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GOODNIGHT MOMMY de Veronika Franz & Severin Fiala : la critique du film [Sortie Ciné]

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Spectateurs

Goodnight MommyMondo-mètre
note 7-10
Carte d’identité :
Nom : Ich seh, Ich seh
Père : Veronika Franz & Severin Fiala
Date de naissance : 2014
Majorité : 13 mai 2015
Type : Sortie en salles
Nationalité : Autriche
Taille : 1h40 / Poids : NC
Genre : Drame, Horreur

Livret de famille : Susanne Wuest (la mère), Lukas Schwarz (Lukas), Elias Schwarz (Elias)…

Signes particuliers : Décidément, à condition d’aller chercher loin du cinéma de studio sur-médiatisé, le genre nous délivre quelques belles surprises en cette année 2015.

UN, MAMAN A TORT, DEUX, C’EST BEAU L’AMOUR, TROIS…

LA CRITIQUE

Résumé : En plein été, dans une maison de campagne perdue au milieu des champs de maïs et des bois, des jumeaux de dix ans attendent le retour de leur mère. Lorsqu’elle revient à la maison, le visage entièrement bandé suite à une opération de chirurgie esthétique, les enfants mettent en doute son identité… goodnight_mommy_4L’INTRO :

Sensation du dernier Festival de Gérardmer d’où il est reparti avec le Prix du Jury Syfy et le Prix du Public, Goodnight Mommy n’est pas qu’une bête de festival présentée dans les plus belles manifestations cinématographiques des quatre coins de l’Europe. C’est avant tout un effort courageux érigé dans le drame de genre, prenant à son compte toute la radicalité chère au cinéma autrichien et témoignant d’une volonté de dynamisme brûlant, de la part d’une cinématographie sous-estimée ou du moins, pas assez médiatisée au-delà de ses quelques porte-étendards. Pour leur premier long-métrage, le tandem Veronika Franz & Severin Fiala signe une œuvre bicéphale, tentative aussi audacieuse que fructueuse de croiser le cinéma d’auteur intimiste et le registre de l’horreur plus classique à base de têtes blondes déviant vers de sombres horizons malades. Une maison perdue au milieu des champs de maïs, une mère de retour d’une mystérieuse opération de chirurgie esthétique. Et les angoisses de deux enfants. Est-ce vraiment leur mère ? Sur ce postulat de départ, Goodnight Mommy démarre son jeu de miroir teinté, réfléchissant une aveuglante lueur d’étrangeté et de doute inquiétant…goodnight_mommy_2L’AVIS :

Alarmant au vu d’une première demi-heure un peu répétitive et pesamment lancinante, presque caricaturale de ces films d’auteur prétentieux trop hermétiques pour convier le spectateur dans leurs plongées psychologiques, Goodnight Mommy a cette faculté rare de se métamorphoser au rythme d’une progression saisissante, gagnant en qualité et en génie au triomphe modeste, au fil des minutes, transfigurant son matériau pour l’amener au statut de petite claque magistrale tellement virtuose, que même ses défauts s’effritent à son contact. Les quelques facilités ou scènes aussi prévisibles qu’incontournables, auraient pu avoir raison de cet effort que l’on aurait tort de juger trop vite comme faussement malin. Car au final, tout est question de pouvoir de fascination. Un pouvoir qui s’étend jusqu’aux coutures mêmes d’une œuvre marquée par un twist censé surprendre, mais que la mise en scène désamorce trop vite. Pourtant, malgré ce masque tombé bien involontairement dès les premières minutes (du moins chez ceux qui le verront arriver aussi gros qu’un orage à flanc de montagne), Goodnight Mommy accroche quand même, ne nous lâche pas. D’autres ne s’en seraient jamais relevés. Pas lui. Pour la simple et bonne raison que sa densité et sa richesse le portent avec puissance et le maintiennent en équilibre sur un filin duquel il ne faillira jamais.goodnight_mommy_3À la croisée du drame d’auteur inconfortable et du film de genre éprouvant, Goodnight Mommy relève de ces œuvres édentées et tranchantes, dans lesquelles on est immergé en apnée en sachant que chacune de leur aspérité va nous écorcher vif sur notre fauteuil. Le plus impressionnant y restera cette emprise magnétique, couplée à une capacité démente à absorber le spectateur dans un univers troublant, à cheval entre les tons et les genres. Tour à tour onirique et tellurique, entre la raison et la folie, à la frontière entre le rêve confondant et la réalité malsaine, entre le fantastique énigmatique, le thriller psychologique et le drame familial bouleversant, entre la démonstration d’horreur et la pudeur hors champ, Goodnight Mommy joue avec les angles morts, cultive les paradoxe, cultive une diversité de contenu propre à ses œuvres capables de ballotter le spectateur pour sans cesse le surprendre et le pousser à tout remettre en question constamment. Sadique, glaçant, tétanisant, jusqu’au-boutiste, et pourtant émotionnellement fort derrière sa cruauté de façade, Goodnight Mommy finit par devenir si singulier, que l’on finit par ne plus rien croire. Même ce que l’on a pris pour acquis, même ce que l’on pense avoir compris et deviné entre les lignes. Car ses deux auteurs jouent habilement avec nous comme des marionnettes dirigées par leurs mains expertes dans l’art du dédoublement tortueux. goodnight_mommy_1Le fait que le film soit esthétiquement léché, qu’il brille d’une beauté semblable à un diamant brute, qu’il soit interprété avec un démonisme jouissif par un duo de jeunes jumeaux capables de passer de l’angélisme à l’inquiétant en un battement de cil, comme si l’on était invité à pénétrer dans la jeunesse traumatisée des futurs post-adolescents de Funny Games, ne fait qu’abonder dans son sens : Goodnight Mommy est une prouesse inattendue, une humble surprise, une sorte de dédale se refermant sur le spectateur comme un piège finement pensé, intelligemment exécuté, follement effrayant et pervers. Un piège concocté selon une recette en trois stades de préparation visant le saisissement à vif d’une œuvre ferme et délicate, puissante et charnelle. Phase 1 : cuisson patiente jusqu’à frémissement. Phase 2 : bouillonnement porté par un suspens montant crescendo en pression. Phase 3 : ébullition jusqu’à l’explosion foudroyante et terrifiante.Goodnight_mommy_6Flirtant avec les oripeaux de l’anti-conte, comme si les frères Grimm s’étaient mués en artisans paroxysmiques du trash en se frottant à la thématique de la névrose mentale, de l’amour filial et de la déviance psychologique, Goodnight Mommy est un insoutenable cauchemar épidermique et manipulateur dont on se relèvera difficilement, révisant à sa manière, plusieurs sous-registres du genre, à commencer par le torture-porn. Âpre, extrême et douloureux, la preuve par quatre que le cinéma « d’épouvante » a encore de beaux jours devant lui à condition d’aller fouiller loin des productions médiatisées de studio ultra-formatées, pour s’intéresser à un cinéma plus minéral.

BANDE-ANNONCE :

Par Nicolas Rieux

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