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KINDS OF KINDNESS de Yorgos Lanthimos : la critique du film

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Spectateurs

Nom : Kinds of Kindness
Père : Yorgos Lanthimos
Date de naissance : 30 octobre 2024
Type : sortie en Blu-ray/DVD
Nationalité : USA
Taille : 2h44 / Poids : NC
Genre : Drame

Livret de Famille : Emma Stone, Jesse Plemons, Willem Dafoe, Margaret Qualley, Hong Chau…

Signes particuliers : Du grand Lanthimos.

Synopsis : KINDS OF KINDNESS est une fable en triptyque qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux.

 

PAUVRES MONSTRES

NOTRE AVIS SUR KINDS OF KINDNESS

Depuis ses débuts en Grèce avec Canine jusqu’à son fricotage avec Hollywood pour La Favorite ou Pauvres Créatures, Yorgos Lanthimos n’a jamais cherché absolument à plaire. Au contraire, il a toujours aimé donner dans un cinéma subversif et mal-aimable car c’est ainsi qu’il conçoit un dialogue entre une œuvre et ses spectateurs. C’est quand le cinéma bouscule, dérange ou fait grincer des dents, qu’il parvient réellement à installer une relation tangible entre lui et son public. Elle peut s’inscrire dans l’humour, la noirceur, l’angoisse, l’amour ou le malaise… Peu importe, l’important est que des émotions tempêtent, provoquent, que le spectateur ne reste pas de marbre devant un spectacle appelant à la passivité mais qu’il soit poussé à s’engager émotionnellement dans cette relation artistique.

Avec Kinds of Kindness, tourné dans la foulée de Pauvres Créatures et présenté en compétition officielle à Cannes, le cinéaste grec imagine une nouvelle fable sur l’être humain, élaborée cette fois en triptyque. Trois histoires, qui n’ont rien en commun, se succèdent avec les mêmes acteurs mais dans des rôles différents. Avec comme fil rouge, les sentiments qui tiraillent les rapports humains, du pouvoir à l’amour en passant par la domination, les fantasmes ou le besoin de liberté. Ces thématiques, Lanthimos les malaxe avec une verve particulièrement inspirée et acide. Sa muse Emma Stone, Jesse Plemmons (récompensé du prix d’interprétation masculine à Cannes), Willem Dafoe ou encore Margaret Qualley sont quelques-uns des visages interchangés de cette nouvelle œuvre fascinante.

Quel farceur ce Yorgos ! Le cinéaste ouvre son film au son du pop Sweet Dreams d’Eurythmics. Un leurre malicieux. Kinds of Kindness n’aura rien de doux ou de fun. Dès la première histoire, le ton est donné. Lanthimos va faire ce qu’il a toujours su si bien faire avec son style unique et hors norme : du bizarre, de l’inconfortable où se mêle étrange, toxique, noirceur, brutalité, rires et férocité. D’abord, ce sera à travers l’histoire d’un homme dont toute la vie est régie par son mystérieux patron, de ce qu’il porte à ce qu’il mange en passant par la déco de sa maison ou la manière de vivre sa relation avec sa femme. Ensuite, avec l’histoire d’un policier dont la femme disparue est retrouvée, faisant basculer leur vie dans une folie perverse. Et pour finir, avec une plongée dans les coulisses d’une secte dont des disciples sont à la recherche d’une sorte de femme prophète ayant des pouvoirs.

D’un segment à l’autre, Yorgos Lanthimos navigue entre un humour cruel et une horreur psychologique anxiogène avec une aptitude impressionnante à se montrer toujours imprévisible. Il n’est jamais possible d’imaginer une seule seconde ce que va réserver le film tant à ses personnages qu’à nous spectateur de leurs cauchemars. Jubilatoire, Kinds of Kindness est à la fois une savoureuse exploration philosophique et une sacrée comédie noire qui transgresse tous les codes du cinéma traditionnel classique… sans pour autant perdre son public dans un machin pseudo-malin et boursouflé. Lanthimos a ce don de faire travailler l’intelligence de son public tout en lui proposant une forme de divertissement qui se caresse… à rebrousse-poil.

Anthologie en trois actes captivants montrant chacun à leur manière que les humains sont devenus fous à force de vivre dans des rapports d’emprise des uns sur les autres, Kinds of Kindness est une formidable réflexion sur la possession et la soumission exprimée dans une bouillonnante explosion de saveurs. Des effluves de drôlerie (jaune) répondent à des parfums d’outrance, d’horreur ou de nihilisme, le tout magnifié par une mise en scène vertigineuse et d’une précision millimétrée, digne d’un grand Kubrick. Cadrages ou décadrages fous, symétrie, gros plans perturbants, plans larges pénétrants, travellings minutieux, épisodes en noir et blanc sublimes… Lanthimos signe une pièce artistique saisissante de beauté, dont les images prennent des allures de tableaux sublimes.

Œuvre radicale qui ne tolère que l’entièreté, Kinds of Kindness est l’énième preuve que Yórgos Lánthimos est probablement l’un des cinéastes les plus passionnants de son temps, et la singularité plurielle de son travail n’en finit plus d’épater. Encore une fois avec cette œuvre folle, ambitieuse, fascinante et foisonnante, il nous provoque, nous malmène, nous crispe et nous invite dans un imaginaire aussi sadique et dérangeant que visuellement somptueux. Le tout porté par des comédiens triplement fantastiques. Comme son génial Pauvres Créatures, comme sa belle Mise à Mort du Cerf Sacré ou comme son The Lobster avant lui, Kinds of Kindness est un tout petit peu trop long (le défaut mignon récurrent de Lanthimos) mais ce genre de cinéma iconoclaste et politiquement incorrect tient du miracle cinématographique dans la si frileuse industrie actuelle.

 

 

Par Nicolas Rieux

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