Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : The Search
Père : Michel Hazanavicius
Date de naissance : 2014
Majorité : 26 novembre 2014
Type : Sortie en salles
Nationalité : France
Taille : 2h14 / Poids : 22 M€
Genre : Drame, Guerre
Livret de famille : Bérénice Bejo (Carole), Annette Bening (Helen), Maxim Emelianov (Kolia), Abdul Khalim Mamatsuiev (Hadji), Zukhra Duishvili (Raïssa)…
Signes particuliers : Virage à 90° pour Michel Hazanavicius qui passe de l’hommage au muet avec The Artist à l’horreur du conflit russo-tchétchène. Un film aux ambitions nobles mais dont les qualités se retournent contre lui.
DES OSCARS À LA TCHÉTCHÉNIE…
LA CRITIQUE
Résumé : Le film se passe pendant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999. Il raconte, à échelle humaine, quatre destins que la guerre va amener à se croiser. Après l’assassinat de ses parents dans son village, un petit garçon fuit, rejoignant le flot des réfugiés. Il rencontre Carole, chargée de mission pour l’Union Européenne. Avec elle, il va doucement revenir à la vie. Parallèlement, Raïssa, sa grande sœur, le recherche activement parmi des civils en exode. De son côté, Kolia, jeune Russe de 20 ans, est enrôlé dans l’armée. Il va petit à petit basculer dans le quotidien de la guerre. L’INTRO :
Le réalisateur de La Classe Américaine et des OSS 117 avec l’inénarrable Jean Dujardin, prend un virage radical dans sa carrière. Fort de l’aura oscarisée de son The Artist, Michel Hazanavicius a su embarquer des financiers et des producteurs (dont un Thomas Langman toujours partant par les projets audacieux) dans son pari périlleux de « drame de guerre » sur le conflit tchétchène à la fin des années 90, lorsque la Russie a envahi un pays encore meurtri par la première guerre avec son voisin, entre 1994 et 1996. Le sujet n’avait rien de sexy sur le papier. Un peu à l’image, dans un tout autre genre, du Whiplash de Damien Chazelle, sur le jazz. Mais Michel Hazanavicius avait à cœur de raconter une histoire inspirée d’un vieux classique hollywoodien de 1948, le très beau Les Anges Marqués (en français) de Fred Zinneman avec Montgomery Clift. Comme dans le chef d’œuvre américain d’après-Deuxième Guerre Mondiale, Hazanavicius raconte l’histoire d’un enfant à la recherche de sa famille dans un pays en proie au chaos et qui sera recueilli par une aide bienfaitrice. Le cadre change, les personnages aussi. Pas de G.I. bienveillant cette fois-ci, mais une jeune chargée de mission pour l’Union Européenne (Bérénice Béjo) et surtout, The Search va étoffer son récit en s’articulant autour de quatre destins, l’enfant perdu, sa sœur à sa recherche, la femme qui le récupère sous son aile et un jeune soldat russe balancé sans ménagement dans cette guerre cruelle et tragique. Présenté à Cannes où il aura reçu un accueil mitigé, The Search sortira en salles dans une version remontée et allégée de 20 minutes, pour être ramenée à 2h15.L’AVIS :
The Search est un film à la construction complexe, histoire « éclatée » multipliant les allers et retours sur les différents points de vue exposés tout en se focalisant sur l’aspect humain de ce conflit parmi les plus « sales » de la deuxième moitié du vingtième siècle, comme l’expliquera son auteur. En effet, les différents récits qui, conjointement, offrent ce panorama à échelle humaine de la guerre russo-tchétchène, n’ont de cesse de souligner toute l’horreur d’un conflit qui aura mis du temps avant « d’intéresser » le monde alors qu’au fin fond de l’Europe de l’Est, une population était en proie aux pires souffrances et exactions. Malgré son remontage, The Search reste néanmoins un film bancal, une œuvre ambitieuse et étrange, pleine de qualités courageuses mais qui se retournent parfois contre elle en la prenant au piège de ses partis pris.D’abord, la multiplicité de ses points de vue offre une vision enrichie de l’histoire contée par Hazanavicius. Mais dans le même temps, ils souffrent tous de certains déséquilibres peinant à les mettre à égale force les uns vis-à-vis des autres. Intrinsèquement, chacun recèle de moments aussi forts que brillants mais la cohérence d’ensemble ne donne pas le résultat fluide et digeste escompté malgré le soin apporté par le réalisateur pour injecter un maximum de justesse narrative. Au lieu de prendre de l’ampleur pour surplomber son panorama, The Search s’enlise et décroît en intensité au fur et à mesure de sa progression. Autre exemple, le metteur en scène se sera efforcé intelligemment à ne pas appuyer la lourdeur du drame narré, réduisant par exemple au minimum la présence de la musique dramatisante pour ne pas tomber dans le pathos plombant. Mais l’histoire de The Search était déjà trop chargée à sa base et en elle-même et le traitement « objectif » et distancié achève de nous perdre en route à force d’un misérabilisme pourtant de propos mais qui curieusement, peine à toucher, peut-être à cause de sa naïveté et de sa fadeur. Effet de distanciation ou au contraire intimisme trop poussé ? On aura du mal à toucher du doigt ce qui ne fonctionne pas mais toujours est-il que The Search semble trop lointain, trop maniéré, et sa neutralité finit par passer pour un manque d’emprise et de poigne envers son sujet. Enfin, vient la mise en scène, trop inconstante pour convaincre pleinement. Si le cinéaste est capable de séquences absolument splendides (surtout dans la partie réservée au soldat russe), elle témoigne d’un manque de caractère général qui en atténue la puissance.The Search est loin d’être le raté attendu après de premiers échos cannois peu tendres. Plein de bonnes intentions, Michel Hazanavicius aura essayé et s’il ne se casse pas la figure avec un film que l’on répète fort courageux, reste un sentiment de déception de voir autant de bonnes choses gâchées par un ensemble maladroit, souvent redondant et très théorique. On aurait aimé n’en retenir que ses forces, sa sincérité évidente, son panache espéré, sa technique admirable surtout en matière de cadrage ou de composition des plans, la poignante portion très Full Metal Jacket sur ce jeune russe expédiée à la guerre et transformé en machine à tuer à l’âme absorbée par l’horreur ou encore la belle histoire de ce gamin traumatisé par l’inhumanité subie de plein fouet. Deux personnages au passage incarnés avec conviction par deux jeunes acteurs non-professionnels (Maxim Emelianov et Abdul Khalim Mamatsuiev). Mais The Search est trop brinquebalant, long, parfois pontifiant sans le vouloir et pire, il ne parvient pas à nous emporter dans un quelconque maelstrom questionneur ou bouleversant. Il essaie pourtant, mais n’y parvient que trop peu. Hazanavicius semble avoir viser une grande œuvre totale et majestueuse mais refusant le spectacle pour souligner son propos. Un bon point et dans le même temps son erreur la plus notable. Car avec son sens du romanesque refreiné, The Search sillonne un no man’s land, ne penchant ni du côté de la puissance émotionnelle façon un La Liste de Schindler, pas plus qu’il ne vire du côté du film brut et organique. Un entredeux qui lui sied bien mal.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux