Warner Bros lance une nouvelle collection DVD à petit prix (9€90 l’unité) baptisée « Patrimoine ». L’occasion idéale de (re)découvrir quelques grands chefs d’oeuvre du cinéma américain. Au programme, Le Massacre de Fort Apache, La Charge Héroïque ou Le Convoi des Braves de John Ford, mais également le mythique La Captive aux yeux Clairs de Howard Hawks avec Kirk Douglas, le classique du film de guerre Les Diables de Guadalcanal par Nicholas Ray ou encore les plus méconnus mais non moins valeureux Le Premier Rebelle de William A. Seiter, La Gloire du Cirque de George Stevens, Retour aux Philippines d’Edward Dmytryk ou Taikoun de Richard Wallace. Focus sur les trois John Ford.
S’il y avait un spécialiste du western à retenir, ce serait lui. Même si beaucoup de néophytes penseront immédiatement à Sergio Leone et ses clinquants western spaghetti, la plupart des cinéphiles auront eux, à la bouche, l’illustre John Ford, le maître aux œuvres fondatrices et matricielles qui vont nourrir quantité de cinéastes après lui et chose étrange, pas seulement dans le seul registre du western. Si John Ford n’a pas œuvré que dans ce seul genre tout au long de son impressionnante et immense filmographie, ses westerns y occupent une place à part. D’une, pour leur présence et leur quantité non négligeable, et de deux, car pour la plupart, ils sont des classiques inimitables et magistraux. La collection « Patrimoine » éditée par Warner Bros en propose trois : Le Convoi des Braves (1950), La Charge Héroïque (1949) et Le Massacre de Fort Apache (1948). Trois films, trois années de la carrière de John Ford et trois chefs d’œuvre impérissables de l’histoire du septième art.
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Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Fort Apache
Père : John Ford
Date de naissance : 1948
Majorité : 13 mai 2015
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Warner Bros)
Nationalité : USA
Taille : 2h08 / Poids : NC
Genre : Western
Livret de famille : John Wayne (Kirby York), Henry Fonda (Owen Thursday), Shirley temple (Philadelphia Thursday), Pedro Armendariz (Beaufort), Ward Bond (Sgt O’Rourke), Victor McLaglen (Mulcahy), John Agar (Michael O’Rourke)
LE MASSACRE DE FORT APACHE (1948)
LA CRITIQUE
Résumé : L’arrogant colonel Thursday, accompagné de sa fille Philadelphia, vient d’être nommé à Fort Apache, poste de cavalerie reculé du désert d’Arizona. Il y est accueilli par le capitaine York, homme de terrain qui connaît bien les Indiens. Vexé d’avoir été affecté dans ce qu’il considère comme un « trou perdu », le colonel impose au Fort une discipline d’école militaire. Ignorant les mises en garde de York, Thursday, avide de gloire personnelle, entraîne son régiment dans un piège tendu par les Apaches…L’INTRO :
Le Massacre de Fort Apache, réalisé en 1948, réunit un casting d’exception. Le grand Henry Fonda dans un rôle complexe à cheval entre le détestable et l’anti-héros dont on a pitié, l’éternel compagnon fordien John Wayne et la belle petite fiancée de l’Amérique qui a bien grandi, Shirley Temple. Un trio fort auquel s’ajoutent Pedro Armendariz, War Bond et John Agar (deux autres comparses fidèles de John Ford) ou Victor Mc Laglen, père du futur réalisateur Andrew.L’AVIS :
Prenant indirectement pour sujet, sans jamais le nommer, l’épisode de la défaite du Général Custer face aux troupes du chef indien Sitting Bull, Le Massacre de Fort Apache est un film riche à bien des égards. D’abord, par la façon dont il tord le cou à la réputation accolée à John Ford, souvent qualifié de réactionnaire limite raciste et d’excessivement nationalisme et patriotique. Fort Apache est un récit pro-indien et surtout un remarquable et discret pamphlet anti-racisme dont la force est de glisser la thématique en sous-texte sans qu’elle ne soit jamais le sujet principal. En premier lieu, Le Massacre de Fort Apache est une charge contre l’homme vaniteux. Le Lieutenant-colonel Owen Thursday, envoyé dans ce fort lointain, n’est pas sans rappeler ce gradé que l’on retrouvera des années plus tard dans le Croix de Fer de Sam Peckinpah. Cet homme vexé par cette affectation dégradante et qui n’a comme seule ambition que de devenir Général peu importe ce qu’il devra sacrifier pour y parvenir. Et Thursday en sacrifiera des choses à commencer par la raison et pire que tout, l’aspect humain des situations. Obnubilé par son désir fou, par sa volonté de gloire, Thursday multipliera les erreurs malgré les mises en garde de ses hommes rompus au terrain et aux lieux. Fort Apache est le récit d’une quête aveugle et égoïste, d’une destinée que l’ambition démesurée et obstinée détruira, non sans conséquences tragiques.À l’image de ce qu’il véhicule, Le Massacre de Fort Apache est un film humble et d’un profond humanisme salvateur, dénonçant beaucoup de choses derrière son épopée westernienne, du racisme aux préjugés en passant par l’incompétence des dirigeants pensant tout mieux savoir que leurs hommes exerçant le métier depuis bien plus longtemps (il est facile d’extrapoler la métaphore), par le danger du manque d’humilité, par les risques du despotisme borné ou encore l’ambition malsaine et non canalisée. Formant une trilogie de la cavalerie avec Rio Grande et La Charge Héroïque, Le Massacre de Fort Apache est un illustre western, du grand John Ford/Wayne à la fois magnifique et d’une grande profondeur dans sa peinture des personnages que l’on sent pensée avec soin et approfondie avec intelligence. Il se dégage une intensité permanente dans les différents chapitres de la vie de ce fort reculé aux allures de théâtre où se profile une pièce tragique incarnée par l’obéissance résignée malgré le sort qui se dessine. Et l’on ne peut qu’être fasciné par cette histoire terrible et amère où les événements foncent avec une logique implacable vers une destinée que l’on ne pressent que trop bien.
