé : La mission ‘Glaz TN1’ et ses 5 membres d’équipage, partent à 50 années lumières de la terre, observer l’un des piliers de l’univers : un trou noir. Un accident les propulse à 10 000 années lumière, à 20 000 ans de leurs vies, de leurs cultures. Ils tentent de se reconstruire, en explorant un Univers beau, riche de couleurs, d’endroits improbables… et peut-être, de sens.L’INTRO :
Le Grand Tout, où la plus grande aventure du cinéma français depuis longtemps ? Lire la note d’intention du projet cosignée de la main de son auteur, Nicolas Bazz, n’est pas sans résonner dans les têtes, d’avec l’état de l’industrie du septième art dans l’hexagone. Non sans humour (le dossier de presse ne se prend tellement pas au sérieux, que l’on se délecte de sa lecture), le réalisateur y explique s’être inspiré des Christophe Colomb, des Magellan, des Neil Armstrong, ces aventuriers qui ont risqué leur vie pour le « plaisir terrifiant de la découverte« . Ils ont voulu voir ce que personne n’avait jamais vu, faire ce que personne n’avait jamais fait, explique Nicolas Bazz, avant que ce goût de l’exploration s’atténue car l’homme avait fini d’explorer les recoins de la Terre et commençait à connaître un peu son système solaire et ses tréfonds. Comme ces aventuriers des temps anciens, Nicolas Bazz a voulu explorer quelque-chose de nouveau, faire un film de science-fiction 100% français, sans gros moyens, mais avec beaucoup d’envie et d’énergie, avec des ambitions folles et une maîtrise de son sujet sidérante. Et l’on pense à ce cher cinéma français actuel, qui lui aussi a exploré plein de choses, et qui aujourd’hui a perdu le goût de l’aventure. Un cinéma français souvent trop plan-plan pour exciter le cinéphile, un cinéma français qui se contente de faire des comédies populaires régressives, qui se contente de faire des drames d’auteur prétentieux ou des polars qui se ressemblent tous. Et voilà qu’un doux illuminé décide de tenter quelque-chose, de tenter l’impossible, de partir à l’aventure. Sans doute avec maladresse, sans doute à contresens du « bon sens » justement. Mais au moins, il tente. Et rien que pour ça, on a envie de parler et de défendre Le Grand Tout, au-delà de ses défauts, au-delà de ses erreurs, au-delà de ses yeux plus gros que le ventre !L’AVIS :
Présent à tous les postes de la production, Nicolas Bazz le dit bien, avec Le Grand Tout, il y a laissé sa santé, sa vie sociale, ses économies. Mais quatre ans plus tard, c’est non sans fierté qu’il présente son travail, armé contre les critiques qui pourraient pleuvoir sur son bébé. Le résultat ? Une tentative de SF à la française aussi déconcertante qu’intéressante. Plus précisément, une tentative de « Hard Sci-Fi », à savoir qu’il ne s’agit pas de faire dans la fantaisie science-fictionnelle (façon Star Wars) mais de déployer une aventure spatiale basée sur d’authentiques fondations ancrées dans le réel crédible, de faire de la fiction basée sur la science (l’origine même du concept de « science-fiction ») et non l’inverse. La nuance peut paraître poussive, mais elle existe, et ce n’est pas pour rien.Si l’on devait (très vaguement) situer Le Grand Tout dans la constellation du genre, disons que l’effort de Nicolas Bazz lorgnerait plus vers Tarkovski et Nolan, que du côté de Michael Bay et ses Armagueddon-eries. N’allez pas y chercher un gros divertissement bodybuildé qui carburerait aux effets digitaux baignant dans les dollars, n’allez pas y chercher de l’action mégalo-spectaculaire ou un space opera haletant aux nombreuses péripéties de pacotille. A la limite, on pourrait lointainement évoquer le récent Interstellar (qui a été tourné après, précisons-le), pour la résonance métaphysique et l’exactitude scientifique de l’œuvre proposée qui, malgré quelques micro-inventions fictives, s’inspire grandement de faits avérés ou de technologies réellement développées par les pontes de la science ou de l’aéronautique spatiale moderne. Le Grand Rien, cette zone vide au milieu de l’espace, l’alignement des trous noirs et leur matérialisation (en réalité aux antipodes du terme « trou noir »), un arbre à tout produisant différents fruits en même temps, des planètes vivables pour l’homme, la dilatation temporelle, les véritables couleurs de l’univers, la conception du vaisseau… Autant