Mondociné

WOMAN AND CHILD de Saeed Roustaee : la critique du film [Cannes 2025]

Partagez cet article
Spectateurs

Nom : Woman & Child
Père : Saeed Roustaee
Date de naissance : 25 février 2026
Type : sortie en salles
Nationalité : Iran
Taille : 2h11 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Parinaz IzadyarSinan MohebiPayman Maadi

Signes particuliers : Après Leila et ses frères, Saeed Roustaee confirme.

Synopsis : Mahnaz, une infirmière de 45 ans, élève seule ses enfants. Alors qu’elle s’apprête à épouser son petit ami Hamid, son fils Aliyar est renvoyé de l’école. Lorsqu’un un accident tragique vient tout bouleverser, Mahnaz se lance dans une quête de justice pour obtenir réparation…

PORTRAIT D’UNE FEMME IRANIENNE

NOTRE AVIS SUR WOMAN & CHILD

Il y a trois ans, l’iranien Saeed Roustaee nous avait cloué sur notre fauteuil avec son saisissant Leila et ses frères, palme d’or pourtant évidente mais que le jury du festival de Cannes lui avait injustement refusée. On le rumine encore. La critique de l’Iran que Roustaee y dressait et le fait de l’avoir présenté dans un festival international avait conduit le cinéaste en prison, condamné à six mois par le régime. Aujourd’hui, Saeed Roustaee revenait à Cannes avec un nouveau film… et l’aval du régime. La raison ? Simple, le metteur en scène a accepté de se conformer aux lois en vigueur et de tourner Woman & Child selon les règles islamiques. Un choix qui lui a valu de nombreuses attaques de ses confrères exilés par exemple. Mais peut-on lui en vouloir ? Certains crient au manque de courage, mais qui sommes-nous pour juger (ou mesurer) le courage d’autrui en étant confortablement installés dans nos sociétés occidentales sans risque ? Personne.

Avec Woman & Child, Rouastee s’attaque au patriarcat tout-puissant dans la société iranienne. Démarrant sous des airs proche de la comédie romantique à l’iranienne avec sa romance espiègle entre une infirmière veuve qui élève ses enfants et un ambulancier charmeur, le film va prendre son temps pour basculer dans le drame à la suite d’un terrible accident qui va transformer la douceur de cette mère-courage en une soif de vengeance.

Woman & Child est un bon film, mais Roustaee ne reproduit pas le choc qu’avait inspiré Leila et ses frères. Ni La Loi de Téhéran avant lui. Le fait de s’être soumis aux diktats étatiques en est-il la raison ? Peut-être un peu, ou plus qu’un peu. Force est de constater que si le cinéaste égratigne la rigidité du patriarcat en Iran, son nouveau film prend bien soin de ne jamais critiquer l’Etat iranien en soi. Et cette « sagesse » (peu surprenante compte tenu des circonstances) n’aide pas. La bonne image du pays est bien gardée comme en témoigne ce choix d’une famille vivant dans une certaine aisance confortable. Les difficultés du quotidien, la crise ou la misère en Iran sont ainsi complètement évacuées du film au profit d’un bon vivre auquel on ne croit que moyennement. Même chose dans le portrait professionnel. L’héroïne est infirmière et l’image du système médical iranien surprend par sa perfection. Cliniques et hôpitaux flambant neufs, matériel de pointe, personnel impeccable, on aurait presque envie d’y tomber malade pour tester ce luxe médical. Cette image de l’Iran toute propre tranche d’avec les précédents films de Saeed Rouastee et forcément, on reste un peu sur notre faim car elle amenuise considérablement l’impact d’un film qui se réduit au propos autorisé.

Néanmoins, derrière cette image lissée, le cinéaste parvient à exprimer des choses. Le poids des traditions patriarcales archaïques, les défaillances d’une société rigide, les injustices faites aux femmes… Étonnamment pour un film avalisé par l’autorité étatique, Woman & Child parvient à égratigner des choses. Il le fait juste dans une limite contrôlée mais il le fait et l’autopsie est passionnante. Même muselé, Saeed Roustaee prouve qu’il est un cinéaste de génie, son film déborde de cinéma (moins que dans ses précédents encore, mais quand même), il s’abreuve de sens et d’un regard et déverse des torrents d’émotions. Woman & Child est probablement son long métrage le plus déchirant, sa douleur étant viscéralement incarnée par une Parinaz Izadyar qui voit s’abattre sur son bonheur des vagues de tragédies insupportables entre trahisons, injustices et arrachement. Plus le film avance et plus sa beauté diaphane s’efface pour laisser place à un visage émacié, déformé par les larmes et la rage.

Avec Woman & Child, Saeed Roustaee prouve encore une fois qu’il est l’un des plus grands cinéastes iraniens actuels. Sa capacité à déployer du grand cinéma narratif et sous tension n’a d’égal que l’intelligence avec laquelle il dissèque ses thématiques. A l’heure où beaucoup de ses confrères se sont exilés pour faire du cinéma iranien loin de l’Iran, lui compose un peu et tente d’en faire de l’intérieur. Pour que les iraniens puissent voir les films qui les concernent. Et si Woman & Child n’a pas l’excellence des précédents, il n’en demeure pas moins une nouvelle œuvre coup de poing, traversée d’images marquantes, à l’image de ce plan final magistral et hautement symbolique appelant avec émotion à la solidarité féminine. Bon, et maintenant à quand une palme pour Saeed Roustaee ?

Par Nicolas Rieux

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Close
Première visite ?
Retrouvez Mondocine sur les réseaux sociaux