Partagez cet article
Années 50, François Truffaut sort d’une jeunesse très turbulente et devient critique de cinéma, soutenu par la bienveillance d’André Bazin. L’ascension commence. Ces années « d’apprentissage » formeront un œil de cinéaste qui concrétisera vraiment son potentiel en 1959 avec Les 400 Coups, son premier long-métrage. Et par ailleurs le premier chapitre de ce qui deviendra des années plus tard, la « saga Antoine Doisnel ». Antoine Doinel, c’est le nom d’un personnage entré dans la légende du septième art (nom qui au passage n’arriva qu’au milieu de tournage, initialement il devait s’appeler Antoine Loinod). Antoine Doinel, c’est aussi Jean-Pierre Léaud. Et pas mal Truffaut en substance. Une conjugaison des deux dira t-on.
Film emblématique de la Nouvelle Vague alors naissante, ce premier long-métrage (après quelques courts) sera un succès. Un succès qui naîtra un certain 04 mai 1959 au festival de Cannes, au terme d’une projection ovationnée. L’une des plus belles ironies de l’histoire du cinéma français quand on sait qu’un an auparavant, le jeune cinéaste avait été… interdit de festival ! En effet, payant ses critiques virulentes et répétées à l’encontre d’une manifestation qu’il apparente à un festival de promotion pétri dans ses circonvolutions politiques, le François Truffaut alors critique de cinéma avait vu sa demande d’accréditation refusée par le bureau du festival. Ce même festival qui, un an plus tard, lui fera les yeux doux et le sélectionnera en compétition officielle pour lui décerner le Prix de la mise scène ! Il devait bien rigoler dans sa chambre d’hôtel sur la Croisette. Une chose est sûre, la récompense était méritée. Les 400 Coups est un chef-d’œuvre. Un chef-d’œuvre qui revenait de loin car rien n’aura été simple.
Truffaut aura navigué entre coups de bol et malchances durant toute la préparation puis le tournage du film. Coup de bol pour se lancer par exemple. D’abord parce que le CNC a accepté sa demande de dérogation pour échapper aux règles en vigueur dans le système de l’époque. En effet, pour pouvoir prétendre à tourner un long-métrage, il fallait avoir été au moins trois fois second assistant-réalisateur puis trois fois premier assistant. Ce qui n’était pas son cas. Deuxième coup de pot, Truffaut a trouvé de quoi financer son film via ses beaux-parents ! Ces derniers venaient de toucher le jackpot avec Quand Les Cigognes Passent, le classique russe de Mikhaïl Kalatozov dont ils avaient acheté les droits pour la France… sans se douter une seule seconde qu’il décrocherait la Palme d’or à Cannes quelques mois plus tard. Décidément, Cannes aura bien aidé ce Truffaut si détesté dans les bureaux de la Croisette !
Coup de malchance par contre quand son père spirituel, le regretté André Bazin, décédera le premier jour du tournage, plongeant Truffaut dans une tristesse insondable. Coup de bol quand il tombera sur la perle rare en la personne de Jean-Pierre Léaud. Alors qu’il cherchait désespérément son Antoine, c’est un ami qui lui suggéra le fiston d’un assistant-réalisateur, un gamin turbulent très proche de ce qu’a pu être Truffaut lui-même dans sa jeunesse. Coups de malchance quand le jeune cinéaste dut faire face à 1001 galères sur le tournage entre coupures de courant répétées dans l’appartement « des Doinel », descentes de flics appelés pour tapage nocturne (l’inconvénient de tourner dans le vrai sans autorisations) ou un Léaud blessé à deux reprises et pas toujours très gérable (il eut des démêlés avec un patron de bistrot par exemple qui l’accusa de vol et insultes). Coup de bol par contre quand le film sortira. Non seulement il sera un franc succès, mais il alla jusqu’à être nommé à l’Oscar du Meilleur Scénario. Coup de malchance enfin quand les parents de Truffaut le verront. Ces derniers réagiront très mal, son père notamment, horrifié par la description parentale dressée dans un film largement autobiographique. Il n’adressera plus la parole à son fils durant deux ans.
Outre une ressortie en salles à partir de 08 décembre, la saga Antoine Doinel vient de paraître en coffret Blu-ray (normaux et UHD) chez Carlotta Films avec tous les films restaurés en 4k. Au menu, cinq films : Les 400 Coups, Baisers Volés, Domicile Conjugal, L’Amour en Fuite et le court-métrage Antoine et Colette. A cela vient s’ajouter de très nombreux suppléments enrichissant ce beau coffret collector. Le court-métrage Les Mistons réalisé par Truffaut en 1957, des archives télévisuelles exclusives dont des entretiens avec Truffaut, ses comédiens et son équipe, des présentations par Serge Toubiana, des bouts d’essai de comédiens, des commentaires audio… Noël toque justement à la porte, voilà le cadeau parfait pour un cinéphile !