Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Lincoln
Père : Steven Spielberg
Livret de famille : Daniel Day-Lewis (Lincoln), Sally Field (Mary), David Strathairn (William Stewart), Joseph Gordon-Levitt (Robert), James Spader (Bilbo), Tommy Lee Jones (Stevens), John Hawkes (Latham), Hal Holbrook (Preston Blair), Tim Blake Nelson (Schell)…
Date de naissance : 2012
Nationalité : USA
Taille/Poids : 2h29 – 65 millions $
Signes particuliers (+) : Soigné, techniquement impeccable et bien interprété.
Signes particuliers (-) : Guère palpitant, trop « hommageux » et consensuel pour être intéressant.
LINCOLN : LE POUVOIR DES MOTS (ET DES IMAGES)
Résumé : Années 1860, le Président Abraham Lincoln qui vient d’être élu pour un second mandat tente de faire passer son 13ème amendement, abolissant l’esclavage. Il est confronté à l’hostilité d’une bonne partie des députés et à la guerre civile qui ravage le pays…
Passionné d’histoire, Steven Spielberg n’en finit plus de se replonger dans le passé par de grandes fresques historiques. Beaucoup ont eu attrait à la Seconde Guerre Mondiale, l’un de ses sujets de prédilection, mais pas seulement puisqu’il est déjà remonté plus loin avec par exemple Amistad en 1997. Aujourd’hui, le grand conteur qu’il est se lance enfin dans un projet qui lui tenait à cœur depuis plusieurs années, et de se pencher sur l’une des figures sacrées de l’Amérique en la personne d’Abraham Lincoln, seizième Président des Etats-Unis et figure paternelle aujourd’hui quasi-mystifiée pour un pays qui le classe parmi ses Présidents les plus respectés et aimés avec George Washington. Spielberg n’a jamais caché son admiration et sa passion pour ce personnage fondateur de l’Histoire de l’Amérique et alors qu’il planchait assidument sur son projet, il a eu l’occasion de découvrir le livre Team of Rivals de l’auteur Doris Kearns Goodwin qui deviendra finalement la base de son film, ne proposant non pas un vaste biopic de la vie du Président assassiné mais se focalisant seulement sur les premiers et derniers mois de son second mandat qu’il ne termina pas et les tractations complexes autour du fameux 13ème amendement à la Constitution pour abolir l’esclavage, sujet sensible déclencheur de la guerre civile dite Guerre de Sécession qui défigura un temps et endeuilla le pays.
Le projet fut longtemps ajourné pour cause d’agenda chargé d’un Spielberg déchaîné ces temps-ci entre ses activités cinématographiques, télévisuelles et les nombreux films qu’il supervise en tant que producteur, les scénaristes changèrent, les interprètes envisagés aussi (Liam Neeson tenait le bon bout pendant un temps) mais en 2012, tout se bouscula et la machine s’enclencha après les tournages de ses précédents et en demi-teinte War Horse et Tintin. C’est au final à l’acteur multi-oscarisé Daniel Day-Lewis, que reviendra le rôle très convoité, l’occasion pour lui de très certainement tenter de briguer une troisième statuette puisque, nécessité oblige, il se amené à se grimer (se vieillir plus précisément) pour coller au personnage ainsi qu’à travailler sa voix pour approcher au plus près de l’homme. Autour de lui, Spielberg réunira un important casting peuplant les seconds rôles de son biopic partiel. Entourage, famille, députés seront personnifiés par quantité d’acteurs confirmés tels que Sally Field, David Strathairn, Joseph Gordon-Levitt, James Spader, Tommy Lee Jones, John Hawkes, Hal Holbrook ou Tim Blake Nelson.
Après deux films qui n’ont pas fait l’unanimité, Spielberg avait peut-être à cœur de se réconcilier avec son public américain. Et encore, en a t-il vraiment l’utilité ? Toujours est-il qu’en abordant la vie de l’un des pères de la Nation, le cinéaste savait bien qu’il susciterait l’intérêt sur le sol américain. Si le film n’a pas été un carton monstrueux comme nombre de ses films précédemment, il aura quand même tapé dans l’œil puisqu’il enregistrera plus de 150 millions de recettes pour un budget de 65 millions et se verra nommé aux Golden Globes et aux Oscars. Logique sur ce dernier point, on pouvait s’y attendre tant le sujet n’est pas à dépareiller d’un certain vent nationaliste fort. Sujet historique, film plutôt lent et très verbeux, durée ample (2h25) pour un film qui n’est pas à classer dans le registre du pur entertainment, ces chiffres étaient finalement plutôt prévisibles. Mais est-ce là la seule raison ? Probablement car globalement, il aura reçu un accueil très chaleureux côté avis des spectateurs, du moins sur l’unique sol américain puisqu’il y a fort à parier que ce dernier exercice de l’ami Spielberg ne rencontre pas le même écho hors de ses frontières faute de passionner autant les foules non-américaines.
