1996, Wes Craven frappe un grand coup dans le petit monde du cinéma d’épouvante avec Scream, classique méta devenu rapidement culte au point d’avoir engendré trois suites, bientôt quatre avec le prochain volet attendu pour le mois de janvier. Sur un scénario redoutablement malin de Kevin Williamson, Scream va vite s’imposer comme un phénomène doublé d’un succès planétaire. Il ne faudra pas attendre bien longtemps avant qu’une suite soit mise en chantier. A vrai dire, cette suite, Williamson l’avait même déjà pensée dès l’écriture du premier volet. Le scénario était plus ou moins écrit quand Scream 1 sort en salles. Mais c’est quand le succès va se confirmer passé les 50 millions de dollars de recettes que la production du second volet va être vraiment officialisée et lancée par le studio.
L’une des choses les plus mémorables du premier film est bien sûr son fameux twist de fin. Qui était le tueur derrière le masque ? Certains bomberont le torse en disant « Je l’avais vu venir« , d’autres avoueront avec honnêteté avoir marché à fond dans l’embrouille… Le whodunit était implacable et l’un des défis de Kevin Williamson était alors de parvenir à reproduire le même effet de surprise sur Scream 2, sachant qu’il serait plus attendu. Dans un premier temps, le scénariste imagina plusieurs possibilités, écrivant de multiples fins où le tueur changeait selon les versions. Dans l’une d’elle, il alla même jusqu’à faire de Dewey (le célèbre policier maladroit incarné par David Arquette) l’assassin au masque fondu. Sur cet éventail d’options, une sera choisie par Wes Craven, la production et Williamson.
Le tournage commence en juin 1997 en mode « fast & furious » puisque la sortie est prévue pour le… 12 décembre 1997. Soit seulement six mois plus tard ! Mais le délai ne tiendra pas à cause d’un gros problème qui viendra foutre la production en l’air. La sortie sera finalement décalée à juillet 1998. Le problème va s’appeler « internet ». La chose était plutôt naissante à l’époque et en plein essor. Néanmoins, les ennuis qu’on connaît parfois aujourd’hui était déjà là aux débuts. Juillet 1997, alors que le tournage avance, Kevin Williamson envoie une mouture légèrement retouchée du scénario à la production. L’e-mail est soi-disant intercepté et le script fuite sur internet ! Avec lui, l’identité du tueur (on se souvient encore l’avoir lu à l’époque). Une autre version affirme que ce serait un figurant qui aurait mis la main dessus sur le tournage et qui l’aurait subtilisé afin de le balancer sur la toile. Scream 2 était devenu, à l’époque, l’un des premiers gros film de studio à connaître cette mésaventure.
La décision sera prise de tout changer. Williamson réécrit une partie de l’intrigue, change complètement la fin et l’identité des tueurs, Sidney Prescott (Neve Campbell) survit alors qu’elle devait initialement y passer dans cette suite, et la sortie est décalée. Sur le tournage, c’est omerta. Toute l’équipe travaille désormais avec des morceaux de scénario et la totalité (dont la fin) n’est jamais dévoilée à personne par précaution. Les acteurs avaient une fausse version du script et ceux concernés par le final n’en ont reçu les pages que le jour-même, et encore pas toutes.
Sauf que tout cela, c’était la version officielle connue depuis de nombreuses années ! La vérité sera rétablie 20 ans plus tard par Kevin Williamson lui-même dans une interview accordée à Dead Central. Tout le monde a marché et participé à la « blague » à l’époque, Wes Craven le premier. Le cinéaste en interview pour la promotion de Scream 2 n’hésitait pas à déclarer que la sortie avait du être décalée à cause de la fuite du script, que tout avait dû être réécrit blablabla… Sauf qu’en réalité et contrairement à la légende répandue depuis, le script qui avait fuité était… un faux ! Ou plus précisément, l’un des leurres imaginés pour contrer toute éventuelle fuite. La version que l’on connaît aujourd’hui avec l’identité des tueurs, était bien la bonne actée dès le départ.
Depuis, la méthode s’est popularisée. Sur les films contenant un gros spoiler, il est devenu coutume de ne pas donner l’intégralité du scénario ou d’en prévoir des factices pour le cas où (Batman V Superman par exemple). Une manière d’essayer de contrer ce phénomène de la divulgation de scripts sur le net, comme en furent victimes des films tels que Les 8 Salopards de Tarantino, le James Bond Spectre, Les Gardiens de la Galaxie 2 ou dans une moindre mesure la dernière saga Star Wars.