Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : To Rome with Love
Fils de : Woody Allen
Livret de famille : Woody Allen (Jerry), Penélope Cruz (Anna), Jesse Eisenberg (Jack), Alec Baldwin (John), Ellen Page (Monica), Roberto Benigni (Leopoldo), Judy Davis (Phyllis), Alessandro Tiberi (Antonio), Greta Gerwig (Sally), Ornella Muti (Pia), Fabio Armiliato (Giancarlo)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : États-Unis, Espagnol, Italien
Taille/Poids : 1h52 – 17 millions $
Signes particuliers (+) : Woody Allen de retour devant la caméra. Bourré d’idées loufoques issues de l’esprit fou d’un auteur qui sans cesse nous régale. Hilarant et délectable, pétillant et virevoltant.p>
Signes particuliers (-) : Pas forcément un immense Woody Allen et une marque de fabrique qui ne se renouvelle pas dans le style.
LA TRAVERSÉE DE L’EUROPE
Résumé : Rome, la ville où il se passe toujours quelque chose à raconter… Un père vient rencontrer sa future belle-famille et découvre dans un chanteur exceptionnel mais seulement capable de chanter sous sa douche. Un simple employé devient une immense star du jour au lendemain sans savoir pourquoi. Un jeune étudiant en architecture est troublée par la venue d’une amie de sa compagne, comédienne séduisante et séductrice. Un homme doit présenter la femme de sa vie à sa famille bourgeoise alors qu’elle vient d’un milieu plus modeste. il fait la connaissance d’une prostituée magnifique alors que sa femme fait la connaissance de l’acteur de ses rêves… Tout ça, dans Rome.
Le cinéaste le plus new yorkais de tous les new yorkais avait tenté une excursion hors des frontières de sa précieuse et chère ville adorée il y a quelques années avec un Match Point qui prenait pour cadre la britannique citée londonienne. Réjouit par ce changement d’air et après quelques films le temps de mûrir son projet de départ, Woody Allen a entamé une tournée européenne de quelques villes qu’il chérit plus particulièrement sur le vieux continent, nous offrant au passage quelques films magnifiques sous forme de balade passionnée. Après un passage par l’Espagne pour Vicky Cristina Barcelona puis par la France pour Midnight in Paris, le célèbre auteurs comiques américain, qui s’est octroyé un second séjour londonien avec le mauvais Vous Allez Rencontrer un Sombre Inconnu et surtout une bouffée revigorante à la maison, entre deux voyages, avec Whatever Works, poursuit son périple sillonnant les belles merveilles d’Europe et pose cette fois-ci ses caméras dans la capitale italienne, la foisonnante, bruyante et sensuelle Rome.
On a tout entendu sur Woody Allen que l’on qualifie parfois d’usé, de fatigué, d’à court d’idées et d’inspiration. Pourtant, ce nouvel opus est une réussite qui démontre tout le contraire. Avec toujours la même verve, la même folie et le même sens du regard aiguisé sur ses congénères, son petit dernier, pourtant massacré par une bonne partie de la presse spécialisée, est une énième folie inspirée alliant humour loufoque et comédie de boulevard et de vaudeville sous la thématique dominante de l’amour, du romantisme et du marivaudage dans une Rome si folle que tout y devient prétexte à une histoire incroyable. Mais derrière ce récit chapitré sous forme de film à sketch où quatre histoires se croisent et s’entremêlent, c’est avant tout du mensonge dont parle Woody Allen, de la propension de l’homme à mentir aux autres ou à se mentir à lui-même. Chacun de ses personnages va ainsi soit cacher une vérité soit se voiler la face sur une réalité. Et au jeu de l’observation, le cinéaste en profite pour pondre une fable aussi légère qu’acerbe tirant au passage à boulet rouge sur le monde de l’art, de ses acteurs internes à ses acteurs externes comme la critique. Pas étonnant qu’elle n’aura pas aimé un film qui lui envoie un bel uppercut dans les dents directement envoyé par Monsieur Allen en personne qui, ENFIN, repasse aussi devant la caméra dans un sketch qui sonne le règlement de compte avec les gratte-papiers !
