[Note des spectateurs]
Carte d’identité :
Nom : The Hate U Give
Père : George Tillman Jr
Date de naissance : 2018
Majorité : 23 janvier 2019
Type : Sortie en salles
Nationalité : USA
Taille : 2h13 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de famille : Amandla Stenberg, Regina Hall, Russell Hornsby, Anthony Mackie…
Signes particuliers : Un film fort sur un sujet tristement toujours d’actualité aux Etats-Unis.
L’HISTOIRE SE RÉPÈTE, IL SERAIT TEMPS QU’ELLE CHANGE
LA CRITIQUE DE THE HATE U GIVE
Synopsis : Starr est témoin de la mort de son meilleur ami d’enfance, Khalil, tué par balles par un officier de police. Confrontée aux nombreuses pressions de sa communauté, Starr doit trouver sa voix et se battre pour ce qui est juste.
A sa sortie en 2017, le roman The Hate U Give est devenu un phénomène littéraire doublé d’un best-seller mondial. Son « auteure », Angie Thomas, venait de retravailler en livre, une nouvelle qu’elle avait écrite dans sa jeunesse de lycéenne, après avoir été choquée par le meurtre d’Oscar Grant en 2009, ce jeune afro-américain tué par les balles d’un policier blanc et auquel Michael B. Jordan avait prêté ses traits dans le drame Fruitvale Station. A peine paru, The Hate U Give est rapidement devenu un projet de cinéma, sous la direction du réalisateur George Tilman Jr (Les Chemins de la Dignité, Notorious Big). Dans le rôle de Starr, une adolescente qui va être traumatisée par la mort de son ami victime d’une bavure policière sous ses yeux, on retrouve la jeune Amandla Stenberg, vue dans les médiocres Everything Everything et Darkest Rebellion, mais qui trouve enfin de quoi montrer le talent qu’on lui soupçonnait.
On dit souvent qu’il faut qu’il y ait un drame pour qu’il y ait prise de conscience et que les choses changent. Sauf qu’il y a eu un drame, puis deux, puis trois, puis des dizaines… Les articles, livres, reportages, films, se multiplient mais le schéma continue de se répéter d’une tragique et inlassable manière. Au cinéma, on ne compte plus les drames inspirés ou adaptés d’histoires vraies sur la mort d’un afro-américain injustement tué par des policiers blancs (Fruitvale Station, Detroit, Kings, Blindspotting et maintenant ce The Hate U Give – La Haine qu’on donne) au moins autant que l’on ne compte plus ces faits divers qui défraient régulièrement la chronique aux Etats-Unis. Là où la plupart de ses prédécesseurs ont utilisé un langage de film d’auteur, le film de George Tilman Jr va prendre quant à lui le chemin du teen movie. Musique pop, couleurs chaudes, voix off d’ado qui commente, The Hate U Give démarre comme un pur teen movie sucré-salé comme on en voit des tonnes chaque année… avant de briser sa vitrine et de faire voler en éclats les codes du genre. Ou plutôt, avant de les assombrir en y injectant le sujet sérieux qui est le sien. Et d’un bout à l’autre, l’exercice fonctionne pour ses qualités qui occultent vite ses quelques défauts.
Si sur la forme, The Hate U Give utilise de grosses ficelles pour maximiser son impact émotionnel, le fond garde pour lui une intelligence qui décuple sa visée et rend son parcours vraiment passionnant. Surtout, George Tilman Jr ne tombe jamais dans le piège du film aux allures de chien enragé aveuglé par son message et évite de mettre les pieds dans une vision binaire et simpliste se résumant à un affrontement entre la gentille communauté noire vs la méchante société blanche. Le cinéaste garde toujours la tête froide et ne perd pas de vue la lucidité nécessaire pour que son propos soit crédible. Dénonçant la multiplication des crimes raciaux aux Etats-Unis, The Hate U Give cherche avant tout à comprendre, à analyser tout en restant dans une veine grand public. Le résultat touche en plein cœur en trouvant souvent les bons mots, les bonnes scènes, les bonnes pistes de réflexion, soulignant notamment ce climat de méfiance mutuel qui n’a de cesse de grossir à mesure que « la haine que se donnent les communautés » perdure. Dans un élan finalement très humain au-delà des différences, le cœur du fil est là. Plus que le portrait du racisme (même s’il montre avec justesse les ficelles du petit racisme quotidien), The Hate U Give montre que c’est ce cercle vicieux qu’il faut stopper pour espérer que l’escalade prenne un jour fin. Si l’approche purement cinématographique pourra en gêner certains, l’intelligence de la démarche est en revanche indiscutable, soutenue par une émotion fondue dans un récit initiatique qui transpire l’authenticité d’un vécu. Une émotion qui vient d’elle-même et du propos, et qui coule simplement sur un film juste, poignant, révoltant, et bien raconté.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux