Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Kapringen
Père : Tobias Lindholm
Livret de famille : Pilou Asbæk (Mikkel), Søren Malling (Peter Ludvigsen), Dar Salim (Lars), Roland Møller (Jan), Gary Skjoldmose Porter (Connor)…
Date de naissance : 2012 (sortie le 10 juillet 2013)
Nationalité : Danemark
Taille/Poids : 1h39 – Budget NC
Signes particuliers (+) : Une petite pépite nordique qui ne manque pas d’intelligence aussi bien dans son discours de fond que dans sa forme glaçante tout en suspens réaliste et aiguisé comme une lame.
Signes particuliers (-) : Quelques maladresses narratives ou dans la gestion du rythme et un film qui aurait mérité à mieux gérer son équilibre entre impact sec et tension en apnée.
LE COÛT DE LA VIE
Résumé : Lors de sa traversée de l’océan indien, le navire danois MV Rosen est pris d’assaut par des pirates exigeant 15 millions de dollars pour libérer l’équipage. Mikkel, le cuisinier de l’équipage se retrouve au centre des tractations alors que son patron cherche à faire baisser le prix de la rançon…
La recrudescence des actes de piraterie de bateaux au large des côtes somaliennes a fait son petit bonhomme de chemin jusqu’au cinéma. Alors que Paul Greengrass travaille sur son prochain Captain Phillips, un biopic avec Tom Hanks, le danois Tobias Lindholm (scénariste de La Chasse de Vintenberg ou sur la série Borgen et réalisateur de R en 2010) débarque avec Hijacking, une fiction nordique pas directement inspirée d’un fait réel en particulier mais essayant de restituer l’ambiance de ces prises d’otages à rançon. Comme pour son premier long-métrage, Lindholm ne va chercher le spectaculaire forcé mais s’applique à garder son code déontologique stylistique personnel du cinéma soumis à ce qu’il appelle les « règles de la vérité ». En gros, un cinéma s’attachant à évacuer les déformations fictionnalisantes pour privilégier un maximum de réalisme dans la retranscription des évènements choisis. Pour cela, direction les côtes du Kenya, sur un bateau qui a déjà subi ce type de mésaventure et accompagné d’un détachement de gardes armés. Outre un cadre de tournage qui renforce la crédibilité de l’entreprise, ces conditions particulières auront au passage un effet sur l’ambiance générale de ces quelques semaines passées en mer avec un climat non sans tension qui nourrira le film lui-même et le résultat visible à l’écran.
Hijacking est un film appliqué d’une immense maîtrise alors que sa simplicité lui confère l’essentiel de sa force. Avec ses acteurs peu connus du grand public (certains aperçus dans la série évoquée, Borgen) qui peuvent largement prétendre avec crédibilité à être PDG d’une multinationale ou simple matelot sur un vieux rafiot, et sa tension cinglante enveloppant un film sans fioriture et d’une grande justesse de ton, ce second long-métrage du brillant Tobias Lindholm est un thriller dramatique en apnée dans un environnement et un contexte étouffant et éprouvant pour les nerfs. Le cinéaste approche son sujet en esquivant le piège de la lecture facile et simpliste et essayer de conférer une dimension passionnante de lectures sous-jacentes à un film dénonçant non pas seulement ce phénomène malheureusement devenu fréquent mais le cadre dans lequel il s’organise entre des sociétés brassant des millions et les étalant à la pleine vue de populations affamées dans des pays pauvres. La dualité du regard choisi par le scénario, confrontant deux angles entre d’un côté les pauvres victimes directes de ces boucaniers modernes crevant la faim dans leur pays et de l’autre, ces patrons qui s’engraissent, gérant des millions au quotidien et marchandant la vie de leurs hommes, est en cela une approche d’une finesse et d’une intelligence redoutable jouant ainsi une fois de plus sur l’opposition des classes et sur l’opposition dans le monde entre les malheureux des ex-dits « Pays du Tiers Monde » et ceux occidentalisés avec en fond, la multiplicité des conflits d’intérêt qui s’affrontent.
Rugueux et âpre, Hijacking est ficelé avec une concision et une sobriété extrême laissant la part belle à l’expression des ressentis et aux discours jalonnant le récit, doublée d’une grande créativité pour ce qui est de tenir ce thriller haletant à la force d’un dialogue téléphonique haché façonnant la pression permanente de cette pépite dense et plongeant sans esbroufe le spectateur au cœur des maux de notre « monde mondialisé et pourtant si égoïste ». Pour un second effort, Tobias Lindholm impressionne à défaut de toucher à la perfection. Hijacking manque un peu de nervosité et de brutalité sèche et impactante (et essaie d’aller la rechercher dans quelques emprunts aux blockbusters avec un peu de facilité comme son final) autant qu’il souffre parfois de léger soucis de rythme. Mais dans l’ensemble, cette fiction très bien documentée sur son sujet est un bel exercice glaçant et rigoureux, reposant sur son suspens figé comme une corde raide alors que les minutes, les heures, les jours, les mois passent au rythme des tractations éprouvantes et révélatrices d’un modèle mondial qui ne tourne pas rond. Et c’est depuis l’immensité de la mer en communication directe nos puissants que Lindholm le met en lumière dans un film qui ne manque pas d’épaisseur et d’un sens aiguisé de la réflexion.
Bande-annonce :