Lincoln a en effet un défaut majeur : son intérêt. Le metteur en scène, qui n’a jamais été un expert en prises de risque depuis qu’il détient son statut de cinéaste familial numéro 1, a choisi un angle et un traitement pour son biopic phare, qu’il assume et soutient jusqu’au bout de sa narration et de sa mise en scène : être sage et dresser des louanges. C’est en tant qu’admirateur passionné de la figure fantasmée qu’est Lincoln qu’il conduit cette biographie partielle « positive », bien plus qu’animé d’un véritable sentiment d’objectivité et de véracité, ce qui sinon l’aurait amené à un tout autre métrage plus délicat et risqué pour lui en tant qu’artiste. Plus dans l’hommage à la légende connue que dans la réelle historicité nuancée des choses, évitant de gratter au-delà des apparences pour ne pas égratigner un mythe idolâtré, Spielberg signe un film à deux visages, à la fois long et très bavard et à la fois passionnant dans sa description des rouages politiques qui ont conduit à l’émancipation des Noirs américains. Sauf que ces rouages en question sont décrits seulement par le prisme de la légende communément acceptée et retenue et non en s’aventurant du côté plus sombre de la controverse, ce qui atténue la crédibilité d’une œuvre partisane et limitée dont on retient du coup essentiellement sa beauté plastique. Cadrages magnifiques, photographie somptueuse, direction d’acteurs formidable, mise en scène élégante et fluide, Spielberg déroule sous nos yeux un petit (temporellement) mais important (factuellement) pan de la vie de son « héros » et de l’Histoire américaine. Indéniablement, on ne peut qu’admirer la patte d’un artiste à la classe légendaire qui soigne sa reconstitution des années 1860 avec sérieux et intérêt et qui plonge avec fascination dans des tractations politiques complexes. Mais… car il y a un « mais ». Mais Lincoln, qui se focalise uniquement sur l’aspect politique des choses, touchant cependant avec parcimonie aux conséquences des évènements dans la vie familiale du Président concerné, est aussi une épopée très bavarde et intrinsèquement limitée plus qu’une fidèle retranscription de l’histoire réelle qu’elle enjolive considérablement. Pas inintéressant pour autant sur bien des points et notamment sur la description de certains épisodes factuels et des rouages qui sous-tendent la versatilité politique, Lincoln est quand même un peu décevant en ce qu’il a du mal à se situer du point de vue de son logique d’existence. Ni épique (c’est le moins que l’on puisse dire) ni vraiment divertissant (ce n’est pas son but), restait alors uniquement l’aspect historique pour justifier ce travail de mémoire sur une figure majeure des Etats-Unis. Et sur ce point malheureusement, Spielberg ne nous offre là qu’un regard simplifié et réduit à ce que l’on sait déjà tous, occultant au contraire ce que l’on sait justement moins. Version Petit Larousse illustré en images pour adolescents façonnables, Lincoln brosse une peinture du bien-aimé qui n’est pas complètement erronée mais seulement édulcorée, débarrassée des vraies zones d’ombre intéressantes, notamment sur ses motivations ayant déclenché son combat pour la cause de l’abolition de l’esclavage, à chercher du côté du versant économique. L’Abraham Lincoln de Spielberg est une sorte de figure christique, sage à l’extrême, parlant en paraboles et en métaphores à la force de petites histoires souvent pleine d’humour, un homme toujours accessible et passionné. Certes, allons bon sur certains points mais point trop n’en faut car le résultat donne encore un film mineur au regard du talent de son auteur. Un film techniquement louable, à l’ennui aléatoire selon la relation que tout un chacun aura avec une œuvre indéniablement lente privilégiant les longs moments d’échanges compliqués et requérant beaucoup d’exigence (il se suit sans trop de peine quand même) mais finalement assez vain dans sa finalité faute d’apporter vraiment de la crédibilité à son entreprise au lieu d’être dans l’emphase glorificatrice. Du beau Spielberg voire même du grand Spielberg sur certains points. Mais à être si consensuel et à se focaliser sur la grande histoire sans jamais aller chercher la petite, il en devient juste vain.
Bande-annonce :
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