Apres un Midnight in Paris qui se voulait déjà un peu chapitré dans l’âme au gré des voyages nocturnes de son protagoniste, Woody Allen pousse plus loin le concept et ce seront cette fois-ci quatre histoires à part entière qui auront pour charge de montrer toute la vie qui anime cette Rome en perpétuel mouvement, toujours dans le rythme bouillonnant d’une folie permanente.
Il y a d’abord le sketch mettant en scène le cinéaste dans son personnage typique de misanthrope angoissé compulsif, feu producteur de musique incompris de son vivant même quand son art accouche de réussites indéniables comme la fabuleuse et désopilante idée qu’il va avoir en venant rencontrer le compagnon de sa fille et les parents de celui-ci. Hilarant, Woody Allen s’offre la part belle dans son film, lui que l’on avait plus vu ces temps-ci devant sa propre caméra, et nous fait mourir de rire au détour de répliques toujours aussi bien servies par un sens du rythme verbal et de l’écriture divin mais surtout par une mordante loufoquerie acide ciblant ouvertement la presse irrationnelle.
Et en parlant d’irrationnel… Vient le segment avec Roberto Benigni qui tape sans ménagement sur les médias et sur la mode actuelle du star system nonsensique faisant stars, des gens qui ne le sont pas et les défaisant aussi sec quand leur heure est passée et qu’ils sont remplacés par d’autres venus tout aussi de nulle part. Leopoldo Pisanello est un quidam banal, un monsieur tout-le-monde starifié du jour au lendemain sans aucune raison, à qui l’on demande son avis sur tout, de qui l’on veut tout savoir dans les moindres détails alors qu’il n’est… personne ! Parabole directe et sans détour, ce sketch délicieux est l’un des plus jubilatoires avec son Benigni perdu dans ce capharnaüm qui n’a pas de sens, pas plus que la folie médiatique d’aujourd’hui entourant des célébrités qui ne le sont pour rien, n’en a.
Puis, il y a le segment marivaudage, récit relevant du théâtre de boulevard où un couple tout timide et naïf venu de la province, se retrouve plongé en plein imbroglio fait de quiproquo et de ratés malchanceux les menant chacun à se révéler chacun de leur côté, soit au contact d’une star de cinéma charismatique mais cynique, profiteuse et mal intentionnée, soit au contact d’une belle prostituée au grand cœur libérée et bien dans ses talons (la belle Pénélope Cruz). Drôle, enjoué, virevoltant, ce segment n’est pas le plus hilarant mais certainement l’un des plus tendres et des plus réussis par la façon dont il mène son histoire sentimentale avec attachement et malice en plaçant quelques pointes d’humour ironique envers la bourgeoisie et le Vatican que n’aurait pas renié le Nanni Moretti de la grande époque.
Enfin, il y a le bloc à la lisière du fantastique, celui des vedettes entre Alec Baldwin, Ellen Page et Jesse Eisenberg. Méli mélo sentimental entre un homme qui aime sa copine, qui ne veut pas aimer la copine de sa copine mais qui va succomber à son charme quand même, malgré les avertissements d’un homme mur rencontré par hasard (Baldwin) qui du coup, suit cette relation avec attention tel un fantôme accompagnant chacun de ses deux protagonistes impliqués. Une histoire montrant comment Rome devient la capitale de l’amour foudroyant tout en ironisant sur les actrices (Ellen Page) et leur insouciance et légèreté inconsciente.
Au final, on ne s’ennuie pas une seconde dans ce patchwork d’idées et d’histoires dominé par quelques thématiques, une critique lucide du métier et l’omniprésence de l’amour dans cette Rome qui déchaîne les passions et transforme le moindre petit fait isolé en grande histoire au charme réjouissant. Riche de sens, To Rome With Love affiche une variété dans son contenu qui frise l’ironie : Woody Allen a 77 ans et il est plus en forme que jamais même si le style peut paraître moins entraînant, moins dingue, moins libertaire qu’il fut un temps. Et même si son cinéma s’enferme parfois dans un style qui, lui, est devenu une tradition classique et une marque de fabrique un brin facile, son propos garde une grande modernité et le plaisir comble de bonheur.
Bande-annonce :