Carte d’identité :
Nom : Le Genou d’Ahed
Père : Nadav Lapid
Date de naissance : 2020
Majorité : 15 septembre 2021
Type : sortie en salles
Nationalité : France, Israël
Taille : 1h49 / Poids : NC
Genre : Drame
Livret de Famille : Avshalom Pollak, Nur Fibak, Yoram Honig…
Signes particuliers : Un propos fort détruit par les excès d’une mise en scène ridicule.
NADAV LAPID SON PAYS
NOTRE AVIS SUR LE GENOU D’AHED
Synopsis : Y., cinéaste israélien, arrive dans un village reculé au bout du désert pour la projection de l’un de ses films. Il y rencontre Yahalom, une fonctionnaire du ministère de la culture, et se jette désespérément dans deux combats perdus : l’un contre la mort de la liberté dans son pays, l’autre contre la mort de sa mère.
Les voies du festival de Cannes sont souvent comme celles du Seigneur, impénétrables. Déjà qu’il allait nous falloir un moment pour se remettre de la Palme d’Or accordée au surestimé Titane, il faudra en plus digérer le prix du Jury décerné au Genou d’Ahed, nouveau long-métrage (partiellement autobiographique) de l’israélien Nadav Lapid. Le cinéaste, qui n’a jamais eu sa langue dans sa poche dès qu’il s’agissait de critiquer les errances du système de son pays, y dégaine une fable politique particulièrement féroce, assénée à travers un épisode qui lui est réellement arrivé en 2018. Alors qu’il avait été invité par le ministère de la Culture dans un petit village reculé au fin fond du pays pour une projection évènement de l’un de ses anciens films, Lapid avait dû accepter de signer un document officiel indiquant qu’il s’engageait à ne parler que de sujets autorisés par le régime lors du débat d’après-séance. Et la liste excluait quasiment tous les angles critiques abordés par son film ! Dans un premier temps, le metteur en scène avait hésité à tout balancer dans la presse avant de se résigner pour ne pas attirer d’ennuis à l’adjointe en charge de sa venue. Bon, maintenant, c’est fait. Avec Le Genou d’Ahed, Lapid met tout sur la table et taille un short au régime israélien afin d’alerter sur les dangers d’un fascisme approchant à grands galops.
Cannes aime les œuvres engagées et dénonciatrices, rien de nouveau là-dedans. Pour le coup, Le Genou d’Ahed coche bien toutes les cases du parfait petit film calibré pour séduire les huiles de la Croisette. Nadav Lapid signe une farce politique qui se veut acérée et mordante, dénonçant la progressive restriction des libertés dans son pays. Et avant que « restriction » ne devienne « privation », Lapid a choisi de sortir son épée et de partir au combat avec une œuvre à charge qui dézingue l’état politique d’Israël et le dangereux chemin qu’elle emprunte. Le Genou d’Ahed se dresse contre les dérives de l’État israélien et sa pratique d’une censure totalitariste pour imposer une nation uniformisée. Le propos est pertinent, important même. Dommage que tout soit fichu en l’air par la suffisance qui anime le nouveau film du réalisateur de l’excellent Synonymes qui entre esbroufe et délires risibles, se vautre dans l’irregardable.
Un film aux allures de fenêtre ouverte sur une société pour s’engager contre la censure qui y est pratiquée, cela suffit au festival de Cannes pour justifier une sélection en grande pompe. Sauf que le cinéma avec un grand « C » aurait pu -éventuellement- être un critère de sélection lui-aussi, non ? Derrière son propos interpellant, Le Genou d’Ahed plombe ses efforts par la mise en scène proprement insupportable d’un Lapid qui se rêve en cinéaste radical à la Eisenstein là où il patauge dans une prétention flinguée par un amateurisme risible. Caméra looping, qui court, qui vole, qui se cogne, errances verbeuses et montage alterné foutrement confus, le cinéaste pense signer une mise en scène « libre » épousant son propos. Sauf que liberté n’a pas besoin de rimer avec mocheté. Toute la puissance qui aurait pu se dégager de cette diatribe aiguisée s’évapore en brume de grotesque alors que Lapid multiplie les effets artistiques embarrassants au lieu de ranger son égo derrière son propos (bien plus important que lui). Plutôt que d’apostropher et de se sublimer, sa colère légitime finit par sombrer pour devenir le simple coup de sang d’un petit malin derrière un film-bordel où tout se mélange sans la moindre maîtrise, narrative ou formelle. Laborieux d’un bout à l’autre, Le Genou d’Ahed ne communique aucun ressenti (ni émotion glaçante ou drôlerie caustique) si ce n’est l’exaspération de voir un cinéaste saloper de manière XXL une tentative rageuse d’alerter sur un sujet majeur.
BANDE-ANNONCE :
Par Nicolas Rieux