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JAY KELLY de Noah Baumbach : la critique du film [Netflix]

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Nom : Jay Kelly
Père : Noah Baumbach
Date de naissance : 05 décembre 2025
Type : sortie sur Netflix
Nationalité : USA
Taille : 2h12 / Poids : NC
Genre : Comédie dramatique

Livret de Famille : George ClooneyAdam SandlerLaura Dern, Billy Crudup, Greta Gerwig, Patrick Wilson, Riley Keough, Isla Fisher, Emily Mortimer, Jim Broadbent, Stacy Keach…

Signes particuliers : Sympathique.

Synopsis : Le célèbre acteur de cinéma Jay Kelly entreprend un voyage introspectif à travers l’Europe avec son fidèle manager.

GEORGE CLOONEY EST JAY KELLY… OU L’INVERSE

NOTRE AVIS SUR JAY KELLY

Le cinéma aime bien se (la) raconter. On ne compte plus les films plongeant dans les coulisses du milieu de la création, du Sunset Boulevard de Billy Wilder au Once Upon a Time… in Hollywood de Tarantino, de Ed Wood à Spielberg qui s’auto met en scène dans The Fabelmans. On pourrait en lister des dizaines voire des centaines comme ça, des fantaisistes (Last Action Hero), des historiques (Babylon), des musicaux (Chantons sous la pluie), des légendaires (Les Ensorcelés ou Le Dernier Nabab), des chauds bouillants (Boogie Nights), des hilarants (Panique à Hollywood)… A la très longue liste vient s’ajouter le nom de Noah Baumbach qui plonge à son tour dans le monde du septième art avec son Jay Kelly. Le cinéaste poursuit sa collaboration avec Netflix (après The Meyerowitz Stories, Marriage Story et White Noise) et offre à George Clooney le très beau rôle d’une superstar d’Hollywood en proie à une soudaine et profonde crise existentielle. À la faveur d’une rencontre fortuite avec un vieil ami de école de théâtre, Jay Kelly mesure son immense réussite professionnelle sur l’échelle de ses échecs personnels. Il a tout donné pour le cinéma, il a réussi, mais il est temps pour lui de réaliser ce qu’il a perdu et ne rattrapera jamais.

Depuis son arrivée en fanfare sur Netflix (sa notoriété de cinéaste arty faisait du bien à la plateforme en quête de légitimité artistique), l’oeuvre de Noah Baumbach s’est enlisée dans le mi-figue mi-raisin, en tout cas moins exceptionnelle, moins excitante, moins inventive, moins beaucoup de choses à vrai dire. Avec une comédie dramatique sur le cinéma, le cinéaste tenait un sujet qu’il maîtrisait par cœur. Restait à raconter quelque chose de pertinent et c’est sans nul doute le plus gros problème avec ce genre d’entreprise. Le terrain a été tellement balisé puis labouré, qu’il y devient difficile d’être original et de raconter une histoire que l’on n’aurait pas déjà vu mille fois. Jay Kelly en souffre un peu. Son portrait d’un acteur en pleine crise existentielle réalisant ce que son succès dévorant lui a ôté, n’est pas de première fraîcheur. Néanmoins, à défaut d’être original, Jay Kelly pouvait au moins essayer d’être sympathique. Et ça, il y parvient en partie.

Jay Kelly, c’est donc le nom de cette star d’Hollywood qu’incarne à merveille un George Clooney parfait dans et pour le rôle. Comme son personnage, il est célèbre, un brin vieillissant et à la croisée des chemins. Comme son personnage, il a ce charme indéboulonnable matérialisé par son sourire séducteur et ce capital sympathie indéfectible. Comme son personnage, il a une belle carrière, il aime l’Italie, et sa vie personnelle a sans doute été impactée par sa réussite. À travers ce Jay Kelly de fiction, on a souvent l’impression de voir un peu Clooney lui-même. La preuve qu’il fait du bon boulot. Ou peut-être qu’il fait plus que jouer, peut-être qu’au fond il ressent le désarroi de son personnage. Jay Kelly a atteint le succès dont il rêvait mais… et maintenant ? Il se remet en question et réalise qu’il est très seul, qu’il s’est totalement déconnecté de la vie réelle, qu’il a sacrifié beaucoup de choses et beaucoup de gens (son père, ses filles), qu’il a perdu sa liberté à force d’être soumis à des obligations constantes… Finalement, le succès c’est bien quand on le vit, un peu moins quand on atterrit sur le plancher des vaches.

Noah Baumbach signe un portrait drôle et touchant, qui navigue entre le doux et l’amer, entre le grisant et une forme de mélancolie attristée. Surtout, le talent d’écriture du cinéaste s’exprime dans sa faculté à ne pas oublier le petit monde qu’il fait vivre autour de cette figure narcissique. Comme son manager de toujours incarné par un formidable Adam Sandler. Un employé ? Un proche ? Son seul ami ? Mais quelqu’un qui vous prend 15% de vos revenus peut-il être un ami ? Et puis il y a cette horde d’accompagnants, assistant, publiciste, styliste, maquilleur, agent, dont une très bonne Laura Dern qui cristallise le ras-le-bol de devoir être à disposition d’un « enfant adulte ». Il y a la famille ensuite, un paternel oublié en route (Stacy Keach), des filles qui ont dû apprendre à vivre avec un père tout le temps absent. Et enfin, il y a les vieux copains, comme ce mentor bouleversant ou cet ancien coloc des débuts qui refait surface par hasard (excellent Billy Crudup) avec ses regrets jamais digérés. Jay Kelly n’est pas qu’un portrait autocentré sur un acteur, c’est aussi un portrait (assez intéressant d’ailleurs) de tout l’écosystème qui gravite autour d’une star. Cet écosystème si bien mis en valeur dans la série Entourage il y a quelques années.

Écrit à quatre mains par Baumbach et la comédienne Emily Mortimer, Jay Kelly est une touchante déclaration d’amour au monde du cinéma, ses stars, tous ceux qui œuvrent dans l’ombre, et la magie qui jaillit au final de ce travail collectif. C’est clairement ce que Baumbach cherche à mettre en avant au-delà des angoisses du star system. Le cinéma est un art collaboratif où chacun ajoute sa pierre à l’édifice. Joli film sans trop de prétentions qui émeut autant qu’il amuse (le running gag du cheesecake prévu par contrat est drôlissime), l’ensemble est porté par une forme de ravissement. Même si, comme trop souvent chez Baumbach, il y a des longueurs et des pas de côté agaçants. Jay Kelly aurait pu être plus pur et plus concis dans l’écriture au lieu de vouloir en faire trop en rajoutant des scènes parasites (comme tout ce passage de l’acteur de cinéma qui devient héros du quotidien à bord d’un train). D’autant plus dommage qu’à d’autres moments, Baumbach peut se montrer très inspiré à l’image de son intro magnifique sur un plateau de tournage ou de cette discussion père-fille au téléphone filmée avec génie comme une conversation réelle. Il y a à boire et à manger dans ce Jay Kelly qui n’est au final pas un grand film, mais pas une netflixerie à zapper non plus.

 

Par Nicolas Rieux

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