Comme quelques autres monuments de son époque, Burt Lancaster n’était pas réputé pour son caractère facile. La star de l’âge d’or d’Hollywood était un homme de contradictions. D’un côté, il y avait le Lancaster amateur de littérature, de musique classique et d’Opéra. De l’autre, il y avait le dur à cuire, image cultivée par ses choix de films. D’un côté, il y avait l’homme loyal et touchant, celui qui par exemple est resté jusqu’au bout aux côtés de son ami Rock Hudson, victime du SIDA. De l’autre, il y avait ce caractère entier qui l’a amené à soutenir avec une conviction féroce, les causes auxquelles il croyait (opposition à la chasse aux communistes, opposition à la guerre au Vietnam, soutien de Martin Luther King, virulent critique de la politique libérale, soutien des classes pauvres). Et au milieu de tout ça, il y avait le tyran qui piquait des colères monumentales sur ses tournages, qui voulait avoir un contrôle absolu, qui exerçait une forte pression sur ses collaborateurs, qui avait un caractère particulièrement dur et intransigeant. Un qui pourrait bien en témoigner, c’est le réalisateur Michael Winner (Un justicier dans la ville) qui a dirigé Burt Lancaster sur le western L’Homme de la Loi (1971). Winner a vécu sans aucun doute, l’un des moments les plus dingues -et flippant- de sa carrière.
Jusque-là, le tournage se passait à peu près bien. Même si Lancaster n’était pas facile, Michael Winner tenait bien son film et sa belle distribution composé également de Robert Duvall, Robert Ryan et Lee J. Cobb. Vînt le jour du tournage d’une scène où le personnage de Burt Lancaster (un shérif) devait abattre son cheval, gravement blessé par Robert Duvall. La scène sera tournée sous cinq angles, le plus rapidement possible car la bête a été endormie avec des cachets. Le cinquième angle n’étant pas tout à fait prêt, Michael Winner tourne d’abord les quatre autres. Burt Lancaster, armé d’un colt 45, s’exécute. Courte pause le temps que le cinquième angle soit finalisé. Chose faite, on s’affaire pour tourner. Burt Lancaster se pointe… avec une carabine Winchester. Michael Winner lui fait remarquer qu’il avait un Colt 45 sur les quatre premières prises. Allez savoir pourquoi mais Burt Lancaster va littéralement péter un plomb. Persuadé que Winner a tort, l’acteur va copieusement insulter son metteur en scène. Très calme, Winner va tenter de le convaincre qu’il tenait bien un Colt auparavant. Malheureusement, tenir tête à Lancaster, même à raison, était l’erreur.
Burt Lancaster va alors attraper Michael Winner par le col et le traîner jusqu’au bord d’une falaise de plusieurs centaines de mètres en hurlant « Avec quoi j’ai tiré sur ce putain de cheval, espère de connard d’enculé d’anglais de merde ?! » Voyant sa dernière heure arriver et le vide juste à côté, Michael Winner va s’incliner et dire que c’était bien une carabine Winchester. Le tournage se poursuivra comme si de rien n’était.
Quelques mois plus tard, l’équipe se retrouve pour la postsynchronisation du film. En le visionnant, Burt Lancaster tique sur ladite scène et son faux raccord, malgré le fait que Winner ait intercalé un plan de vautours dans le ciel pour adoucir l’erreur. Pourquoi ce faux raccord demande Lancaster ? Et Michael Winner de gentiment lui rappeler qu’il a failli le balancer dans le vide s’il ne tournait pas avec la Winchester. Le plus calmement du monde, Lancaster dira : « Ah bon. Je ne m’en souviens pas Michael« . Heu… Ok.