Aujourd’hui, West Side Story est probablement l’une des comédies musicales les plus célèbres de l’histoire du cinéma aux côtés des Grease, Flashdance, Chantons sous la pluie, La Mélodie du Bonheur et on en passe. Tout le monde -ou presque- connaît la magnifique histoire d’amour entre Maria et Tony sur fond de guerre entre deux gangs rivaux, les Jets d’un côté (des Américains blancs) et les Sharks de l’autre (des immigrés portoricains). Tout le monde a déjà vibré devant les chorégraphies endiablées en pleine rue et les couleurs jaunes et rouges éclatantes, tout le monde a déjà chantonné le célèbre I like to be in America, tout le monde a été séduit par le charme de Natalie Wood ou le charisme de George Chakiris… Mais à l’origine, le film aux dix Oscars aurait pu être très différent, de l’histoire au casting.
Le scénario est une libre adaptation du classique Roméo et Juliette de Shakespeare, avec l’éternelle romance entre une fille et un garçon de milieux qui s’affrontent. Ici, deux gangs de rue ennemis sur fond d’origines différentes. Mais dans la première version du script imaginée en 1949 (soit 10 ans avant sa réalisation), West Side Story devait voir s’opposer… des juifs et des chrétiens ! L’action prenait place dans l’East Side new-yorkais. Jerome Robbins (chorégraphe et metteur en scène) et Leonard Bernstein (musicien et scénariste) souhaitaient monter une adaptation modernisée du chef-d’oeuvre shakespearien et le tandem avait pensé à utiliser les fêtes de Pâques comme argument pour mettre en scène les violences entre juifs et chrétiens. Dans cette version de ce qui s’appelait alors provisoirement Projet Romeo, Julia, une jeune fille juive, et Lorenzo, un jeune chrétien, voyaient leur histoire d’amour secrète sacrifiée sur l’autel des divergences communautaires et religieuses. Mais alors qu’ils essayaient d’avancer et avaient même engagé du renfort (le dramaturge Arthur Laurents), l’idée leur a semblé de moins en moins bonne car tous sentaient bien que cette opposition entre juifs et chrétiens n’avait plus rien de vraiment pertinent dans un XXeme siècle où les tensions étaient à la limite davantage entre juifs et musulmans. Et puis était-ce vraiment une bonne idée d’aller sur un terrain aussi sensible ? D’un commun accord, cette ligne directrice fut enterrée, comme le projet d’ailleurs, qui ne refera surface que six ans plus tard.
Quand West Side Story sera de retour dans les esprits, les complications furent nombreuses. Jerome Robbins, Leonard Bernstein, Arthur Laurents et le fraîchement recruté compositeur Stephen Sondheim ont de nouveau planché sur une comédie musicale pour Broadway. Malheureusement, personne ne voulait produire le show, y compris après une démo organisée devant toute la profession. Seule une personne s’est manifestée, la patronne du Theatre Guild, qui acceptait la pièce chez elle sous réserve de nombreux changements, dont la fin. A raison visiblement puisque le succès sera foudroyant. Peut-être le résultat de la conviction que mettaient les comédiens à incarner leurs rôles sous l’impulsion de Jerome Robbins qui, en tant qu’adepte de la Méthode Actor’s Studio, incitait les membres des deux groupes incarnant les Sharks et les Jets… à s’éviter en vrai ! Ça a tellement bien marché puisqu’à l’issue des répétitions, les deux « camps » ne s’adressaient plus la parole. Bref, fric à se faire droit devant, Hollywood pointa vite le bout de son nez.
Quand l’adaptation ciné s’est mise en branle, s’est vite posée la question du casting. George Chakiris (Bernardo – frère de Maria) fut le seul à passer des planches au grand écran puisqu’il avait incarné le rôle de Riff, le leader des Sharks, dans la version londonienne du show. De son côté, le cinéaste Robert Wise engagea Natalie Wood, déjà très connue à l’époque puisque sa carrière avait commencé enfant dans les années 40 et qu’elle avait tourné La Fureur de Vivre (entre autres) quelques années plus tôt. Mais quid pour Tony ? Dans un premier temps, le studio pensa à Marlon Brando, mais l’acteur avait déjà 35 ans. Trop vieux. Les regards se tournèrent alors vers Elvis Presley. Sa présence était jugée importante car sans lui au générique, le film n’aurait eu que Natalie Wood comme star porteuse. Et Hollywood aime les duo de stars pour les grandes romances. Mais la requête n’a pu aboutir. Si « Le King » était tenté par la proposition, son agent fît tout pour l’en empêcher, jugeant qu’un tournage de 6 mois était hors de question puisque sur un tel laps de temps, son poulain pouvait enchaîner au moins 4 ou 5 films (et donc plus d’argent à la clé pour lui en tant qu’impresario). Finalement, le moins connu Richard Beymer fut engagé. Robert Wise le connaissait pour l’avoir dirigé dans Mon Grand (1953) et on l’avait vu dans Le Journal d’Anne Frank de George Stevens. Le tournage pouvait enfin démarrer, tournage houleux duquel Jerome Robbins, en charge de la réalisation des scènes chorégraphiées, fut viré car il prenait trop de temps de répétition (et ils ne s’appréciaient guère avec Wise). Côté chant, Natalie Wood manqua de peu de chanter elle-même. Mais si elle fît quelques tentatives, sa voix fut jugée pas assez puissante et fausse dans les aigus. On l’entend au moins en fin de film puisqu’elle chante Somewhere. Pour le reste, elle fut doublée.
Bilan, on a failli avoir un film où juifs et chrétiens s’affrontent en musique avec Natalie Wood qui chante vraiment face à Elvis Presley (ou Marlon Brando) ! On verra maintenant ce que Spielberg va nous faire avec son remake attendu pour la fin de l’année.
finalement ça n’a pas tellement changé quand on sait comment les Etat-uniens « blanc » anglo-saxon traitent les ispaniques !..d’ailleurs ça transpire dans le fim !…
Bien que Spielberg soit un des meilleurs réalisateurs de notre époque, je pense qu’il aura bien du mal à surplanter voir égaliser, la version 1960 de JEROME ROBINS et ROBERT WISE! De plus, dénicher une autre Rita Moreno ( Anita ) ou Natalie Wood ( Maria ) sera chemin de croix! Sans oublier G.CHAKIRIS R. TAMBLYN R. BEYMER…Les chansons, la musique du film, galère pour faire mieux ou tout simplement égaliser…..Le tout est encré dans le cœur et la mémoire du public!