On a eu la chance de rencontrer le réalisateur Scott Dericksson (Sinister, Emily Rose) ainsi que l’acteur Eric Bana, à l’occasion de la sortie du très attendu Délivre-nous du Mal, à venir en salles le 3 septembre prochain. Entretien…
Pour les besoins du film, avez-vous rencontré l’un ou l’autre, le vrai policier dont vous racontez l’histoire (l‘officier Ralph Sarchie, auteur du livre Beware the Night dont est tiré le film – ndlr) ?
Scott Dericksson : Oui, je l’ai rencontré en 2003, quand j’ai écrit la première version du script. Et il a été présent tous les jours sur le plateau, pendant le tournage.
Question pour Éric Bana. Comment vous vous êtes préparé pour le rôle ?
Eric Bana : Scott Dericksson écrit des scénarios très détaillés au niveau des personnages donc ça aide beaucoup dans la préparation. Rien qu’à la lecture du scénario, on a l’impression de connaître déjà le personnage. Puis j’ai eu la chance de rencontrer moi aussi le véritable Ralph Sarchie et ça m’a énormément aidé. J’ai beaucoup pris et appris de lui. Et enfin, j’ai eu beaucoup d’échanges très intéressants avec Scott Dericksson afin d’approfondir le personnage.
Souvent, sur les tournages de films de genre lorgnant vers l’ésotérique, on a des légendes et anecdotes sur des choses étranges qui seraient arrivées sur le plateau. Il ne s’est rien passé de bizarre pendant celui-ci ?
S.D. : Non… Je vois de quoi vous voulez parler. Souvent, c’est fun et ça renforce la légende quand on dit qu’il s’est passé des choses mystérieuses sur le tournage. Mais non. On aurait bien voulu mais non. J’ai vu des choses étranges ou perturbantes sur des vidéos d’exorcismes que l’on a regardé avec le vrai Ralph Sarchie. Eric les a vu aussi. Mais rien sur le tournage en tout cas, pas de caméra qui bougent toutes seules etc…
Est-ce qu’il a été difficile de passer du livre au film ?
S.D. : Oui, ça n’a pas été facile parce que le livre de Ralph Sarchie est composé de plusieurs histoires, environ 8 ou 10 cas auxquels il a été confronté. Comme je ne voulais pas faire un film sur un seul cas car aucun ne pouvait soutenir un long-métrage à lui-seul, j’ai pris le meilleur de toutes les histoires et je les ai unifié avec un fil narratif fictif élaboré en consultant quand même Ralph Sarchie pour que ça reste fidèle à son vécu et à ce qu’il est.
Eric Bana : Je voudrais justement préciser que le secret que cache notre Ralph Sarchie dans le film, est inventé. Il n’a rien fait de ce que l’on révèle dans l’histoire.
Comme beaucoup de films à la mode et comme plusieurs de vos longs-métrages précédents (L’Exorcisme d’Emily Rose ou Sinister), Délivre-Nous du Mal appartient à cette mouvance de l’horreur ésotérique avec démons, dieu, religion chrétienne… Mais ce qui rend votre film intéressant, c’est qu’on est dans le cadre d’un polar et on a l’impression au final, que c’est cette partie-là qui vous intéresse le plus, que c’est quand vous sortez du carcan du fantastique que vous vous amusez le plus… Est-ce que c’est ça qui vous a intéressé dans le projet, le fait de suivre un policier qui entre petit à petit dans cet univers de genre ?
S.D. : C’est exactement cela. Il y a deux raisons pour lesquelles j’ai voulu faire ce film. D’abord, parce que le personnage de Ralph Sarchie est quelqu’un de fascinant et puis surtout, parce que cette histoire m’a permis de sortir du cadre très limité du cinéma d’horreur, pour mélanger enquête policière, film d’action et cinéma d’épouvante. Le fait de pouvoir tourner ça dans le Bronx et que le Bronx devienne un personnage à part entière a aidé aussi… J’aime ce genre d’histoire où la frontière entre le surnaturel et le policier est floue. Je trouve que les films d’horreur actuels sont de plus en plus étroits, de plus en plus limités. On arrive à un point où l’on ne peut presque plus faire de films de genre s’ils ne se passent pas dans une maison avec des phénomènes étranges etc… Ce qui était bien avec Délivre-nous du Mal, c’était de pouvoir s’ouvrir et de pouvoir dépasser les frontières du seul cinéma d’horreur.
Vous avez enchainé plusieurs films sur le paranormal, l’étrange, l’ésotérique, avec Dieu, les exorcismes et les démons… Après toutes ces expériences, les recherches que vous avez pu faire et ce que vous avez pu découvrir en les écrivant et les réalisant, est-ce que cela a changé quelque-chose dans votre façon de voir le monde, la religion ?
SD : Ça m’a amené à avoir du respect pour le mystère de la vie et du monde dans lequel on évolue. Que ce soit la religion, la société de consommation, la politique ou les sciences, tout le monde essayent de vous mettre dans un carcan bien défini et ces mystères, que ce soit par les gens que j’ai rencontré comme de vrais prêtres exorcistes ou les vidéos que j’ai pu voir, m’ont amené à voir le monde moins petit, plus mystérieux qu’il n’y paraît. Il y a beaucoup de choses que l’on ne comprend pas et il faut les respecter.
