Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Dohee-Ya
Mère : Jung July
Date de naissance : 2014
Majorité : 05 mai 2015
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Epicentre Films)
Nationalité : Corée du Sud
Taille : 1h59 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Doo-na Bae (Young-Nam), Kim Sae-Ron (Dohee), Song Sae-Byeok (Yong-Ha), Jang Hee-Jin (Eun-jung), Sung-Geun Moon (Nam Gyeong-dae), Gong Myung (Kwon Son-Oh), Jin-Goo Kim (la grand-mère)…
Signes particuliers : Présenté à Cannes, un premier film tellement emblématique du cinéma coréen.
COLLISION DE SOLITUDES
LA CRITIQUE
Résumé : Young-Nam, jeune commissaire de Séoul, est mutée d’office dans un village de Corée. Elle se retrouve confrontée au monde rural avec ses habitudes, ses préjugés et ses secrets. Elle croise une jeune fille, Dohee dont le comportement singulier et solitaire l’intrigue. Une nuit, celle-ci se réfugie chez elle… L’INTRO :
Fruit d’un concours de scénario non remporté mais qui a attiré l’attention sur le script de Jung July, A Girl at my Door est la énième démonstration de la qualité des premiers films en Corée du Sud. Pourtant, le sujet n’était pas facile sur le papier, évoquant des thématiques taboues à travers une chronique sociale et psychologique intimiste. Mais l’audace à la coréenne a encore frappé, non sans l’aide bienveillante d’un mentor, en l’occurrence le producteur-réalisateur Lee Chang-Dong (Poetry, Pappermint Candy) qui a décidé de financer le projet de son ancienne élève de fac. Sélectionné à Cannes dans la compétition « Un Certain Regard », A Girl at my Door s’est attiré des louanges, pour la qualité du film en lui-même, et pour celle de son interprétation réunissant de nombreux talents, à commencer par l’excellente Bae Doo-Na (Cloud Atlas, The Host, Sympathy for Mr. Vengeance). Il est surtout le reflet de la vivacité de la jeune garde coréenne, une cinématographie qui excelle et qui possède en son sein, un réservoir de futurs talents qui pourraient bien l’amener à perdurer encore longtemps.
Portrait social frissonnant et peu flatteur de la Corée du Sud rurale décidément malmenée par le cinéma national (voir le puissant Mother), A Girl at my Door est un film courageux et audacieux, à la fois dur et lumineux, sans concession et émotionnellement fort, au sein duquel brillent des personnages magnifiquement écrits par une cinéaste qui fait preuve d’une maîtrise narrative et filmique absolument exceptionnelle. Mystérieux et complexe, A Girl at my Door est à la croisée de plusieurs styles, de plusieurs histoires et thématiques, et pourtant, sa force est de conserver une homogénéité fabuleuse qui le maintient sans cesse à flot malgré son équilibre précaire. Sa conduite est sans aucun doute son atout fort, A Girl at my Door dévoilant ses enjeux lentement, avec habileté, respectant les pas d’un scénario d’une précision « horlogesque », pour mieux nous embarquer dans son torrent diluvienne. Un suspens fait de petites choses qui deviendront grandes, des protagonistes qui errent dans ce village cloisonné les retenant comme prisonniers de leur monde, une atmosphère lourde incarnée par les détails et surtout, un sentiment de solitude permanent qui frappe chacun des êtres en présence. Ce sentiment de solitude, c’est le point d’orgue de A Girl at my Door, l’étoile scintillante que suit minutieusement la réalisatrice Jung July, le ciment de toutes les interactions qui vont se jouer et le dénominateur commun à tous ses personnages. A partir de lui, Jung July va dessiner une toile passionnante et d’une richesse impressionnante.Préjugés, violence domestique, maltraitance infantile, pédophilie, homosexualité, alcoolisme, chômage, désœuvrement, corruption, solitude extrême, mépris et décalage entre la Corée citadine et la Corée campagnarde, valeurs morales étriquées et archaïques… L’éventail est large. Il aurait même pu l’être trop, amenant le film vers le fossé du manque d’unité ou vers une noirceur excessive basculant dans la caricature. Mais jamais Jung July ne chute. Par le prisme d’un petit village où se meuvent quelques personnages subtilement dessinés, la cinéaste pousse dans la lumière des sujets de sociétés pour la plupart tabous, avec une admirable force coercitive qui défie l’éparpillement. Depuis quelques années, le cinéma coréen aime à briser ces tabous avec des œuvres implacables et souvent émotionnellement violentes. A Girl at my Door et son élégance dramatique teintée de fantastique unique, dénonce les regards fossoyeurs pleins de préjugés, dénonce la médiocrité humaine, et se livre à un tableau tétanisant symbole des maux de la société coréenne. Un peu long, revers de la médaille de sa richesse saisissante, ce premier film fort et brillant, touche à beaucoup de thématiques (on ne les dévoilera pas toujours pour préserver le suspens) et parvient à surprendre sans arrêt. La grande classe.
LE TEST & LES SUPPLÉMENTS
Epicentre Films a soigné l’édition de cette noble pépite coréenne. Aussi bien dans l’image très belle et pleine de relief (d’autant que le film comporte beaucoup de scènes nocturnes) que dans les suppléments avec 21 minutes d’entretiens croisés avec la réalisatrice, les comédiennes Bae Doo-na et Kim Sea-Ron et l’acteur Song Sae-Byok. À eux tous, le portrait fait du film est assez complet. Chacun y partage son expérience du tournage, évoque son personnage. La genèse du projet et les intentions sont mises en valeur et l’on peut faire connaissance avec la jeune Kim Sae-Ron, 14 ans, et déjà une grande maturité, qui revient sur les scènes les plus délicates qu’elle a eu à tourner. Suit une critique du film par Ava Cohen (rédactrice en chef de Clap!). Une analyse succincte (et dispensable) de 5 minutes.
Biographie, galerie photos et bande-annonce complètent le reste de ses suppléments marqué par un autre morceau de choix : le précédent court-métrage de Jung July A Dog-came Into my flash (19′), choisi avec pertinence en cela qu’il partage de nombreux points communs thématiques et formels avec A Girl at my Door. On y décèle déjà la maîtrise narrative et filmique de la cinéaste, un style, une ambiance inquiétante, des personnages peu bavards…
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux