C’est l’un des plus grands films de Blake Edwards, l’un des plus célèbres d’Audrey Hepburn, et un immense classique du cinéma. Sorti en 1961, Diamants sur Canapé était une adaptation d’un roman de Truman Capote. L’histoire d’une jeune call girl chic qui erre dans une existence en toc à New-York à la recherche d’un milliardaire à plumer. Jusqu’où jour où l’imprévu lui tombera sur le coin du nez tenant ses grandes lunettes noires. Holly va croiser la route d’un écrivain un brin gigolo sur les bords, vivant aux crochets d’une bourgeoise âgée et aisée. Paul Varjak va s’amouracher de la belle alors qu’elle ne voit en lui qu’un ami. A l’écran, un magnifique duo de cinéma, Audrey Hepburn donc, et George Peppard. Mais un duo qui aurait pu être tout autre…
Quand Truman Capote a écrit le roman Breakfast at Tiffany’s, l’auteur pensait à Marilyn Monroe. Il avait en tête son charme malicieux, sa beauté touchante, sa tendre naïveté, sa fragilité à fleur de peau, son élégante assurance aussi. Les droits du roman seront achetés par la Paramount, qui lancera assez vite la phase de production. Conscient du potentiel commercial d’un film avec Marilyn, le studio fera des pieds et des mains pour essayer de convaincre la star de participer au projet. En vain. Trop peu sûre d’elle, Marilyn s’en remettait beaucoup aux conseils de son agent qui lui recommanda plutôt d’aller tourner The Misfits sous la direction de John Huston. Il faut avouer que le film avait tout pour satisfaire la miss Monroe. Éternellement mélancolique et triste d’être vue comme une potiche jouant des rôles de potiches, Marilyn a toujours cherché à « prouver » quelque chose, a toujours voulu montrer qu’elle valait mieux que ça, elle a toujours rêvé d’avoir la reconnaissance du métier. Avec The Misfits, elle tenait là une occasion en or pour son « image » et ses envies de jeu, un drame dirigé par l’immense John Huston, écrit par le non moins immense Arthur Miller et interprété par des géants tels que Clark Gable ou Montgomerry Clift. The Misfits était une opportunité idéale pour être enfin prise au sérieux. A côté, et sur le papier, Diamants sur Canapé lui offrait un rôle de petite prostituée au charmant vague à l’âme dans une comédie romantique dirigée par un cinéaste quasi inconnu et débutant. Car oui, précision de taille, ce n’était pas Blake Edwards qui devait réaliser le film au départ mais John Frankenheimer, lequel n’avait alors qu’un seul film à son actif (Mon père, cet étranger). On peut comprendre le choix de Marilyn, choix qu’elle justifiera d’ailleurs en livrant l’une des plus fabuleuses et bouleversantes prestations de sa carrière (avec Don’t Bother to Knock) dans un film absolument formidable.
Le rôle vacant a alors été proposé à plusieurs comédiennes, Kim Novak et Shirley MacLaine en tête. Les deux déclineront. Le hasard fera qu’au final, MacLaine jouera quand même une prostituée au minois mutin deux ans plus tard dans le Irma La Douce de Billy Wilder. Finalement, la Paramount réorientera son idée sur Audrey Hepburn sans grande conviction, l’image d’alors de la comédienne ne collant pas trop au rôle. Surprise et emballée, Audrey Hepburn acceptera au grand étonnement du studio… qui s’en frottera les mains car le potentiel commercial était là. Voir la jeune star de Vacances Romaines, Sabrina ou Drôle de Frimousse dans un rôle à semi contre-emploi avait de quoi exciter les cadres de la firme. Les deux seuls à ne pas s’être réjoui de la nouvelle ont été Truman Capote et John Frankenheimer. Le premier voyait son rêve de Marilyn s’effondrer alors qu’il avait imaginé le personnage en pensant à elle. Il fera d’ailleurs bien comprendre sa rogne lors de ses passages sur le tournage. D’autant que l’écrivain s’est senti « doublé » à tous les niveaux dans cette adaptation. Pour le casting loin de ses souhaits, mais aussi pour le scénario qui fut modifié à plusieurs reprises par rapport à son roman, avant le tournage (le nom du personnage pour commencer passant de Connie Gustafson à Holly Golightly) puis après coup de sorte à mieux coller à la personnalité d’Audrey Hepburn et non plus à celle Marilyn. Enfin, l’autre grand perdant dans l’affaire sera Frankenheimer. Le cinéaste sera en effet vite remplacé par Blake Edwards, sur demande d’Audrey Hepburn qui ne connaissait absolument pas le metteur en scène (comme beaucoup à l’époque). Et pour faire signer Audrey Hepburn, autant dire que la Paramount ne s’est pas embarrassé de ce genre de détail. Un autre réalisateur ? Pas de problème mademoiselle Hepburn, on va trouver ça. Et voilà comment Diamants sur Canapé est devenu un classique hepburnien en lieu et place d’un film « Marilyn ».
Par Nicolas Rieux