Mondo-mètre :
Carte d’identité :
Nom : Bram Stocker’s Dracula
Père : Francis Ford Coppola
Livret de famille : Gary Oldman (Dracula), Winona Ryder (Mina), Keanu Reeves (Harker), Anthony Hopkins (Van Helsing), Richard E. Grant (Seward), Cary Elwes (Holmwood), Billy Campbell (Morris), Sadie Frost (Lucie), Tom Waits (Renfield), Monica Bellucci (une compagne de Dracula)…
Date de naissance : 1992 / Nationalité : USA
Taille/Poids : 2h10 – 40 millions $
Signes particuliers (+) : L’atmosphère baroque du film. Le respect dû au livre et à la mythologie vampirique. Le casting et une mise en scène parfois virtuose.
Signes particuliers (-) : Le film, surchargé esthétiquement, a un peu vieilli aujourd’hui et certains passages sonnent kitsch. Très surcoté avec en cause, une mise en scène excessivement démonstrative.
FRANCIS FORD DRACULA
Résumé : Un jeune clerc de notaire se rend en Transylvannie pour finaliser la vente d’une abbaye londonienne à un vieux comte vivant reculé. Il s’agit du Comte Dracula. Remarquant que la fiancée du jeune homme ressemble étrangement à sa défunte épouse, Dracula décide de sortir de sa retraite et se dirige vers Londres…
Le cinéaste Francis Ford Coppola s’attaque à un mythe avec le Dracula de Bram Stocker, l’un des personnages les plus adaptés au cinéma de toute la littérature fantastique, connu de tous, et qui n’aura pas toujours eu les honneurs d’une transposition fidèle ou au moins honorable. Au contraire, galvaudé au détour de trop nombreuses adaptations médiocres, il était temps de redonner au terrible Comte nocturne ses lettres de noblesse et toute sa prestance charismatique dans un décor chargé et baroque rendant les nuits encore plus sombres et profondes. On peut certainement compter sur Coppola qui a démontré sur ne serait-ce que Le Parrain ou Apocalypse Now que son génie est transgenre et qu’il a les capacités de s’attaquer à n’importe quoi pour en faire un chef d’œuvre. Le cinéaste a été immédiatement intéressé par le projet et son énorme potentiel, lorsque le script lui fut présenté par la comédienne Winona Ryder à laquelle on avait proposé un rôle mais pour un téléfilm. Restait juste à trouver le plus dur, l’acteur qui jouerait le fameux Comte Vlad l’Empaleur dit par la suite Dracula. Sur ce point, le cinéma n’a pas toujours rendu justice au personnage terrifiant de Bram Stocker avec des choix débiles ou insipides. Ce sera sur l’excellent acteur Gary Oldman que penchera Coppola, lui offrant au passage l’un de ses grands rôles dans sa riche carrière. Complèteront la distribution (le nettement moins bon) Keanu Reeves (en Jonathan Harker), Winona Ryder (en Lucie, la fiancée d’Harker convoitée par Dracula), Anthony Hopkins (en Van Helsing, le fameux opposant au Comte) ainsi que dans des rôles plus secondaires Cary Elwes, Sadie Frost (qui connaîtra pas mal de soucis sur le tournage, trop souvent terrifiée par le scènes qu’elle devait jouer) mais encore Tom Waits et même une Monica Bellucci qui faisait ses débuts au cinéma et dont le rôle de concubine du Comte relève de l’anecdote.
Le Dracula de Coppola est aujourd’hui une référence dans le fantastique et désormais un grand classique. Salué par la critique et le public a sa sortie, primé dans plusieurs cérémonie dont aux Oscar, il se démarque par sa volonté (étonnement presque inédite) de revenir aux sources, aux origines du roman de Bram Stocker et de redévelopper une belle et soignée transposition de l’univers baroque et envoutant, présent dans le roman. Et pas de doute, Coppola a su faire de son film une merveille plastique et visuelle. Les images y sont d’une beauté baroque magistrale, certains plans relevant de la pure composition artistique et graphique et le tout, sans effets spéciaux faits par ordinateur, chose qu’avait refusé Coppola lors de la préparation du tournage. S’inspirant de la peinture, de l’architecture et de la littérature fantastique en général, Coppola parvient en effet à redonner force et caractère à son adaptation pour en faire peut-être l’une des plus réussies tant le travail de transposition est difficile voire, à se demander, s’il n’est décidément pas impossible.
Car pour autant et malgré les efforts de papa Coppola et malgré toutes les qualités et bonnes intentions proposées par le métrage, Dracula passe difficilement tel un bon gros gâteau mais dont la lourdeur étouffe trop rapidement par indigestion. On ne remet ainsi pas en cause ni le goût, ni la qualité du produit mais juste les effets provoqués. Le baroque est un genre visuel à la base surchargé (toute sa caractéristique) et en faire trop dans un genre déjà « trop » à l’origine, aboutit rapidement un « too much » très désagréable. Et c’est bien là le problème du Dracula coppolien. Le film verse trop souvent dans l’excès. Nombreuses séquences sont vite gâchées par la démesure, par l’excès d’un baroque mal géré, mal dosé. On pense aux transformations de Dracula non plus en loup mais en un loup-garou monstrueux ou les incursions du vampire dans le manoir des deux jeunes Mina et Lucy qui vient se transformer en une scène tout droit sortie d’une pub pour un parfum Lancôme avec une Winona Ryder courant avec sa looongue robe dans un jardin mi-sombre mi-éclairée par la nuit et la lune, sur fond d’une musique envoutante… Coppola tombe dans l’excès de pas mal de choses parmi lesquelles un excès dans un érotisme de pacotille qu’il ne sait absolument pas filmé pour le rendre à la fois visuellement séduisant sans pour autant basculer dans la caricature grotesque et mièvre. Un érotisme par ailleurs rajouté puisqu’en cela, le cinéaste s’écarte du roman pour la nuance principale séparant son œuvre du matériau d’origine. Coppola vient en effet rajouter tout une dimension romantique non présente dans le roman de Stocker. Cette nuance modifie finalement le personnage de Dracula par un changement majeur dans ses actions et intentions. Cherchant à en approfondir la psyché et en en faisant plus qu’un simple monstre sanguinaire, Coppola dévie de beaucoup d’un livre dont il essayait pourtant de rester le plus proche possible malgré quelques divergences pour coller au passage à l’histoire réelle. Toujours est-il que ces changements affaiblissent peut-être de trop son personnage et en tout cas, participent des dérives excessives du film dans sa globalité.
La démesure du film de Coppola fait finalement regretter la simplicité d’oeuvres comme le Nosferatu de Murnau. Dracula attendra donc pour avoir son adaptation ultime, celle qui sera la plus fidèle au livre, la plus honnête. Si pour beaucoup, celle-ci fait figure de meilleure transposition cinématographique du récit jusqu’à aujourd’hui, on est en droit de se demander si en fin de compte, en raison de la richesse en détails et du poids littéraire lourd du mythe quasi intransposable, les meilleures oeuvres sur les vampires ne seraient pas celles qui s’écarteraient le plus du mythe écrasant du livre fondateur de Bram Stocker. Car en revenant systématiquement au Dracula Stockerien, on a un peu l’impression de voir et revoir éternellement le même film ou en tout cas la même histoire tant le sujet a été traité dans tous les sens depuis des années. Osons espérer qu’un jour peut-être, Dracula pourra connaître les joies d’une adaptation sous un angle un peu novateur et différent, peut-être réaliste et fidèle au livre par exemple car finalement, si des centaines d’adaptations ont été faite, on se demande si celle-ci a déjà été tentée ?!
Bande-annonce :