Et vous Eric ? On a pas l’habitude de vous voir dans le cinéma de genre, qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
E.B. : Je suis arrivé sur le projet l’esprit ouvert mais avec les connaissances de base que l’on a tous communément et le film et les recherches que l’on a faites autour de lui, ont été fascinantes et m’ont ouvert l’esprit vers d’autres horizons sur la religion, la culture, notre place dans la société… J’ai appris à aborder ces questions avec un autre point de vue et pas simplement avec ce qu’on a l’habitude d’entendre. Vous savez, la première question que l’on vous pose en conférence de presse, c’est : « alors… Vous y croyiez ou non ? » Et c’est intéressant d’apprendre à voir les choses autrement que blanc ou noir. Il y a plein de nuances de gris. Il y a plein de choses inexplicables. Ce film m’a appris à être plus ouvert aux mystères. Pas seulement en tant qu’acteur pour le rôle mais surtout en tant qu’être humain. Scott est quelqu’un de très informé sur tout ça et s’il n’avait pas réalisé le film, je l’aurai employé comme documentaliste personnel.
Question pour Scott, sur votre mise en scène. Il y a un élément qui était déjà frappant dans Sinister et que l’on retrouve ici. On a l’impression que vous aimez beaucoup mélanger les formats d’images, les tailles d’images, les prises de vues avec différents objectifs, jouer avec les textures… Vous avez l’air d’aimer réaliser des films un peu composite. Est-ce que c’est quelque-chose que vous aimeriez pousser encore plus loin à l’avenir car on dirait que ça vous intéresse beaucoup en tant que réalisateur ?
S.D. : Oui, c’est quelque-chose que j’aime bien et que je continuerai sûrement à explorer. Vous savez, à la base d’un film, il a d’abord l’écriture, une bonne histoire et de bons acteurs. Ça, on ne peut pas y échapper. Après, le réalisateur, son rôle est de vous amener à voir les choses d’une certaine manière. Et effectivement, ça a été un peu ma trajectoire en jouant sur les formats d’images. Aujourd’hui, les réalisateurs de cinéma n’essaient pas suffisamment de varier le travail sur l’image, sur les formats. Les réalisateurs de publicités font ça mais ils le font pour vous vendre un produit. Moi, je voudrais faire ça dans le cinéma, sans vendre un produit. J’ai utilisé vraiment le Super 8 sur le tournage car aucun logiciel, aucun travail de post-production ne pourra rendre réellement l’image du Super 8. En tout cas, je suis sans cesse à la recherche de nouvelles images et de nouvelles directions artistiques. J’aimerai créer des images que l’on a jamais vu.
E.B. : Vous allez voir, il va réaliser Dr Strange (son prochain film ndlr), entièrement en Super 8 ! (Rires)
Pourriez-vous nous parler de l’évolution de votre mise en scène ? J’ai l’impression qu’entre Emily Rose, Sinister et celui-ci, il y a une véritable évolution stylistique que ce soit dans la plastique, le montage, le son. Votre mise en scène à l’air de devenir sans cesse plus nerveuse, plus accrocheuse, plus rapide… Est-ce une évolution dont vous avez conscience ?
S.D. : Oui et non. Ce n’est pas forcément intentionnel. Ce film-ci est plus nerveux, plus chaotique mais en fait, je m’adapte aux histoires que je raconte. Emily Rose était un film de tribunal donc il fallait respecter le rythme de ce genre. Sinister montait d’un cran mais il restait calme. Ce sont les besoins de chaque histoire qui dicte ma mise en scène. Là, c’est le mélange des genres qui a amené cette mise en scène plus frénétique. En tout cas, je n’ai pas de volonté d’évolution vers un cinéma plus agressif dans la mise en scène. D’ailleurs si je devais refaire Emily Rose aujourd’hui, je le tournerai de la même manière.
Dans le scénario, vous démarrez sur des personnages qui reviennent de la guerre en Irak avec ce mal en eux. C’est juste une coïncidence où vous souhaitiez souligner un sous-texte politique ?
S.D. : Dieu bénisse les français ! Aucun journaliste américain ne m’a demandé ça ! Oui, bien sûr que c’était délibéré. Pour moi, la guerre, c’est le Mal, même si parfois elle peut-être un moindre mal. Il y a 2 millions de soldats américains entre l’Afghanistan et l’Irak, ça fait deux millions qui reviennent ou reviendront en ramenant avec eux ce mal et les problèmes qui sont engendrés par le stress, par les traumatismes qu’ils ont vécu. C’est une réalité aujourd’hui aux États-Unis, dont on ne parle pas beaucoup. Dans les films d’horreur, il y a souvent une métaphore, dans les miens en tout cas. Et là, la métaphore, c’est celle-ci, ces soldats qui reviennent de la guerre en ramenant avec eux ce Mal…
Bande-annonce de Délivre-nous du Mal, le 3 septembre au cinéma :
Un grand merci à Scott Dericksson, Eric Bana, Sony Pictures, l’Agence NetOnly et Hélène.