BANDE-ANNONCE :
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Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : She Wore a Yellow Ribbon
Père : John Ford
Date de naissance : 1949
Majorité : 13 mai 2015
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Warner Bros)
Nationalité : USA
Taille : 1h43 / Poids : 1,6 M$
Genre : Western
Livret de famille : John Wayne (Nathan Brittles), Joanne Dru (Olivia), Victor McLaglen (Quincanon), Ben Johnson (Tyree), John Agar (Cohill), Harry Carey Jr (Pennell)….
LA CHARGE HÉROÏQUE (1949)
LA CRITIQUE
Résumé : À quelques jours de sa retraite, le capitaine de cavalerie Nathan Brittles doit maîtriser la révolte d’une tribu indienne armée par des trafiquants rebelles. Par sécurité, le commandant du fort lui demande de conduire son épouse ainsi que sa nièce Olivia en lieu sûr…L’INTRO :
La Charge Héroïque est le deuxième volet de la trilogie de la cavalerie, aux côtés du Massacre de Fort Apache et de Rio Grande. Ce chef d’oeuvre récompensé aux Oscars (meilleure photographie) est une nouvelle fois le théâtre de la réunion de John Ford, son cinéma, ses thématiques favorites et plusieurs de ses comédiens fétiches, l’incontournable John Wayne en tête (qui arbore un maquillage le vieillissant de vingt ans pour incarner un officier vétéran proche de la retraite) mais également Victor McLaglen, John Agar ou dans une moindre mesure, Ben Johnson.L’AVIS :
Dans la veine de la construction sémantique du Massacre de Fort Apache, John Ford signe à nouveau un western crépusculaire où se mêle chronique de la vie d’un fort et tensions extérieures avec les indiens locaux. Et La Charge Héroïque d’osciller en permanence entre le drame mélancolique, la romance touchante, le suspens étouffant et le film d’aventure westernienne pur, avec en sus, ces éternels traits de comique burlesque chers au cinéaste. Sous l’œil de sa caméra, tout y est. Les paysages impressionnants et grandioses de l’Ouest américain (Monument Valley en l’occurrence) que Ford met en valeur comme à son habitude avec une mise en scène énamourée et lyrique, les héros typiques de son cinéma, à la fois glorifiés pour leur sens de l’honneur et de la droiture, et égratignés discrètement par un éventail de petits rien qui en disent long. Des égratignures qui ont surtout pour effet de les rendre humains, de les rendre emblématiques du cinéma fordien, peuplé de héros forts et valeureux mais dans le même temps, vulnérables derrière leurs solides carapaces.Film d’affrontement à tous les égards, La Charge Héroïque est un monument dans la carrière de John Ford. Un monument à la fois représentatif et atypique. Un film à double enjeu, à double confrontation, intérieure et extérieure. A l’image de cette Amérique qui s’est construite dans la douleur, ayant fait face à ses ennemis de dehors pour gagner son indépendance avant de devoir composer avec ses tensions internes au cours des années 1860-70, guerre de sécession puis guerre entre colons et indiens dans la conquête de l’Ouest sauvage. Au sein du fort, c’est l’affrontement romanesque entre deux prétendants à la même femme (John Agar et Harry Carey Jr courtisant la belle Joanne Dru). Hors de ses murs, ce sont les tensions grandissantes avec les apaches prêts à marcher sur l’homme blanc, obligeant un vieil officier (John Wayne) à devoir trouver un moyen d’apaiser une situation brûlante. Si l’intrigue se fond dans la pure tradition du cinéma de John Ford, La Charge Héroïque trouve pourtant le moyen d’être surprendre en cela que le drame romantique finit par prendre le pas sur l’attendue « charge héroïque ». Un choix narratif à l’opposé de ce que la plupart des cinéastes « efficaces » auraient fait.Enfin, on aura souvent reproché à John Ford son patriotisme réac. Encore une fois, La Charge Héroïque tord le coup aux médisances. Dans ce face-à-face tendu opposant un officier blanc et un chef de tribu indienne, ce qui épate le plus, c’est la mise à niveau. Peu de cinéastes peuvent se targuer d’un tel respect pour les forces en présence. D’égal à égal dans un vrai positionnement humaniste, John Ford désamorce, expédie le spectaculaire, et aspire à une ode à la paix. Ce qui aura pour effet d’offrir à son comparse John Wayne, l’un de ses plus rôles sous l’œil de la caméra du maître.
BANDE-ANNONCE :
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Mondo-mètre
Carte d’identité :
Nom : Wagon Master
Père : John Ford
Date de naissance : 1950
Majorité : 13 mai 2015
Type : Sortie DVD
(Éditeur : Warner Bros)
Nationalité : USA
Taille : 1h20 / Poids : NC
Genre : Western
Livret de famille : Ben Johnson (Travis), Harry Carey Jr. (Sandy), Joanne Dru (Denver), Ward Bond (Wiggs), Francis Ford (Peachtree), Charles Kemper (Shiloh), Alan Mowbray (Locksley), Jane Darwell (soeur Ledeyard), Russell Simpson (Perkins)…
LE CONVOI DES BRAVES (1950)
LA CRITIQUE
Résumé : Dans les années 1870, deux jeunes maquignons acceptent de conduire un convoi de Mormons vers la vallée de San Juan dans l’Utah. C’est vers cette «Terre promise» qu’ils souhaitent se rendre avec leurs biens et leurs aspirations afin d’y fonder une nouvelle colonie. Au cours de leur odyssée, ils vont devoir affronter maintes péripéties, accueillir au sein de leur austère communauté une maigre troupe de pathétiques saltimbanques et affronter de cruels hors la loi.L’INTRO :
Au sortir de sa trilogie de la cavalerie, John Ford délaisse la thématique militaire et aborde la question des grands flux migratoires vers l’Ouest en prenant pour sujet les colons aux rêves de nouvelle vie. Le Convoi des Braves n’est pas le plus connu des films du cinéaste, mais c’est pourtant l’un de ses plus surprenants à bien des égards. C’est également à n’en pas douter, son plus audacieux, son plus pur, son plus naturaliste, et pas seulement pour sa propension à filmer comme personne, ces grands espaces qu’il aura rendu si iconiques et emblématiques du western américain.L’AVIS :
Avec Le Convoi des Braves, John Ford se frotte à la quintessence même du western, en recherchant une forme de pureté qui se dissémine dans tout le système névralgique de son œuvre. On pouvait s’attendre avec ce projet de récit d’un groupe de mormons se lançant dans un périple harassant pour gagner les contrées sauvages de l’Ouest, à un récit trépidant, truffé d’aventures haletantes, nourri aux attaques de convois, aux affrontements avec les indiens, au spectacle grandiloquent. On pouvait s’attendre à un film qu’aurait pu réaliser un Anthony Mann, par exemple. On pense aux Affameurs avec James Stewart, entre autres. Pourtant, ce qui va faire du Convoi des Braves une œuvre exceptionnelle, c’est son application à se détourner en permanence des attentes les plus évidentes. D’un revers de la main, John Ford balaie tout sensationnalisme d’aventures trépidantes. Le Convoi des Braves est une œuvre minimaliste, simple, épurée, mettant seulement en valeur ces longs périples dangereux auxquels se sont adonnés des groupes d’américains en quête d’un rêve. Ce que raconte John Ford, c’est simplement la traversée de ces contrées arides en direction d’un graal synonyme de renouveau. Il ne se passe pour ainsi dire quasiment rien dans ce western tourné à l’économie, préférant des valeurs simples de bravoure et de courage, aux rebondissements haletants.Sans doute personne mis à part John Ford n’aurait pu réaliser un pari aussi fou que Le Convoi des Braves. Le cinéaste était alors au sommet de son art, au firmament de sa maîtrise du western. Et c’est justement parce qu’il en comprenait chacun des aspects, chacun des codes, parce qu’il avait fait et défait le genre, qu’il pouvait se permettre une telle prise de risque, sachant parfaitement qu’il saurait trouver le moyen de rendre passionnante cette histoire de rien, cette histoire qui aurait été chez d’autre, un contexte, un fond. Et c’est exactement cela que fait John Ford ici. Il choisit de mettre au premier plan, ce qui traditionnellement est une simple toile de fond prétexte aux aventures. Il épure le western de ses conventions pour ne garder que le séminal, que le cœur souvent recouvert de couches de distraction. Le résultat est brillant, virginal, essentiel. Une simple micro-intrigue l’habite et encore, John Ford la laisse sans arrêt évoluer en arrière-plan. Définitivement, il n’y avait que lui pour signer un tel chef d’œuvre sans basculer dans l’ennui. Certains y verront un western mineur ne sachant quoi raconter et tournant à vide. En réalité, le spectacle finit par se trouver ailleurs que dans les rebondissements narratifs. Il est dans cette illustration fabuleuse d’un voyage intense, sobrement dépeint, subtilement raconté, entre romance, drôlerie et véracité poignante. Le Convoi des Braves, ou quand John Ford fait un film de détail.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux