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IN THE FADE de Fatih Akin : la critique du film

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Carte d’identité :
Nom : In the Fade
Père : Fatih Akin
Date de naissance : 2017
Majorité : 17 janvier 2018
Type : Sortie en salles
Nationalité : Allemagne
Taille : 1h46 / Poids : NC
Genre
: Drame, Thriller

Livret de famille : Diane Kruger, Numan Acar, Denis Moschitto, Johannes Krisch, Ulrich Tukur…

Signes particuliers : Un grand Fatih Akin, une grande Diane Kruger.

LE CRI D’UNE MÈRE DÉTRUITE

LA CRITIQUE DE IN THE FADE

Résumé : La vie de Katja s’effondre lorsque son mari et son fils meurent dans un attentat à la bombe. Après le deuil et l’injustice, viendra le temps de la vengeance.in_the_fade_diane-kruger

Et ainsi Diane Kruger remporta le Prix d’Interprétation au festival de Cannes. Pour la comédienne allemande, il lui aura fallu attendre de tourner avec le génie germano-turc Fatih Akin, pour se voir confier le plus beau rôle de sa carrière. Dans In The Fade, son nouveau long-métrage après le triste échec de son raté The Cut, Akin offre à l’actrice l’occasion de briller avec ce rôle d’une mère dévastée par la mort de son mari et de son petit-garçon, tous deux tués dans un attentat à la bombe. Le sujet est tragique et Akin va tricoter autour de lui, à la fois un drame familial bouleversant, un film de procès, un thriller efficace, et un pamphlet politique acéré.Standfoto "Aus Dem Nichts"

Moyennement accueilli du côté de la Croisette, essentiellement en raison de sa morale de fin jugée douteuse, In the Fade est pourtant un film capable de puissance et témoignant surtout d’une urgence à dire certaines choses alors que l’Europe en général et l’Allemagne en particulier, s’enfoncent doucement dans un marasme politique dangereux où le repli sur soi et le rejet de l’Autre semblent être des solutions tristement privilégiées. Avec In The Fade, dernier effort plein de conviction et d’énergie, Fatih Akin déploie son discours en se servant du scandale du NSU, ce groupuscule néo-nazi coupable d’avoir commis plusieurs assassinats en Allemagne entre 2000 et 2007, notamment sur des personnes d’origine turque.

Il est assez compréhensible de voir ce que l’on a pu reprocher à In the Fade, qui est loin d’être totalement convaincant et exempt de défauts. En effet, Fatih Akin commet de nombreux impairs et erreurs d’écriture, savonnant parfois la planche sur laquelle avançaient la portée politique et la complexité de son film. Comment ? En cédant tout simplement aux sirènes du commercial. A vouloir tirer son film vers un penchant très « grand public » pour s’assurer une distribution internationale, le cinéaste tombe parfois dans la facilité et empêche son effort de prendre ce plein envol qui lui aurait permis d’embrasser sa résonance et de gagner en complexité dans son regard politico-analytique. Dommage. Mais est-ce suffisant pour condamner tout le film ? Loin de là.in_the_fade_film

Si In the Fade est parfois un peu trop schématique dans sa manière de procéder, Fatih Akin livre néanmoins un film bouleversant, qui réussit à prendre aux tripes, à indigner, à révolter. Le public allemand aura probablement du mal parce qu’il a suivi de très près le scandale du NSU dans les années 2000. Mais pour le reste, In the Fade allège peut-être un peu sa confrontation avec son sujet pour mieux faire passer son propos, mais la pertinence et l’intelligence restent au rendez-vous. Et le discours est finalement aussi terrible que terrifiant. Fatih Akin soulève le couvercle d’un racisme protectionniste auparavant « silencieux », mais qui désormais n’hésite plus à s’affirmer ouvertement à travers des tendances politiques imputant tous les maux sociétaux, aux étrangers, à ces « envahisseurs » qui viennent gangréner la « Nation ». Et là, Akin n’y va pas avec le dos de la cuillère, tant l’écho est fort, tant il ouvre frontalement une porte, rappelant que ce que l’on peut entendre aujourd’hui, rappelle ce que l’on a pu entendre dans une certaine Allemagne des années 30.

Derrière le discours politique violent mais nécessaire, qu’il en fasse un peu trop ou pas, Fatih Akin scrute ensuite le drame d’une mère, le deuil impossible, le besoin de justice. Et là encore, In the Fade est capable de se montrer brillant. Comment peut-on digérer un tel drame, quand sa famille vient d’être assassinée pour des raisons aussi impensables et débiles, que la seule haine de l’étranger ? L’unique issue possible est la colère, et la colère mène à la haine, et la haine conduit à la vengeance. Intelligemment, Akin montre ainsi que ce vent haineux qui souffle sur l’Europe sous couvert de protectionnisme, ne peut avoir que de tragiques conséquences tant il risque de se renforcer, au point de se transformer de simple vent à tornade dévastatrice. Oui, In the Fade est un film pessimiste. D’autant plus pessimiste qu’il observe son sujet sans verser dans un manichéisme qui aurait pu décrédibiliser sa démarche. En ayant choisi comme « personnages victimes », un ancien trafiquant réinséré et sa veuve blonde aux yeux bleus tout ce qu’il y a de plus « aryenne » dans l’âme, Akin ne verse pas dans la segmentation, et se sert du brassage culturel allemand pour mieux asséner son propos.in_the_fade

Porté par une Diane Kruger époustouflante et par une mise en scène globalement virtuose malgré quelques petits passages téléfilmesques que l’on préfèrera occulter pour mieux se recentrer sur le meilleur, In the Fade réussit à convaincre sur le fond, au-delà de ses menus égarements sur la forme. Fatih Akin signe une tragédie engagée, certes un peu manufacturée sur les bords, mais qui trouve un bel équilibre entre intelligence et confection accessible au plus grand nombre. Certains reprocheront justement cela au cinéaste, mais au moins et grâce à cela, In the Fade sera vu, et peut-être entendu. Reste la question d’un final discutable et discuté. Mais avec un peu de recul, on comprendra vite que Fatih Akin ne justifie rien, il propose, observe, et ne fait que prévenir d’un danger inéluctable. Le jour où la colère ne sera plus supportable, alors le pire risque de se produire.

EXTRAIT :

Par Nicolas Rieux

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