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JOKER : FOLIE A DEUX de Todd Phillips : la critique du film

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Nom : joker: Folie à Deux
Père : Todd Phillips
Date de naissance : 02 octobre 2024
Type : sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h19 / Poids : 200 M$
Genre : Drame, Thriller

Livret de Famille : Joaquin Phoenix, Lady Gaga, Brendan Gleeson

Signes particuliers : Quelle déception !

Synopsis : A quelques jours de son procès pour les crimes commis sous les traits du Joker, Arthur Fleck rencontre le grand amour et se trouve entraîné dans une folie à deux.

 

CHANTONS SOUS LA PLUIE

NOTRE AVIS SUR JOKER : FOLIE A DEUX

Il y a cinq ans, Todd Phillips nous soufflait sur place avec son Joker, véritable choc cinématographique qui s’échappait complètement d’un genre devenu si codifié pour proposer autre chose, quitte à désarçonner, quitte à être radical. Le Lion d’or à la Mostra de Venise était mérité. Loin de ce que pouvait proposer DC ou Marvel avec leurs superproductions calibrées, Joker envoyait valser l’univers des super-héros traditionnel pour s’orienter vers le film d’auteur et tenter un drame psychologique poignant sur la figure du symbole populaire contestataire. Fascinant, intense, prodigieux. Était-il nécessaire d’en imaginer une suite ? À l’époque, on aurait été tenté de dire non. Joker était quasi parfait, pourquoi prendre le risque. Et puis le temps a passé, l’envie et l’attente ont pris le dessus, l’annonce d’un film musical qui allait surprendre ont intrigué, crescendo.

Joker 2 aka Joker : Folie à Deux (en français s’il vous plait) emboîte directement le pas à son prédécesseur. Après sa série de meurtres conclue par un ultime fait d’arme en direct à la télé nationale, Arthur Fleck est interné à l’asile d’Arkham dans l’attente de son procès. Dehors, il est devenu une sorte de martyr et de symbole anarchique. Mais c’est entre les murs de sa prison où il est un prisonnier modèle, qu’il va rencontrer l’étincelle. Elle s’appelle Harley Quinzel. Le début d’un amour, le début d’une folie… à Deux ?

On pensait que Joker : Folie à Deux allait surprendre, l’effet va bien au-delà. Le film de Todd Phillips ne va pas seulement surprendre, il va vraiment décontenancer un public qui ne s’attend probablement pas à la folie solo d’un réalisateur qui opère un virage radical. Si Todd Phillips garde un peu le ton du drame psychologique, il fait de cette suite un pur film musical rythmé par un flot/flow incessant de chansons rétros renvoyant aux grandes heures de Fred Astaire, du Blues, du Jazz et du Gospel.

Briser les codes et les attentes, Todd Phillips refait le coup d’il y a cinq ans. Sauf que cette fois, le cinéaste va loin, au risque de précipiter son œuvre dans le mal-aimable. Plutôt que de rester dans la même ligne artistique qui a tant séduit sur le premier, le cinéaste voulait de nouveau bousculer le spectateur. Il le fait avec ce choix audacieux du film musical. L’idée directrice est loin d’être inintéressante. Todd Phillips filme avec onirisme et en chansons, l’imaginaire fantaisiste dans lequel les deux folies de ses deux personnages se retrouvent, loin de leur triste réalité. Dans la réalité justement, Arthur Fleck est toujours cet être chétif et invisible malmené par la vie et suspendu à une possible condamnation à mort. Dans cet imaginaire où il se réfugie, il est le Joker, un personnage théâtral, un personnage de show, un personnage qui marque les esprits, un clown terrifiant.

Cette audace du film musical offre au film plusieurs scènes indéniablement superbes (l’intro animée façon Looney Tunes, la reprise du Ne me quitte pas de Brel, certains numéros dansés, le final) et Joker : Folie à Deux aurait pu briller par son étourdissante virtuosité et sa singularité de film d’auteur jusqu’au-boutiste. Tant que Todd Phillips n’en faisait pas trop, et c’est tout le problème. Joker 2 est un pari, celui de déconstruire les attentes pour tenter quelque-chose de radical. Mais le cinéaste en fait tellement trop, tout le temps, que la claque se transforme en overdose, que l’audace se change en horripilant, que la volonté affichée de ne pas chercher à plaire devient antipathique, que la démonstration artistique annihile l’impact de l’histoire.

Trop de chansons (pire que La Reine des Neiges – ça entonne toutes les cinq minutes), trop de mise en scène calculée pour viser le beau plan peu importe son utilité, trop de longueurs et de scènes qui se répètent, trop de langueur dans le rythme… Déséquilibré à tous les niveaux, Joker : Folie à Deux finit par devenir insupportable et entièrement autocentré sur le kiff d’un cinéaste qui se regarde filmer une coquille vide qui n’a pas grand-chose à raconter de plus que son aîné. On voudrait saluer l’audace du pied de nez adressé aux fans du premier mais elle est bouffée par ses excès. On voudrait saluer l’impressionnante performance des comédiens (Phœnix comme Gaga) mais leurs personnages semblent noyés dans le postulat. On voudrait saluer l’histoire d’une romance adoucie par l’évasion dans la folie mais elle paraît tellement décousue et au service du délire musical plutôt que l’inverse. On voudrait saluer le portrait intimiste d’un homme brisé qui se bat contre ses tourments mais le film n’a rien à dire de plus que son prédécesseur.

Joker : Folie à Deux est une déception à la hauteur du génie du premier. Énorme. Ego-trip d’un ennui mortel, la suite de Todd Phillips laisse de marbre, déjà par sa froideur. Curieusement, le cinéaste tente d’injecter du tragique romanesque mais son film manque d’intensité, d’émotion et de passion. Aussi, parce que son mélange des genres peine à fonctionner comme si le résultat était le fruit du travail de plusieurs personnes qui ne se sont pas consultées entre elles. Il n’y aura pas de suite. Dommage de rester sur cette note si négative. Le film a tout (et fait tout) pour être un classique grandiose mais il est à contrario très pénible. A vouloir tout mettre en oeuvre pour ne pas plaire, Todd Phillips y est arrivé.

 

 

Par Nicolas Rieux

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