Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : The New Centurions
Père : Richard Fleischer
Date de naissance : 1972
Majorité au : 09 novembre 2016
Type : Sortie Blu-ray
Nationalité : USA
Taille : 1h43 / Poids : Budget NC
Livret de famille : George C. Scott (Kilvinski), Stacy Keach (Fehler), Jane Alexander (Dorothy), Scott Wilson (Gus), Rosalind Cash (Lorrie), Erik Estrada (Sergio), Clifton James (Whitey), Richard Kalk (Milton)…
Signes particuliers : Les Flics ne Dorment pas la Nuit, Terreur Aveugle, L’étrangleur de Rillington Place… Pas un, pas deux, mais trois chefs-d’œuvre de Richard Fleischer, réunis dans un coffret exceptionnel édité par Carlotta !
LA VRAIE VIE DES POLICIERS ORDINAIRES
LA CRITIQUE DE LA CRITIQUE DE LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT
Résumé : De nouvelles recrues font leur entrée dans un commissariat de Los Angeles, parmi lesquelles Roy Fehler, étudiant en droit entré dans la police pour subvenir aux besoins de sa famille. Il fait équipe avec Andy Kilvinski, vieux briscard engagé dans la police depuis 23 ans, qui lui apprend toutes les ficelles du métier. Roy devient vite accro à la rue et à ses dangers, et délaisse peu à peu ses études et sa famille…Richard Fleischer est un cinéaste à deux visages. Il y a d’un côté le réalisateur aux solides films d’entertainment légers, commerciaux et populaires, et de l’autre, le réalisateur aux films plus complexes, plus durs, explorant des horizons plus singuliers et plus sombres sur un ton épris d’une intelligente profondeur viscérale. Si le premier est capable d’émerveiller par de gros spectacles divertissements tels que Barrabas, Le Voyage Fantastique, Les Vikings ou encore 20.000 Lieues sous les Mers, le second est quant à lui plus passionnant, donnant la pleine mesure de son talent de metteur en scène dans des chefs d’œuvre comme L’étrangleur de Boston, Soleil Vert ou bien ce plus méconnu Les Flics ne dorment pas la nuit, resté longtemps inédit en France. Aujourd’hui, l’éditeur cinéphile Carlotta Films remet à l’honneur ce joyau du cinéma américain, dans un coffret consacré au cinéaste culte qu’est Richard Fleischer. Les Flics ne dorment pas la nuit s’y retrouve accompagné de deux autres pépites à découvrir sans plus attendre : L’étrangleur de Rillington Place et le suffocant Terreur Aveugle.Et là, on n’a qu’une envie, c’est de dire : Merci Carlotta !
The New Centurions, son titre originel en référence aux soldats faisant régner l’ordre dans l’immense empire romain décadent, repris ici dans une métaphore de l’Amérique contemporaine, est peut-être l’un des films les plus aboutis de Richard Fleischer. Le style se calque parfaitement sur une vague de longs-métrages des années 70 adoptant une facture documentarisée et épurée pour traiter de ses sujets sur le mode de la chronique. Ce courant très typique de cette décennie emblématique d’un nouveau cinéma américain, se retrouve dans des films comme Serpico, Cruising, Un Après-midi de Chien ou encore Fat City (avec encore Stacy Keach, ici personnage plus ou moins central d’un film quasi-choral) mais l’on pourrait dresser une liste bien plus longue tant il s’agit vraiment de la facture adoptée dans ce cinéma d’une époque préférant la lenteur millimétrée à la débauche d’action, la concision puissante à la vitesse de narration effrénée. Dans tous les cas, il s’agissait probablement de l’apothéose d’un cinéma américain qui n’égalera plus jamais par la suite, la maîtrise technique et narrative affichée dans les films policiers, les polars ou les thrillers de cette période artistiquement fascinante. Ce style caractéristique avait pour but de présenter un sujet, de traduire une histoire, sous un angle réel et réaliste, posé et esthétiquement simple, mais pas loin d’une véritable forme de poésie du langage cinématographique alors que le désenchantement de la société moderne résonnait dans des œuvres à la noirceur étourdissante. Avec Les Flics ne Dorment pas la Nuit, Fleischer livre une chronique neutre et sobre, épurée et dépouillée de tout artifice dramatique ou ressort narratif « cynique ». Ses personnages filmés avec une certaine « proche distance », ne sont ni des héros, ni des pourris. Ce ne sont ni des Bullitt, ni des Serpico ou des Shaft. Ce sont tout simplement des hommes, de simples policiers dans un quotidien qui leur est banal, fait de hauts et de bas, de drames et de furtifs moments de joie, de réussites et d’échecs. A aucun moment, le metteur en scène ne cherche à les placer sur un piédestal glorifiant la police ou son héroïsme. Ils ont leurs travers, leurs défauts, leurs peurs aussi. Avec Les Flics ne dorment pas la nuit, on bascule vraiment dans le quasi-documentaire tant la neutralité du cinéaste impressionne et confère force brute et émotion sans apparat.Fleischer pose un regard totalement lucide sur ces hommes au métier atypique, en marge d’une société qu’ils sont pourtant censés protéger. Il ne cherche pas à les rendre sympathiques, mauvais ou corrompus (comme dans beaucoup de films du genre), pas plus qu’il ne cherche à travestir une réalité par des « trucs » scénaristiques ou une quelconque gratuité dans le récit et ses péripéties. L’ambiance mélancolique et crépusculaire instaurée au fil des minutes vient se joindre aux légers relents de blaxploitation illustrés par la musique de Quincy Jones et les lieux singuliers, les quartiers chauds de Los Angeles au sens propre comme figuré. Combinés, ces éléments magnifient un film original, sorte de regard posé sur un quartier, à une époque donnée où la société semblait basculer du rétro au moderne que l’on connaît aujourd’hui, une société en pleine mutation évoluant vers quelque chose de pas forcément mieux. Car à l’instar de la Rome antique, ces policiers sont les premiers témoins de cette société basculant dans la décadence, où les vrais méchants ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Si le film se passe essentiellement dans les quartiers black de la ville, accentuant encore un peu plus le côté blaxploitation évoqué, les pires méchants ne sont pas toujours les petites frappes auxquelles les policiers sont confrontés au quotidien et si généralement désignées dans le genre. Un quotidien qui n’en est que plus difficile car le danger palpable peut survenir à tout moment, de partout, de n’importe quelle direction.Fleischer livre ainsi l’un des plus beaux fleurons d’un genre souvent difficile à cerner : la chronique. Car c’est vraiment de ce registre que se réclame Les Flics ne Dorment pas la Nuit. Séparant ses trois personnages fraîchement promus policiers en trois duos, le cinéaste passe habilement de l’un à l’autre, suivant tour à tour chacun de ses protagonistes avec, cela dit, une accentuation sur Fehler, flic interprété par un Steacy Keach au sommet de son art. Ce jonglage entre trois personnages « principaux » permet de suivre trois histoires parallèles, très différentes les unes des autres, se nourrissant chacune entre elle en vu d’un panorama assez large et riche du métier dépeint. Chacun est policier pour des raisons qui lui sont propres et chacun va alors évoluer à sa manière et selon sa personnalité. Des hommes qui vont ainsi apprendre séparément mais en se croisant, en se retrouvant dans des scènes aussi simples et touchantes que témoins de vérité. Des scènes qui dressent un constat, un quotidien plutôt que cherchant à scénariser, à « diégétiser », à rendre cinématographiques les histoires présentées.Bouleversant mais sans superflu, Les Flics ne Dorment pas la Nuit est un film juste, dans le ton, parfait dans la peinture d’une époque, passionnant dans la retranscription d’un monde et des personnes qui l’animent. Une sorte de film témoin à voir et à revoir tant pour la perfection qu’atteint Fleischer, pour son ode à l’amitié, à la transmission du savoir et de l’expérience, que pour la performance de ses immenses comédiens, de Stacy Keach au jeune Eric Estrada (le Poncherello de la série Chips), de George C. Scott à Scott Wilson… Bien avant un End of Watch de David Ayer qui s’en inspire mais avec davantage de spectaculaire et d’artifices, il était Les Flics ne Dorment pas la Nuit. Un chef d’œuvre des années 70, mais un chef d’œuvre tristement méconnu chez nous. Et c’est bien dommage car l’on est ici en présence de ce qu’est le Grand Cinéma, d’une précision chirurgicale, clinique et pourtant chaleureux, désespéré et pourtant porteur d’une forme d’espoir mélancolique, old school et pourtant résolument moderne. C’est ça un grand film, savoir allier le meilleur d’avant sans pour autant s’y enfermer paresseusement, et le croiser avec ce qui pourrait être le futur visionnaire de demain. Fleischer savait faire cela. Toujours moderne, jamais dépassé, sachant piocher le meilleur partout et en tout temps et contexte. La marque des géants.
LE COFFRET RICHARD FLEISCHER
Carlotta Films aime nous ressortir des pépites. Mais quand l’éditeur le fait, il ne le fait jamais n’importe comment. Encore une fois, les voilà qui frappe fort. Très fort. Les Flics ne Dorment pas la Nuit vient donc s’insérer dans un coffret Richard Fleischer absolument fabuleux, aux cotés de deux autres oeuvres de génie du célèbre metteur en scène. Terreur Aveugle avec Mia Farrow (1971) et L’étrangleur de Rillington Place (1971) sont les deux autres films marquants de cette édition d’ores et déjà, d’anthologie. Pour accompagner les films, proposés dans des versions restaurés magnifiques, pléiade de suppléments d’une grande valeur, à commencer à chaque fois, par des préfaces du réalisateur Nicolas Saada. Pour Terreur Aveugle, un entretien avec Fabrice du Welz, photos et bandes annonces. Pour L’étrangleur de Rillington Place, un entretien avec Christophe Gans, un second avec la comédienne Judy Gleeson (qui joue dans le film) et une bande annonce. Enfin, pour Les Flics ne Dorment pas la Nuit, un entretien avec Nicolas Boukrief, un entretien avec l’écrivain Joseph Wambaugh qui revient sur le film (à noter dedans, des témoignages exclusifs de Stacy Keach), un condensé d’extraits de 17 minutes illustrant le transfert du film au format Super 8… Bref, que du bon, pour un coffret qu’il faut avoir impérativement !
Bande-annonce :
Par Nicolas Rieux