d’exemples mis en avant par le film, et qui ne relèvent pas tant que ça, de la folle imagination fictionnelle. Oui, Le Grand Tout est réaliste. On pourrait croire le contraire et hurler à la kitscherie cheap et pourtant. Visuellement, il fait avec les moyens du bord, et ils sont infimes, mais dans l’absolu de ses nombreuses idées, Le Grand Tout est bel et bien très réaliste, s’appuyant sur des recherches poussées pour déconstruire des années d’idées reçues, imposées par la SF fantaisiste. Et visuellement, c’est du côté de l’épure tarkovskienne ou kubrickienne, que lorgne le travail de Nicolas Bazz, malgré une certaine volonté de gigantisme, à son modeste niveau.Pour accepter Le Grand Tout, il faudra seulement faire un pas vers lui, et prendre en considération le fait, que le film de Nicolas Bazz ne cherche pas l’exactitude visuelle permanente de son univers extérieur (quoique). Disons qu’il essaie plutôt de viser une crédibilité imagée, « illustrant » des idées, plus qu’il ne retranscrit. Néanmoins, dans son imagerie et dans ses thématiques, c’est l’authenticité qui reste le moteur essentiel du cinéaste, qui n’a pas eu besoin de moyens surdimensionnés pour laisser libre cours à ses intentions et inviter la probabilité de ce qu’il dépeint, toujours en se basant sur le véridique et uniquement le véridique vérifiable avec quelques recherches un brin poussées. Alors certes, le grand public ne sera pas forcément au fait de cet incroyable travail d’exactitude tant il est imprégné de décennies de SF à la crédibilité hasardeuse ayant inculqué une vision distordue de la science spatiale, mais les passionnés sauront y voir l’application mise à respecter les postulats scientifiques ici convoqués. Le Grand Tout est un film très atypique, souvent épuré, s’amusant avec le genre pour développer une sorte d’aventure à la fois quasi-statique et pourtant, follement en mouvement à travers l’espace. A mi-chemin entre le road movie spatial intergalactique et le huis clos psychologique, Le Grand Tout repense des concepts métaphysiques à travers le regard de sa brochette de spationautes hétéroclites. Il repense le voyage à travers l’espace dans toute sa dimension analytique, il repense la rencontre entre l’homme et l’univers, entre l’homme et le temps dans cet immense « au-delà », entre la science et la religion, il repense notre ancrage au monde, l’existence de nos civilisations à travers les âges, la Relativité, l’imagerie de l’univers, et tant d’autres choses. Nombreux seront ceux qui pourront éprouver quelques difficultés d’immersion face à une œuvre à cheval entre le sérieux et le drolatique, et ce sera probablement là, l’une des limites d’un film qui aimerait être perçu pour sa noblesse mais qui balance entre deux tons. Toutefois, les aventuriers, eux, pourront peut-être s’enivrer par tant d’audace, de créativité et d’intelligence masquée par des apparats que certains auront vite fait de juger lapidairement, à tort.Souvent posé, assez verbeux, mais plutôt dans le sens théâtral de la chose, Le Grand Tout est une expérience de cinéma, un pur film ofniesque aux allures de course galactique teintée d’étrangeté. Dans son créneau très particulier, l’effort de Nicolas Bazz n’est pas inintéressant. Une fois son postulat et son rendu formel accepté, le film inspirera même une certaine jouissance même s’il fera quand même face à des défauts évidents. Un rythme parfois en souffrance (surtout dans sa deuxième moitié), une clarté qui finit par vriller (toujours dans sa deuxième moitié), une direction d’acteurs et une distribution en délicatesse, des ambitions parfois impossibles à gérer, et un certain ludisme inconstant. Pourtant, il y a quelque-chose de fascinant dans ce « pensum » d’auteur qui essaie du mieux qu’il peut, d’être trépidant. On se surprend néanmoins à se laisser aller au jeu de cette curiosité aux tirades psychologico-philosophiques, de se laisser happer par une tentative à mille lieux de ce qui se fait habituellement. Et quelque part, c’est un peu ça que l’on réclame si souvent au cinéma. De la fraîcheur. Alors oui, Le Grand Tout n’est pas parfait. Oui, certains le moqueront car il ne suit pas des canons classiques préétablis. Mais c’est justement ça que l’on aura apprécié !
LA BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux