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LES HEURES SOMBRES de Joe Wright : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : Darkest Hour
Père : Joe Wright
Date de naissance : 2017
Majorité : 03 janvier 2017
Type : Sortie en salles
Nationalité : Angleterre
Taille : 2h05 / Poids : NC
Genre
: Biopic, Historique

Livret de famille : Gary Oldman, Stephen Dillane, Lily James, Kristin Scott Thomas, Ben Mendelsohn…

Signes particuliers : Gary Oldman en route vers l’Oscar ?

CHURCHILL DANS LA TOURMENTE

LA CRITIQUE DE LES HEURES SOMBRES

Résumé : Darkest Hour s’intéresse à une partie de la vie de Winston Churchill, à partir de mai 1940, lorsqu’il devient Premier ministre en pleine Seconde guerre mondiale. 

L’histoire du cinéma est jonchée de projets concurrents lancés en même temps et qui sortent peu et proue à la même période. Il y a quelques mois, on avait eu l’occasion de découvrir un premier « biopic » consacré à une période spécifique de la vie de Winston Churchill avec le sobrement nommé Churchill de Jonathan Teplitzky, où la figure iconique de l’histoire britannique était campée par un formidable Brian Cox. Une performance magistrale dans un film qui revenait sur seulement quelques jours de la vie du dirigeant, en 1944 alors que les Alliés s’apprêtait à lancer un Grand Débarquement destiné à anéantir les forces nazies. Quelques mois plus tard, c’est au tour de Joe Wright (Orgueil et Préjugés) de livrer sa partition avec Les Heures Sombres, second long-métrage rendant hommage au héros de la Deuxième Guerre Mondiale. Cette fois-ci, l’action remonte de quelques années en amont dans l’histoire. Porté par un Gary Oldman physiquement transformé, Les Heures Sombres s’intéresse à la période charnière autour de mai 1940, quand le conservateur Churchill est devenu Premier Ministre d’un Royaume-Uni traversant ses heures les plus sombres face à l’invasion européenne d’un Hitler incontrôlable.

Les Heures Sombres, meilleur ou moins bon que Churchill ? Le débat n’a pas vraiment lieu d’être car il serait contre-productif de vouloir comparer les deux œuvres. Si le film de Teplitzky avait pas mal été descendu par la critique pour sa fadeur hagiographique et sa faiblesse cinématographique, il n’en est pas moins un complément idéal à ce nouveau film de Joe Wright. Ensemble, les deux films traitent de deux périodes distinctes, à la fois proches et éloignées dans le temps. Ensemble, ils composent surtout un regard assez complet porté sur la trajectoire de l’illustre Premier Ministre entre 1940 et 1944. Sur la forme, Les Heures Sombres bénéficie largement du talent de Joe Wright, metteur en scène hors pair dès qu’il s’agit de plonger dans l’histoire à travers une mise en scène maniérée au classicisme impeccable, porteuse d’un souffle romanesque qui exalte les sentiments. Méticuleux, le cinéaste tourne autour de sa figure dominante, qui bouffe littéralement chaque plan où sont scrutées sa force et ses failles, le tout dans une atmosphère pesante alors que l’Europe est en train de s’effondrer et que Churchill incarne le dernier rempart de la résistance. Récemment, le Dunkerque de Nolan se faisait le récit de l’opération Dynamo du côté du front, Les Heures Sombres raconte un peu le même épisode mais du côté de la bureaucratie londonienne, où comment un homme peu désiré s’est retrouvé à la tête d’un pays dans une période troublée, devant faire immédiatement des choix cruciaux pour l’avenir de l’humanité. Capituler devant le Mal incarné pour éviter le pire, ou se battre jusqu’au bout, quitte à mourir avec dignité ? Tel était le choix qui incombait à Churchill en 1940, alors que l’armée d’Hitler avait mis l’Europe à genoux et que les forces britanniques étaient sur le point d’être anéanties sur une plage du nord de la France. Et Les Heures Sombres de détailler ce dilemme historique et moral, dont on connaît tous l’issue, mais que Joe Wright parvient à rendre haletant à travers un drame qui évite l’écueil du poussiéreux en nous immergeant dans le sentiment d’urgence d’une époque où le temps de la réaction ne pouvait pas attendre.

Soutenu par une photographie magistrale signée Bruno Delbonnel, par des dialogues savoureux qui mettent en relief toute la singularité de l’anti-dandy qu’était Churchill, et par une remarquable reconstitution tant visuelle que des enjeux de la période qu’il dépeint, Les Heures Sombres est un bel ouvrage dont on regrettera seulement qu’il s’étire en longueur, se laisser parfois aller à quelques répétitions alors qu’il s’attache à une période certes intéressante, mais moins méconnue que celle partagée par son homologue Churchill. On sait tous que le Premier Ministre fut le guide de la nation britannique en ces temps sombres, on savait moins qu’il était si fermement opposé au Débarquement en Normandie, qu’il considérait comme une erreur monumentale. Ainsi, le Churchill de Teplitzky devenait plus passionnant pour ce qu’il racontait, là où celui de Wright délaisse l’efficacité factuelle pour briller davantage par la puissance de sa mise en scène lente et oppressante, visant à épouser les ressorts du récit qu’il déroule. En somme, deux films portés par des qualités distinctes, et par surtout deux sujets très divergents. Car si Les Heures Sombres nous offre à voir un dirigeant qui a eu raison dans son entêtement à ne pas vouloir capituler si vite, Churchill nous mettait face à un homme qui a eu tort de rejeter un Débarquement qui s’est avéré décisif et salvateur.

Mais dans les deux cas et ils se rejoignent là-dessus, il est avant tout question de performance d’acteurs dans ces deux biopic partiels. Avec Les Heures Sombres, Gary Oldman fait d’ores et déjà office de grand favori dans la prochaine course à l’Oscar. Le comédien littéralement habité, livre une prestation impressionnante de conviction, parfois un brin cabotine à l’image de ce qu’était Churchill dans son art de la théâtralisation, mais restituant toute la singularité et l’intransigeance d’un homme irascible, non pas par méchanceté mais par impétuosité et désir de porter dignement le fardeau si lourd qui lui est soudainement tombé sur les épaules. Ce fardeau, c’était l’avenir du monde occidental. Entre bougonnerie amusante et angoisses devant la gravité de la situation, le Churchill de Gary Oldman est un être fascinant, qui aura su gagner la guerre grâce à son tempérament, mais surtout à son maniement du langage. Car c’est bel et bien là le sujet central du film de Joe Wright, où comment un homme s’est imposé comme le phare dans l’obscurité, en engageant dans la bataille, sa maîtrise de l’éloquence.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

 

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