En attendant d’offrir une suite à son
Black Phone, Scott Derrickson avait envie d’une parenthèse « romantique », lui qui selon ses dires, vient de retomber amoureux dans sa vie personnelle. Place donc à une petite bluette toute en mignonnerie ? Soyons sérieux, on parle du réalisateur de
Sinister,
L’exorcisme d’Emily Rose ou
Délivre-nous du Mal. En bon spécialiste de l’horreur qu’il est, Scott Derrickson n’allait pas quitter le cinéma de genre si facilement. La dernière fois qu’il l’a fait, c’était pour fricoter avec Marvel sur
Doctor Strange et encore, même là il restait sur le terrain du fantastique. Un terrain qu’il retrouve donc avec
The Gorge, blockbuster d’action qui mélange plusieurs genres, dont la romance, l’intention principale dixit son auteur.
Deux tireurs d’élite sont recrutés respectivement par les États-Unis et la Russie, pour une mission d’un an autour de « la gorge », un endroit secret sur Terre où deux tours séparées de 600 mètres, une à l’Est une à l’Ouest, veillent sur un vaste gouffre renfermant un mal mystérieux. Durant leur rotation, aucun contact entre eux n’est permis. Leur travail, surveiller que rien ne sorte du trou géant. A distance, ils vont quand même tisser un lien tout en restant aux aguets face à la menace…

The Gorge est bel et bien une histoire d’amour, portée par le couple Anya Taylor-Joy et Miles Teller. En somme, le film de Saint-Valentin d’un Scott Derrickson… qui va néanmoins s’adonner par ailleurs à ce qu’il aime. Dans The Gorge, il y a aussi beaucoup d’action, une grosse dose de thriller fantastique, un soupçon d’horreur et un déluge d’effets spéciaux. Pour résumer, Derrickson souhaitait faire un film fun, une sorte de grosse série B de genre renfermant sa bluette comme sa gorge renferme son cocktail de créatures. Et ça marche… dans une certaine limite. Globalement, The Gorge est plutôt efficace, mené avec l’entrain frénétique d’un lapin sous viagra. Le réalisateur balance un maximum de choses dans son gros engin calibré pour divertir sans que le cerveau ne soit trop sollicité. C’est à la fois le bon point et les limites de ce bidule tonitruant très formaté selon un balisage qui sonne comme une recette prémâchée. Au fond, tout est un peu con dans cette affaire. De la romance tartignole ponctuée de dialogues navrants et de séquences romcom ridicules au suspens tenu par des ficelles grossières, en passant par des éléments de scénario expédiés ou carrément occultés par paresse d’écriture ou encore son déluge d’action qui n’invente rien et préfère piocher tout ce qu’il propose dans un magma d’œuvres passées avant lui. En gros, The Gorge n’a rien à offrir que l’on n’ait pas déjà vu mille fois auparavant. Quelque part entre Vous avez un message et une bisserie débile digne de Paul WS Anderson, ce DTV de luxe aux allures de gloubiboulga romantico-horrifique rassemble Love Actually, Sleepy Hollow (même chef déco), Resident Evil, The Mist, The Green Knight, Doom…
En dépit de cette petitesse artistique qui fleure bon le passe-plat décérébré, The Gorge ambitionne de distraire avec intensité tel un petit plaisir coupable parfaitement oubliable. C’est ce qu’il fait. C’est vaguement amusant, crétin à souhait et pas loin du giga-nanar bodybuildé que l’on oublie instantanément passé le générique de fin… à condition d’avoir survécu à l’horrible séquence finale à en bouffer les coussins du canapé.